De belles phrases
Re: De belles phrases
Quel contraste entre le Rimbaud du "Le Dormeur du val" et le Rimbaud trafiquant d'armes en Éthiopie.
- Uranie
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Re: De belles phrases
C'est certain. Rimbaud a dit un jour que son "œuvre" ne voulait rien dire, simple émanation d'un esprit d'adolescent échauffé... Il a écrit trois ans et n'a plus jamais parlé de poésie. On dispose de sa correspondance avec sa sœur Isabelle.
"Les exceptions à la règle sont la féerie de l'existence." (Marcel Proust)
"Connaître sert beaucoup pour inventer." (Mme de Staël)
"Connaître sert beaucoup pour inventer." (Mme de Staël)
Re: De belles phrases
Je ne connaissais pas ce côté pervers de Rimbaud.
Quelle désillusion!
Si on ne le sait pas cette suite Le Dormeur du val puis Le Déserteur par Reggiani reste émouvante.
Quelle désillusion!
Si on ne le sait pas cette suite Le Dormeur du val puis Le Déserteur par Reggiani reste émouvante.
“Si tu diffères de moi, mon frère, loin de me léser, tu m’enrichis.”
Antoine de Saint-Exupéry
Antoine de Saint-Exupéry
- Jacques-André-Albert
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Re: De belles phrases
J'aime beaucoup cette tirade de l'Athalie de Racine, que mon père aimait citer, et c'est un grand classique :
« C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit.
Ma mère Jézabel devant moi s'est montrée,
Comme au jour de sa mort pompeusement parée.
Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté ;
Même elle avait encor cet éclat emprunté
Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage.
« Tremble, m'a-t-elle dit, fille digne de moi.
Le cruel Dieu des Juifs l'emporte aussi sur toi.
Je te plains de tomber dans ses mains redoutables,
Ma fille. » En achevant ces mots épouvantables,
Son ombre vers mon lit a paru se baisser ;
Et moi, je lui tendais les mains pour l'embrasser.
Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange
D'os et de chairs meurtris et traînés dans la fange,
Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux. »
« C'était pendant l'horreur d'une profonde nuit.
Ma mère Jézabel devant moi s'est montrée,
Comme au jour de sa mort pompeusement parée.
Ses malheurs n'avaient point abattu sa fierté ;
Même elle avait encor cet éclat emprunté
Dont elle eut soin de peindre et d'orner son visage,
Pour réparer des ans l'irréparable outrage.
« Tremble, m'a-t-elle dit, fille digne de moi.
Le cruel Dieu des Juifs l'emporte aussi sur toi.
Je te plains de tomber dans ses mains redoutables,
Ma fille. » En achevant ces mots épouvantables,
Son ombre vers mon lit a paru se baisser ;
Et moi, je lui tendais les mains pour l'embrasser.
Mais je n'ai plus trouvé qu'un horrible mélange
D'os et de chairs meurtris et traînés dans la fange,
Des lambeaux pleins de sang et des membres affreux
Que des chiens dévorants se disputaient entre eux. »
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
Re: De belles phrases
Quand j'étais plus jeune, il y avait plein de gens âgés autour de moi capables de réciter des tirades et des poèmes qu'ils avaient appris dans leur jeunesse, et dont je ne suis même pas sûr qu'ils les révisaient de temps en temps pour les entretenir. Aujourd'hui, je n'ai plus l'impression de rencontrer ces mêmes vieillards à la mémoire chargée de belles pages françaises. Moi-même, je peine à retenir deux ou trois poèmes qu'il me faut reprendre périodiquement.
- Uranie
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Puis-je te demander lesquels ?
"Les exceptions à la règle sont la féerie de l'existence." (Marcel Proust)
"Connaître sert beaucoup pour inventer." (Mme de Staël)
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- Hippocampe
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Re: De belles phrases
Moi je me souviens un peu d'un seul poème : Fantaisie de Gérard de Nerval. Quand j'étais étudiant je l'avais écrit au marqueur sur l'armoire de mon box. Après mon départ le personnel du lycée essaya en vain de l'effacer.
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize ; et je crois voir s’étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue… – et dont je me souviens !
Gérard de Nerval
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize ; et je crois voir s’étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue… – et dont je me souviens !
Gérard de Nerval
Dernière modification par Hippocampe le jeu. 29 mai 2025, 13:04, modifié 1 fois.
Car le feu s'est éteint, les oiseaux se sont tus et Ceinwen est partie.
Re: De belles phrases
Avec plaisir !
La Mort du Loup, de Vigny, avec la fameuse fin :
Le Vase brisé de Sully-PrudhommeGémir, pleurer, prier, est également lâche.
Fais énergiquement ta longue et lourde tâche
Dans la voie où le Sort a voulu t'appeler,
Puis après, comme moi, souffre et meurs sans parler.
et... le Corbeau et le Renard, du fabuliste bien connu.Le vase où meurt cette verveine
D’un coup d’éventail fut fêlé ;
Le coup dut l’effleurer à peine :
Aucun bruit ne l’a révélé.
Mais la légère meurtrissure,
Mordant le cristal chaque jour,
D’une marche invisible et sûre
En a fait lentement le tour.
Son eau fraîche a fui goutte à goutte,
Le suc des fleurs s’est épuisé ;
Personne encore ne s’en doute ;
N’y touchez pas, il est brisé.
Souvent aussi la main qu’on aime,
Effleurant le coeur, le meurtrit ;
Puis le coeur se fend de lui-même,
La fleur de son amour périt ;
Toujours intact aux yeux du monde,
Il sent croître et pleurer tout bas
Sa blessure fine et profonde ;
Il est brisé, n’y touchez pas.
Re: De belles phrases
Vers souvent cité pour montrer qu'au XIXe siècle, on pouvait prononcer "vèbre" le noms de Weber, de même que certains disent encore "schnèdre" pour Schneider (de plus en plus rarement je crois).Hippocampe a écrit : ↑mer. 28 mai 2025, 16:53
Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
- Hippocampe
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Re: De belles phrases
Sait-on comment s'expliquait cette prononciation ?
Car le feu s'est éteint, les oiseaux se sont tus et Ceinwen est partie.
Re: De belles phrases
Je ne saurais l'expliquer, mais la prononciation française a longtemps fortement adapté la prononciation des mots étrangers à des sonorités jugées plus conformes à nos us et coutumes phonétiques. On a bien fait Londres de London.
- Uranie
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Re: De belles phrases
C'est également l'un de ceux que je préfère.Hippocampe a écrit : ↑mer. 28 mai 2025, 16:53 Mois je me souviens un peu d'un seul poème : Fantaisie de Gérard de Nerval. Quand j'étais étudiant je l'avais écrit au marqueur sur l'armoire de mon box. Après mon départ le personnel du lycée essaya en vain de l'effacer.
"Les exceptions à la règle sont la féerie de l'existence." (Marcel Proust)
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C'est pour la rime avec funèbre.
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Re: De belles phrases
Ah, j'aime beaucoup "Le Vase brisé."
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Re: De belles phrases
J'aime beaucoup "La Complainte de Rutebeuf"
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu
Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Rutebeuf (1230-1285)
Adaptation en Français moderne
de la Griesche d'Hiver.
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Ce sont amis que vent me porte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Avec le temps qu'arbre défeuille
Quand il ne reste en branche feuille
Qui n'aille à terre
Avec pauvreté qui m'atterre
Qui de partout me fait la guerre
Au temps d'hiver
Ne convient pas que vous raconte
Comment je me suis mis à honte
En quelle manière
Que sont mes amis devenus
Que j'avais de si près tenus
Et tant aimés
Ils ont été trop clairsemés
Je crois le vent les a ôtés
L'amour est morte
Le mal ne sait pas seul venir
Tout ce qui m'était à venir
M'est advenu
Pauvre sens et pauvre mémoire
M'a Dieu donné, le roi de gloire
Et pauvre rente
Et droit au cul quand bise vente
Le vent me vient, le vent m'évente
L'amour est morte
Ce sont amis que vent emporte
Et il ventait devant ma porte
Les emporta
Rutebeuf (1230-1285)
Adaptation en Français moderne
de la Griesche d'Hiver.
"Les exceptions à la règle sont la féerie de l'existence." (Marcel Proust)
"Connaître sert beaucoup pour inventer." (Mme de Staël)
"Connaître sert beaucoup pour inventer." (Mme de Staël)