J'ai été/je suis allé

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Jacques
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Message par Jacques »

Jacques-André-Albert a écrit :On ne peut pas dire que « s'en être » exprime un déplacement. Il ne semble avoir été utilisé qu'au passé simple, sauf erreur de ma part.
Au passé simple et à l'imparfait du subjonctif, exclusivement.
Peut-on vraiment dire que c'est le verbe « s'en être » ? Mais je crois que cette tournure très idiomatique échappe à l'analyse.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Islwyn
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Message par Islwyn »

C'est donc à dire que :

1. « Il s'en fut dans la salle voisine », et

2. « Aurait-il fallu qu'il s'en fût dans la salle voisine ? »

sont corrects (dans la langue écrite d'antan) ?

Et d'ailleurs, je crois n'avoir vu cet emploi qu'avec la troisième personne du singulier. On conçoit mal une phrase telle « nous nous en fûmes dans la salle voisine ».

Mais il peut s'agir du fait que pareilles circonstances ne figurent que dans des textes écrits à la troisième personne.
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Jacques
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Message par Jacques »

Une précision. Pour obéir à la règle de concordance des temps, on doit écrire : Eût-il fallu qu'il s'en fût dans la salle voisine ?
On le voit aussi à la troisième personne du pluriel. Les autres emplois sont théoriquement possibles, mais fort peu fréquents, pour ne pas dire inexistants.
Dernière modification par Jacques le lun. 26 mai 2014, 19:36, modifié 1 fois.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je suis à peu près certain de l'avoir vu aussi à la première personne du singulier.
Bien entendu la prise en compte d'un verbe « s'en être » est un peu... tirée par les cheveux. Je ne pense tout de même pas qu'il soit erroné de dire qu'au passé simple et à l'imparfait du subjonctif il exprime un déplacement.
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Jacques
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Message par Jacques »

André (G., R.) a écrit : Bien entendu la prise en compte d'un verbe « s'en être » est un peu... tirée par les cheveux. Je ne pense tout de même pas qu'il soit erroné de dire qu'au passé simple et à l'imparfait du subjonctif il exprime un déplacement.
Il serait intéressant de savoir pourquoi, mais je crains que nous n'y arrivions pas. Je trouve ceci chez Littré :
Être se dit pour aller, quand on est allé dans un lieu et qu'on en est revenu ; ce qui fait voir qu'en ce sens être a d'abord gardé sa signification naturelle ; il est allé à Rome exprime simplement qu'il a fait le voyage de Rome, sans dire s'il est de retour ; il a été à Rome exprime qu'il est revenu ; être pour aller ne s'emploie qu'aux temps passés : je fus, j'ai été, j'aurai été, j'aurais été, je fusse, ayant été.
 C'est abusivement qu'on emploie être pour aller en d'autres circonstances ; cependant, dans l'usage vulgaire, on se sert souvent de je fus et j'ai été au sens d'aller avec un infinitif suivant ; et on en trouve des exemples dans d'excellents auteurs et dans de très anciens textes. Il fut recevoir le corps de son frère jusqu'à Pavie ; son frère n'avait été qu'une journée au-devant de lui, D'ABLANCOURT, Tacite, 134. Et nous fûmes coucher sur le pays exprès, C'est-à-dire, mon cher, au fin fond des forêts, MOL. Fâcheux, II, 7. À peine ai-je été les voir trois ou quatre fois, depuis que nous sommes à Paris, ID. Impromptu, 1. Je fus retrouver mon janséniste, PASC. Prov. 1. Elle fut au-devant d'elle les bras ouverts, SÉV. 17

Il ne parle donc pas de la forme Je m'en fus, il s'en fut, etc.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Peut-être LITTRÉ contredit-il moins qu’il y paraît ce que nous savons. De nos jours encore, quand on dit « Il a été à Rome », on sait qu’un voyage aller et retour est pour le moins sous-entendu. Ce qui nous gêne — à juste titre, je continue de le penser —, c’est « Il a été à Rome en train ». « J’ai été les voir trois ou quatre fois » nous perturbe, parce que nous constatons qu’a fait partie du langage normal une tournure que nous imaginions incorrecte. Or Littré ne semble pas trouver d’exemple de cet emploi dans des textes de son époque, il en cherche chez des auteurs ayant vécu deux siècles avant lui : dans les années 1860 les phrases de D’ABLANCOURT et MOLIÈRE qu’il cite n’étaient-elles pas déjà ressenties comme bizarres par ses contemporains soucieux de leur langue ? Quant à « je m’en fus », que LITTRÉ ne le mentionne pas ne me semble rien changer à ce que nous en avons dit.
jarnicoton
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Message par jarnicoton »

Je ne m'attendais pas à tant de commentaires et vous en remercie.
"avoir été" me déplaît lorsqu'il remplace "être allé", mais je n'avais pas songé à la nuance entre s'être déplacé puis être revenu, et s'être déplacé sans être revenu encore. Sans vos avis j'aurais dit "être allé" dans tous les cas, au risque de la confusion au sujet du retour fait ou non au moment où on parle.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Jacques a écrit : on doit écrire : Eût-il fallu qu'il s'en fût dans la salle voisine ?
« Aurait-il fallu qu'il s'en fût dans la salle voisine ? » doit-il vraiment être banni ?
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Je partage votre réaction, mais j'ai l'habitude de m'incliner devant l'avis de Jacques... !
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Jacques
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Message par Jacques »

Islwyn a écrit :Je partage votre réaction, mais j'ai l'habitude de m'incliner devant l'avis de Jacques... !
Bigre ! Je vous sais gré de cette confiance.
Pour répondre à André, je ne crois pas que le mariage entre le conditionnel passé première forme et l'imparfait du subjonctif soit condamnable, je n'aurais pas dû formuler la phrase avec il faut, mais plutôt il est recommandé de.
L'harmonie s'établit mieux avec :
il aurait fallu qu'il s'en aille
il eût fallu qu'il s'en fût ou qu'il s'en allât.
Il aurait fallu qu'il s'en fût ressemble à un mariage mixte entre la langue courante et le registre littéraire.
Remarquons que, sur la terre ardennaise qui me vit naître, on dit : il faudrait qu'il s'en irait. Pire : Il aurait fallu qu'il aurait venu. Des fautes caractérisées ou des tournures anciennes ? Peut-être plutôt la seconde hypothèse, car on retrouve des formulations proches en espagnol, autant que je me rappelle cette langue que je n'ai malheureusement jamais pratiquée.
Mais qui peut vraiment fixer les règles de concordance, hormis certains cas de base bien délimités ? Les principes essentiels énoncés par les spécialistes sont des généralités qui laissent place à des variantes. Je ne suis pas grammairien mais je pense qu'il n'y a pas dans cette situation d'obligation formelle.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Le conditionnel passé deuxième forme est identique au subjonctif plus-que-parfait :

Conditionnel : X n'eût laissé (= n'aurait laissé) que de bons souvenirs s'il était mort vingt ans plus tôt.
Subjonctif : Personne n'imaginait qu'il n'eût laissé que des dettes. (En langage ordinaire : ... qu'il n'ait laissé que des dettes.)

C'est sans doute la raison pour laquelle on est enclin à recommander « Il eût fallu qu'il s'en allât. » On a alors le sentiment satisfaisant d'employer le même mode dans la principale (subjonctif plus-que-parfait) et dans la subordonnée (subjonctif imparfait).
Mais refuser « Il aurait fallu qu'il s'en allât » reviendrait à refuser il aurait fallu dans une principale de langage soutenu et à ne plus l'accepter que suivi d'un subjonctif présent dans la subordonnée (Il aurait fallu qu'il s'en aille.)

Il aurait fallu qu'il aurait venu : et moi qui imaginais ne trouver venir avec l'auxiliaire avoir que dans La guerre des boutons (le premier film) !
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Jacques
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Message par Jacques »

André (G., R.) a écrit :Le conditionnel passé deuxième forme est identique au subjonctif plus-que-parfait
Parce que l'un est né de l'autre. Certains spécialistes affirment que le subjonctif plus-que-parfait n'existe pas et n'est rien d'autre que du conditionnel passé 2e forme auquel on ajoute la conjonction QUE.
Je ne crois pas qu'un grammairien quel qu'il soit ait jamais eu l'idée de condamner Il aurait fallu qu'il s'en allât. Je crois même qu'il est conseillé de faire ainsi, plutôt que d'employer le subjonctif présent, qui a cours dans la langue parlée parce qu'elle a éliminé certaines formes de conjugaison (passé simple, conditionnel passé 2e forme, subjonctif imparfait et plus-que-parfait).
Il eût fallu qu'il s'en allât est donc du ressort de la langue très littéraire.
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Islwyn
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Message par Islwyn »

André (G., R.) a écrit :Il aurait fallu qu'il aurait venu : et moi qui imaginais ne trouver venir avec l'auxiliaire avoir que dans La guerre des boutons (le premier film) !
Et dans le roman, dont je possède un bel exemplaire illustré sur papier Alfa, imprimé en Belgique vers 1955. C'est juste pour me vanter...
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Claude
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Message par Claude »

Islwyn a écrit :[...] C'est juste pour me vanter...
C'est plutôt de la fierté, laquelle est justifiée. :wink:
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Jacques
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Message par Jacques »

André (G., R.) a écrit : Il aurait fallu qu'il aurait venu : et moi qui imaginais ne trouver venir avec l'auxiliaire avoir que dans La guerre des boutons (le premier film) !
Peut-être que l'auteur du roman est ardennais ?
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