Être ou avoir ?

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Claude
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Être ou avoir ?

Message par Claude »

Mon ignorance a encore frappé :cry: . Je viens de lire un article dans la dernière revue de Défense de la langue française sur l'emploi d'être et avoir quand ils sont employés comme auxiliaires avec certains verbes intransitifs.
Il est dit que ces verbes expriment l'action quand ils sont conjugués avec avoir et le résultat de l'action avec être.
Je cite l'exemple avec accourir : ils ont accouru dès qu'il eut appelé. Ils sont accourus pour fêter ses vingt ans (l'auxiliaire être met en valeur le résultat de l'action).
Dans ce cas, je constate que c'est la chronologie qui impose l'auxiliaire (ou lien de cause à effet) ; avec avoir il appelle puis ils accourent ; avec être ils accourent puis ils fêtent ses vingt ans.
Je comprends pourquoi le français est une langue difficile, à plus forte raison pour un non francophone.
Qu'en pensez-vous ?
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Toutes les questions relatives à l'emploi de l'auxiliaire sont très délicates en français. Je connaissais cette règle, mais il arrive souvent qu'on l'oublie quand on écrit. Vous faites bien de la rappeler ici, Claude.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
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Jacques
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Message par Jacques »

Je n'ai pas vu cet article, mais d'emblée je réagis comme Klausinski, et dans ces exemples avec accourir la différence ne m'apparaît pas de façon évidente. Je doute.
Prenons venir : ils sont venus est la seule forme envisageable, on ne peut pas dire ils ont venu.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques
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Message par Jacques »

Je viens de trouver le texte. Il y a une petite erreur de transcription pour accourir. Les deux exemples que j'ai lus sont :
Ils ont accouru dès qu'il eut appelé ;
Ils étaient accourus pour fêter ses vingt ans.
Cela ne change rien à la question, et je dois avouer, sans contester la position prise par l'auteur, que je ne me suis jamais préoccupé de ces nuances. Je n'ai donc pas de commentaires à faire.
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Claude
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Message par Claude »

J'ai conservé volontairement le même temps composé qu'avec avoir pour que la comparaison soit plus flagrante.
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Jacques
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Message par Jacques »

Claude a écrit :J'ai conservé volontairement le même temps composé qu'avec avoir pour que la comparaison soit plus flagrante.
Un flagrant délit, en quelque sorte ? Je vais tâcher de réfléchir à la question, mais sans être un expert je me demande si nuance il y a vraiment. Je ne crois pas que qui que ce soit fasse la différence dans l'usage courant.
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Jacques
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Message par Jacques »

L'exemple choisi par Claude n'est pas anodin, car c'est celui qui m'a aussi laissé dubitatif : accourir a exactement le même sens avec les deux auxiliaires, « venir avec précipitation » ; la nuance me rend perplexe. Dans certains autres, la préférence donnée à l'auxiliaire aboutit à une idée différente :
– il a changé de l'argent à la banque (échange d'une devise pour une autre) ; depuis qu'il a eu la rougeole cet enfant est bien changé (est différent) ;
– il a commencé à tousser aux premiers jours de l'hiver (sa toux s'est manifestée, a débuté) ; la séance est commencée depuis un quart d'heure (est en route, en cours de déroulement) ;
– votre fille a embelli (est devenue plus belle) ; depuis les ravalements la ville est embellie (présente un plus bel aspect).
Il faut deux lectures attentives au moins pour estimer la justesse des démonstrations.
J'ai quand même deux réserves à formuler, sans pouvoir me justifier. C'est donc un sentiment personnel, peut-être erroné :
– ces taches ont apparu subitement (on fait leur apparition) ; ces taches sont apparues indélébiles. Le sens n'est pas du tout le même : sont apparues signifie se sont révélées. Pour moi cet exemple n'est pas à retenir.
– Elle a accouché avec les forceps (action) ; elle est accouchée depuis plusieurs jours (état).
Je trouve la première construction un peu populaire ou familière. Ce n'est en outre plus elle qui accouche, elle est accouchée par un médecin. Je dirais plutôt « on l'a fait accoucher avec les forceps ».
Loin de moi l'idée de critiquer quoi que ce soit dans cet article. L'emploi des auxiliaires est un petit casse-tête, en voilà donc une justification. Il appelle l'attention sur une des innombrables subtilités de la langue. Trop nombreuses pour notre malheur, comme le fait remarquer Claude.
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Claude
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Message par Claude »

Jacques a écrit :...je me demande si nuance il y a vraiment....
C'est pour cela que j'ai soumis cet exemple ; jamais je n'avais entendu cette règle (ou je ne m'en souviens plus). L'auteur ne mentionne pas ses sources.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je suis dans le même cas, je tombe des nues, et je regrette que l'auteur ne dise pas où il a trouvé cette règle. En existe-t-il vraiment une d'ailleurs, ou a-t-il voulu faire part d'une observation personnelle ? On voit bien que son principe n'est pas applicable dans tous les cas, et il donne plusieurs verbes où la distinction ne se fait pas.
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Claude
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Message par Claude »

L'auteur de l'article a peut-être puisé chez Littré :
"Accourir se construit avec l'auxiliaire avoir et l'auxiliaire être. L'on se sert du premier quand on a particulièrement l'intention d'exprimer l'action d'accourir ; et du second, quand on a l'intention d'exprimer l'état d'une personne qui est accourue. Elles ont accouru en hâte nous porter secours ; elles sont accourues et ont contemplé ce triste spectacle."

L'Académie fait allusion à l'emploi possible des deux auxiliaires, mais sans donner d'explications :
"...mais admet, aux temps composés, l'un ou l'autre des verbes auxiliaires : j'ai accouru ; je suis accouru). XIe siècle, acorre ; XIVe siècle, accourre. Du latin accurrere, dérivé de currere, « courir », avec un changement de conjugaison dû à courir.
Venir en hâte en un lieu ou auprès de quelqu'un. Ses amis ont accouru ou sont accourus pour le féliciter."
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Jacques
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Message par Jacques »

Alors je pense que l'exemple de Littré a été mal interprété par l'auteur. Ils étaient accourus pour fêter ses vingt ans n'est pas conforme à l'idée de notre médecin philologue. Car avec l'exemple qu'il donne (Émile), nous comprenons : elles sont accourues = elles sont présentes, elles sont là, elles sont sur place, et par voie de conséquence elles ont contemplé (en arrivant) ce triste spectacle. Elles sont accourues, participe passé, marque un fait accompli et toujours en cours. On ne peut logiquement pas le mettre au plus-que-parfait.
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Jacques
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Message par Jacques »

Il suffit de se reporter à la définition de l'Académie française citée par Claude et à l'exemple qu'elle donne pour constater qu'aucune nuance ne se marque dans le sens habituel du verbe :
Ses amis ont accouru ou sont accourus pour le féliciter.
Et si l'Académie ne commente pas, c'est que l'emploi de l'un ou de l'autre ne fait pas de différence.
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