Croire, se croire, voir, se voir (participe passé)

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Bernard_M
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Croire, se croire, voir, se voir (participe passé)

Message par Bernard_M »

Bonjour,

Découvrant par hasard, le forum, je me permets d'en pousser la porte.
Comme pour beaucoup d'entre vous, certains participes passés sont pour moi source de bien des interrogations. Maintenant que je suis à la retraite, je profite de mon temps pour approfondir cette question.
Dans ce cadre, croire et se croire, voir et se voir m'interpellent (*). Voici l'objet de mon interrogation sur quelques exemples simples et les solutions que j'en donnerais. Je serais intéressé par vos remarques.
Par avance je vous en remercie.
Amitiés
Bernard M.
72200 La Flèche
  • 1. Elles ont échangé leurs avis et elles se sont (cru)
  • 2. Ils ont gagné à la loterie et alors ils s'y sont (cru) !
  • 3. Elle a écrit un livre et elle s'est (cru) un grand écrivain !
  • 4. Ils se sont octroyé des pouvoirs et ils se sont (cru) plus puissants.
  • 5. Ils ont regardé la carte et ils se sont (cru) arrivés
  • 6. Elles se sont (cru) habilitées à prendre une telle décision.
  • 7. Perdant le contrôle de leur véhicule, ils se sont (vu) mourir.
  • 8. Vu leur alcoolémie, ils se sont (vu) retirer immédiatement leur permis.
  • 9. En se voyant retirer leur permis, ils ont (cru) rêver.
Voilà les petites phrases-tests pour lesquelles je doute un peu de moi et voici les solutions vers lesquelles je pencherais.
Mon raisonnement suit ma proposition de réponse.
1. crues (verbe: croire -quelqu'un- / le pronom se est ici COD donc accord)
2. crus (verbe pronominal : se croire + adjectif, verbe infinitif, proposition / complément)
3. crue (idem cas n°2)
4. crus (idem cas n°2)
5. crus (idem cas n°2)
6. crues (idem cas n°2)
7. vus : (v. voir / si effectivement ils sont morts et qu'ils ont assisté à leur mort, Ils ont vu qui ?… eux-mêmes –COD- en train de mourir / se est ici COD donc accord)
ou aussi vu : (v. se voir / si, par bonheur, ils ne sont pas décédés / employé comme semi-auxiliaire, ils ont vu quoi? … le fait qu'ils allaient mourir/ mourir est le COD)
8. vu (v. se voir / ils ont vu… quoi ? qu'on leur retirait leur permis (COD)
9. cru (v. croire / ils ont cru… quoi ? rêver / le verbe rêver est COD)



(*) ou plus exactement "attirent mon attention" ! voir ici la recommandation de l'Académie mentionnée par Jacques.
Dernière modification par Bernard_M le mer. 18 mars 2009, 6:01, modifié 4 fois.
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Jacques
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Message par Jacques »

Bigre ! Vous attaquez très fort. Voilà que vous semez le doute dans mon esprit quant à certains de ces accords. Je devrai y réfléchir avant de donner un avis.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Perkele
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Re: Croire, se croire, voir, se voir (participe passé)

Message par Perkele »

Nous avons 1 point de désaccord, mais je reste accessible à toute explication.
  • 1. Elles ont échangé leurs avis et elles se(= COD) sont crues
  • 2. Ils ont gagné à la loterie et alors ils s(ni COD, ni COI = accord sujet)'y sont crus !
  • 3. Elle a écrit un livre et elle s (ni COD ni COI = accord sujet)'est crue un grand écrivain !
  • 4. Ils se sont octroyé des pouvoirs et ils se (COD) sont crus plus puissants.
  • 5. Ils ont regardé la carte et ils se (COD) sont cru (2 participes passés qui se suivent, seul le second s'accorde avec le COD) arrivés
  • 6. Elles se sont crues habilitées à prendre une telle décision.
  • 7. Perdant le contrôle de leur véhicule, ils se(COD faisant l'action de l'infinitif) sont vus mourir.
  • 8. Vu leur alcoolémie, ils se(COD ne faisant pas l'action de l'infinitif) sont vu retirer immédiatement leur permis.
  • 9. En se voyant retirer leur permis, ils ont cru rêver.(dit, cru, pensé, fait suivis d'un infinitif sont invariables)
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

Merci Perkele pour ces éléments de réponse bien argumentés.
Dans la proposition 5, j'avais considéré "arrivés" comme un adjectif. Je me trouvais ainsi dans un cas similaire au cas précédent. Je prends note du rappel concernant la règle sur le double participe passé .
Cordialement
Bernard
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Perkele
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Message par Perkele »

Bernard_M a écrit :Merci Perkele pour ces éléments de réponse bien argumentés.
Dans la proposition 5, j'avais considéré "arrivés" comme un adjectif. Je me trouvais ainsi dans un cas similaire au cas précédent. Je prends note du rappel concernant la règle sur le double participe passé .
Cordialement
Bernard
Oui, mais... maintenant que vous me dites ça, "habilité" (n° 6) est aussi un participe passé... :shock:
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

Cela est exact ! "habilité" ne saurait être un adjectif. Et cette faute-là, je ne l'avais pas vue. :oops:
En vertu de la règle du double participe passé (si j'ai bien retenu la leçon), pour l'exemple (6) on écrira donc ceci :
(6) Elles se sont cru habilitées à prendre une telle décision.
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

Que tout cela est complexe !
Devant une telle complexité, je me pose la question suivante : à quel document officiel, si tant est qu'il en existe un, un enseignant se réfère-t-il, aujourd'hui, pour inculquer à ses élèves les règles grammaticales dont il a la charge de l'enseignement ? Peut-être un membre du forum pourrait-il nous éclairer sur cette question.
Mais après tout, peut-être n'y a-t-il pas de textes officiels. Peut-être n'y a-t-il que des recommandations qui, à elles seules, ne sauraient avoir force de règle, laissant ainsi à chacun le soin de l'interprétation.
Corrélativement, je pense également que le bon sens, dont on sait qu'il est, malheureusement, la chose la moins bien partagée ici-bas, voudrait que l'on évite de telles formules dans les dictées à caractère compétitif, tant elles sont sujettes à nombre de controverses et, par voie de conséquence, sources d'absence d'équité au moment de la correction. Les 20 et 21 mars 2009, à l’occasion de la Semaine de la langue française, aura lieu la dictée francophone ; puisse ce vœu être entendu !
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Jacques
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Message par Jacques »

Légalement, il ne peut pas avoir de règles officielles : la loi française interdit qu'on impose quoi que ce soit, qu'on légifère ou qu'on pose des obligations officielles en matière de langue. Prenez les régularisations orthographiques acceptées par l'Académie : bien qu'elles aient été publiées au Journal officiel le 6 décembre 1990, cela ne leur donne pas un caractère obligatoire. On est libre de ne pas les appliquer, et dans un examen, aucune faute ne peut être comptée à qui emploie l'ancienne orthographe.
Il se peut qu'il y ait des principes décidés dans le cadre de règlements et de consignes données aux enseignants mais ce nest pas mon domaine, et seuls les enseignants pourront nous renseigner. Pour trouver des indications il faut consulter les ouvrages spécialisés, les dictionnaires des difficultés du français (Bordas, Larousse, Robert, Hanse, Grevisse par exemple). Mais attention, ils ne sont pas tous d'accord sur certains points de grammaire et sur les difficultés de la langue. On peut trouver plusieurs avis, dont certains sont contradictoires ; et ce n'est pas rare.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Jacouille76

Message par Jacouille76 »

Comment faites-vous la différence entre un participe passé sans auxiliaire et un adjectif?

:?
Jacouille76

Message par Jacouille76 »

Bernard_M a écrit :Cela est exact ! "habilité" ne saurait être un adjectif.
:? Pourriez-vous expliquer pourquoi? J'ai beau y réfléchir, je ne vois aucune raison de ne pas considérer "habilité" comme un adjectif. :?

Ce mot me semble être un participe adjectif et je crois que celui-ci est traité comme un pur adjectif, en grammaire nouvelle du moins.

Dans ce cas, on écrira "Elles se sont crues (elles ont cru elles-mêmes, CD) habilitées (participe adjectif traité comme l'adjectif: elles se sont crues aptes) à prendre une telle décision."
Qu'en pensez-vous?
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

Jacouille76 a écrit : "habilité" ne saurait être un adjectif. ... Pourriez-vous expliquer pourquoi?
Le Petit Robert, édition de 1973 est ma référence : on n'y trouve en effet que habilité (n.f.) et habiliter (v.tr.) ! Donc pas d' "habilité" comme adjectif, c'est aussi simple que cela !
En revanche "arrivé", lui, peut être pris comme adjectif, selon cette même référence.
Ce mot me semble être un participe adjectif et je crois que celui-ci est traité comme un pur adjectif, en grammaire nouvelle du moins
Quelle référence avez-vous que j'actualise mon dictionnaire ?
Dans les éditions de dictionnaires les plus récentes, on devrait dès lors trouver cette mention de façon explicite. Est-ce le cas ?

Sûr de mon fait, la règle du double participe passé, telle qu'elle a été rappelée par Perkele, doit être appliquée tout naturellement.

S'il apparaissait qu' "habilité" était à présent un adjectif, alors oui, comme vous, j'opterais pour "crues" et "habilitées", comme je l'avais proposé dans le cas n°6 des exemples qui m'avaient permis d'initier cette discussion. Mais jusqu'à preuve du contraire, ce n'est pas le cas ! :wink:
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Jacques
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Message par Jacques »

J'ai consulté mes dictionnaires, habilité n'existe pas en tant qu'adjectif. Nous n'avons que le verbe habiliter, et le substantif habilité « aptitude légale à faire quelque chose », qui est donné comme vieux.
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Invité

Message par Invité »

Tout cela est exact et je le conçois bien. Sa classe n'est pas celle de l'adjectif, mais sa fonction n'est pas celle du participe non plus et c'est pourquoi on l'appelle participe adjectif : il joue le rôle d'adjectif dans l'analyse syntaxique même s'il provient d'un verbe.

Voici une référence, je vous reviendrai avec d'autres si celle-ci vous paraît insuffisante:
http://www.ccdmd.qc.ca/media/rubri_a_06AccPPseul.pdf
On y dit:
"On appelle participe passé « employé seul » le participe passé qui n’est précédé ni de l’auxiliaire avoir ni de l’auxiliaire être. En fait, il est utilisé dans les mêmes contextes que l’adjectif. On l’appelle même « participe adjectif », parfois simplement « adjectif »."

Je l'appelle simplement "adjectif" parce qu'il est remplaçable par n'importe quel autre adjectif.
Il serait pour le moins inusité d'écrire "cru habilitées" et "crues aptes", ne pensez-vous pas?
En tout cas, ce serait difficile à expliquer à un élève.

Pour moi, les cas 3, 5 et 6 sont identiques et s'analysent de la même manière.

Dans ce cas-ci, la fonction de l'élément syntaxique importe plus que sa nature. Du moins, c'est de cette façon que j'analyse la question.
Ceci dit, je suis bien conscient de la possibilité d'être dans l'erreur!

(Je n'ai pas mon Bon usage entre les mains en ce moment, je vais faire mes devoirs et je vous reviens.)
Très intéressante, cette conversation, à suivre... :)
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Jacques
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Message par Jacques »

Je suis bien d'accord, et il y a longtemps que j'ai compris cela. Je n'ai besoin ni de preuves ni de références. La question qui se posait n'était pas de connaître sa fonction mais quelle était sa nature grammaticale ; c'est pourquoi j'ai écrit qu'il n'existe pas d'adjectif proprement dit. Mais il est clair pour moi qu'il s'agit d'un participe passé en fonction d'adjectif.
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Jacouille76

Re: Croire, se croire, voir, se voir (participe passé)

Message par Jacouille76 »

Perkele a écrit :(2 participes passés qui se suivent, seul le second s'accorde avec le COD)
Bonjour, je n’ai trouvé aucune allusion à la règle à laquelle vous faites allusion au sujet du participe passé suivi d’un deuxième participe passé dans la 11e édition du Bon usage.
Par contre, ce que j’ai trouvé peut nous éclairer et rejoint bien ce que j’en disais précédemment :

Page 918, # 1920 :
Participe passé suivi d’un attribut d’objet.

« Le participe passé suivi d’un attribut d’objet direct s’accorde souvent avec cet objet si celui-ci précède le participe. »
Exemples :
"Tout le monde l’a crue morte."
"Une étoffe trop fine et qu’on eût dite froissée."



Page 919, # 1921 :
N.B. – Cependant il n’est pas rare qu’on laisse ce participe invariable parce qu’on a vaguement conscience que le participe avec l’attribut semblent former un bloc dans lequel le participe n’a pas assez d’indépendance pour pouvoir se prêter à l’accord.

Grevisse en parle aussi dans la section Participe passé des verbes pronominaux :

Page 936, # 1942, 5.:
"Quand le participe passé d'un verbe pronominal est suivi d'un attribut du pronom réfléchi, il s'accorde généralement avec ce pronom réfléchi."

Exemples:
"Irène, qui s'était crue sauvée." (Dans ce cas-ci, on est en présence d'un pur participe passé et Grevisse n'en tient aucunement compte.)
"Hélène s'était crue à jamais abandonnée."
Etc.

Comme je le disais, il n'y a aucune raison logique d'accorder différemment:
Elles se sont crues aptes à répondre.
Elles se sont cru habilitées à répondre.

Jusqu'à preuve du contraire, j'analyse ces deux phrases exactement de la même manière et dans les deux cas, j'accorde le participe passé et l'adjectif (qu'il soit participe ou non ne change rien à l'affaire).

Quelle est la référence de cette règle? :?
D'où la tenez-vous? Et quelle logique la sous-tend?
:shock:
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