Les pieds en poésie

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Jacques
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Message par Jacques »

Eh bien merci pour votre explication, j'ai appris quelque chose, et le sens du mot stances.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Madame de Sévigné
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Message par Madame de Sévigné »

Bravo, Jacques pour ce par coeur, que j'ai appris moi-même en mes vertes années!
J'ai insisté sur le premier vers à cause du " jusques au fond..." qui permet la liaison et aussi une syllabe de plus.
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Jacques
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Message par Jacques »

C'était en 1951, j'avais à l'époque une bonne mémoire. Le jusques au fond du cœur m'avait aussi frappé. Mais ne dit-on pas aussi jusques et y compris ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Perkele
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Message par Perkele »

Ce sont des prononciations qu'on ne retrouve pus dans certains textes modernes....
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

Perkele a écrit :Ce sont des prononciations qu'on ne retrouve pus dans certains textes modernes....
Cela dépend de l'angle sous lequel on se place.
  • En littéraire, jusques à nous, jusques à quand ? sont des expressions effectivement peu usitées aujourd'hui et dans le cadre d'une simple discussion, elles résonnent de façon quelque peu emphatique,
  • comme simple locution invariable, jusques et y compris me semble être d'un emploi plus courant. Il n'est pas rare d'entendre cette expression dans des échanges qui ne présentent pas pour autant un style ampoulé. Ce dernier usage du "s" ajouté me fait penser à la remarque de valiente s'agissant du comptage des syllabes dans "Pâques et Kairouan". On en arrive alors tout naturellement au troisième aspect de cet ajout,
  • un aspect utilitaire en tant que paragoge, destinée à répondre à une nécessité métrique, en poésie notamment (Source : Académie, clé : jusques-[3]). Dans ce cas c'est un outil à la disposition du poète dont il peut user et abuser.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je commence la journée en apprenant un mot nouveau, paragoge. Je découvre aussi qu'il est de genre féminin :
Terme de grammaire. Addition à la fin d'un mot : dans jusques, l's est une paragoge qu'on se permet quand l'euphonie ou la mesure le demande, par exemple dans ce vers ; Sion jusques au ciel élevée autrefois (RAC. Esth.I, 2).
Ce S est donc ajouté par raison d'euphonie. Dans Le Cid, il sert à allonger d'une syllabe : percé jusqu'au fond du cœur donne un vers à sept syllabes, et rompt avec le rythme.
Dernière modification par Jacques le mar. 23 févr. 2010, 8:37, modifié 2 fois.
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JR
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Message par JR »

Vous me rappelez ce grand classique de l'humour militaire :
L'adjudant, interrogeant le jeune soldat :
"de quoi sont les pieds ?"
Le jeune soldat : " :oops: :roll: - - - :?: :arrow: :cry: "
L'adjudant : " les pieds sont l'objet des soins les plus attentifs; m'en ferez 4 ! "
L’ignorance est mère de tous les maux.
François Rabelais
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Jacques
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Message par Jacques »

N'ayant jamais endossé l'uniforme, je fais là une découverte.
À ajouter au canon du fusil.
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Claude
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Message par Claude »

Comme il est dit dans tout ce qui précède, le poète a parfois besoin d'une syllabe supplémentaire. À l'inverse il peut avoir une syllabe de trop dans un vers qui contient encore suivi d'un mot commençant par une consonne ; alors il supprime purement et simplement le E final, n'est-ce pas ?
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Jacques
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Message par Jacques »

Je n'en sais rien, mais encore fait partie de ces mots où E final est muet. Dans certains cas, en poésie, il est peut-être nécessaire de le prononcer pour le rythme ou pour avoir le nombre de syllabes.
Encor sans E est une ancienne orthographe qui remonte au XIIe s. d'après le Dictionnaire historique.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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valiente
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Message par valiente »

Madame de Sévigné a écrit :Le Cid. Acte I, scène 6.
Percé jusques au fond du coeur
Huit syllabes et quatre pieds ?
Marquise, je compte comme vous.
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

valiente a écrit :
Madame de Sévigné a écrit :Le Cid. Acte I, scène 6. Percé jusques au fond du coeur : Huit syllabes et quatre pieds ?
Marquise, je compte comme vous.
Moi de même :
Per / / juss / que / zo / fon / du / cœur = 8 syllabes
Percé / jusque /zofond / du cœur = 4 mesures (musicales) ou 4 pieds, si tant est qu'il devrait y avoir des pieds à ce vers eu égard à la remarque sur la versification française qui souligne qu'il n'y a pas de pieds aux vers français (*).
Est-ce aussi comme cela que vous comptez ?
(*)Ainsi vais-je oser ce contrepet : la poésie française te joue donc des cymbales...
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Jacques
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Message par Jacques »

Pour le moment je n'arrive pas à décrypter mais je vais y réfléchir.
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valiente
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Message par valiente »

Claude a écrit :Comme il est dit dans tout ce qui précède, le poète a parfois besoin d'une syllabe supplémentaire. À l'inverse il peut avoir une syllabe de trop dans un vers qui contient encore suivi d'un mot commençant par une consonne ; alors il supprime purement et simplement le E final, n'est-ce pas ?
Oui, Claude, c’est un subterfuge connu en poésie.
A mon sens, cela traduit souvent un manque d’inspiration ou d’habileté ; si un vers n’a pas le bon nombre de syllabes, alors il faut le retravailler, et non le truquer.
Je ne vois que deux raisons valables d’écrire « encor » ou « jusques » : l'euphonie et la cadence.
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Perkele
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Message par Perkele »

Et des pieds mal comptés sont des pieds de cochons.
(Il ne faut pas prendre le Vieux Port pour un homme*)


* Si besoin de décryptage, m'appeler. :wink:
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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