L’ignorance croît de plus en plus

[Marco]

Je ne veux pas faire de laïus, mais je constate, comme vous tous, que les gens se permettent de plus en plus de libertés en ce qui concerne la langue (pas seulement dans ce domaine, évidemment…). En particulier (oublions l’orthographe et la grammaire pures), désormais « Monsieur » s’abrège en « Mr. » et plus, comme il est normal, en « M. ». Et puis la prolifération – nous en avons déjà parlé à maintes reprises – de ces inutiles féminisations sous forme de « doublets », du style « Les enseignants et enseignantes » ou « Les enseignantEs » ou « Les enseignant[e]s », etc., me paraît lamentable.

Voici la position de l’Académie à ce sujet, que je partage entièrement (je précise que je ne partage pas toutes ses positions) : c’est ici.

[Manni-Gédéon]

Il me semble que l'abréviation "Mr." existe depuis longtemps. Je me rappelle avoir eu des doutes alors que j'étais adolescente. C'est une confusion avec l'anglais.
Quant aux "doublets", on se demande si c'est la nouvelle conception du politiquement correct ou la pression de certains mouvements féministes qui guide ces gens.
Mais vous avez raison, c'est affligeant.

[Jacques]

En ce qui concerne la mauvaise abréviation de monsieur, elle existait déjà du temps de mon enfance. Nous dirons autour de 1945. Elle est très souvent doublement fautive, car beaucoup de gens ajoutent un point à la fin, alors qu'il n'en faut pas, et nous le savons tous bien sûr, quand une abréviation se termine par la dernière lettre du mot abrégé. Voyons notamment ces enseignes de mauvais goût pour des magasins ou marques (Mr. Propre, Mr. Bricolage).
Quant aux doublets, je ne suis plus tout à fait sûr, mais il me semble que Jean Dutourd, ex-président de DLF, les avait dénoncés. Il est inutile de dire « Les électrices et électeurs », « Chers auditeurs et auditrices », manie qui se répand comme la peste. Elle est n'en doutons pas le résultat de cette aberrante campagne de féminisations incongrues et maladroites. Quand on dit chers lecteurs, ce dernier mot ne vise pas les hommes seuls, il a une valeur générique neutre. Je prêche des convaincus et n'apprends rien à personnne, c'est juste l'expression d'un agacement équivalent à celui de Marco.

[Perkele]

Dans tous les cas, c'est le plus souvent l'inculture qui crée ces mouvement qui veulent réformer, simplifier ; qui croient effacer une inégalité. Les membres de ces groupes de pression n'ont pas pris la peine de chercher le pourquoi de mots, de formes, d'accords, ils n'ont qu'une vision superficielle des choses et emboitent le pas, comme dans toute révolte, de celui qui crie le plus fort.

[Dame Vérone]

A force de lire et/ou entendre ces «incorrections», il arrive un moment où je ne suis plus sûre du mot ou de l'écriture corrects. Un peu d'inattention et j'emploie le même langage, la même orthographe qui me hérissaient il y a peu... Je ne pense pas être la seule dans ce cas, ce qui est loin d'être consolant, bien au contraire !

[Jacques]

Inévitablement, ces mauvaises habitudes envahissantes et continuellement répétées créent une confusion, et nous assistons à un phénomène comparable à celui de la suggestion exploité dans le domaine de l'hypnose : le subconscient adopte les formes fausses et les impose au conscient. Cela devient une espèce de réflexe. Des personnes averties comme nous se méfient et résistent à cette influence, mais si votre méfiance est endormie par fatigue ou distraction, vous tombez dans le panneau.

[André79]

Chers concitoyens, chères concitoyennes, réunis ici dans cette salle, je me permets de m'adresser en toute sérénité à vous car je sais que les français et les les françaises ne sont ni des idiots ni des idiotes et que le moment venu dans le silence de l'isoloir ils sauront et elles sauront montrer le vrai choix qu'ils et elles doivent faire pour leur pays : la France...

Il y a un malaise?

Chers amis ne vous laissez pas abuser par le chant des sirènes votez André..

Et là?

[Jacques]

Le discours est emphatique et ampoulé, si c'est ce que vous voulez dire ; Français et Françaises doivent s'écrire avec des majuscules. En dehors de cela, nous retombons dans ce que Marco dénonce, les doublets inutiles au nombre de quatre.
Pour la suite il manque une virgule après sirènes et il y a un point de trop à la fin.
Est-ce bien l'analyse que vous attendiez ?

[JR]

A force de lire et/ou entendre ces «incorrections», il arrive un moment où je ne suis plus sûre du mot ou de l'écriture corrects. Un peu d'inattention et j'emploie le même langage, la même orthographe qui me hérissaient il y a peu... Je ne pense pas être la seule dans ce cas, ce qui est loin d'être consolant, bien au contraire !

Beaucoup de maladies sont contagieuses, mais pas la bonne santé; ça viendra peut être . . . je pense que les camarades du forum partageront ce point de vue (là, j'évite un doublet, et je rajeunis de quelques années ! :D )

[André79]

Je voulais dire par là que le monde politique est friand des formules que dénonce Marco et que je dénonce moi-même.
Je me pose la question de savoir si ces doublets et autre formulations "à rallonge" ne sont pas une manière de gagner du temps pour réfléchir à ce qu'on va dire.

Pour les fautes, oui d'accord, sauf pour le point de trop : je dirais plutôt qu'il manque un point, c'était mon intention en tout cas.

[Madame de Sévigné]

désormais « Monsieur » s’abrège en « Mr. » et plus, comme il est normal, en « M. ».

J'ajoute que je rencontre tous les jours des Mr. au lieu de M.
Mais aussi, pour Madame, des Me au lieu Mme !!!

[Jacques]

je pense que les camarades du forum partageront ce point de vue (là, j'évite un doublet, et je rajeunis de quelques années ! :D )

C'est bien commode, ces mots qui ne changent pas de forme en changeant de genre ; camarades, collègues, membres...

[Anne]

Mais aussi, pour Madame, des Me au lieu Mme !!!

Alors ça, c'est particulièrement fâcheux, car c'est l'abréviation qu'on utilise pour Maître.

[Perkele]

Et un jour, j'ai reçu une lettre de quelqu'un, à qui on avait dû donner mon adresse sous la forme Me Perkele etc., qui s'adressait à Maître Perkele.

Il serait hypocrite de vous dire que cela me déplut.

[abgech]

...Je me pose la question de savoir si ces doublets et autre formulations "à rallonge" ne sont pas une manière de gagner du temps pour réfléchir à ce qu'on va dire....

C'est juste.
J'ai eu une petite activité politique (oh, bien modeste), à cette occasion j'ai dû parfois répondre publiquement à des questions sur des sujets que je ne connaissais pas ou qui me prenaient de court. C'est alors que l'on se met à débiter automatiquement des phrases creuses tandis que l'esprit se met en boucle sur le thème "que vais-je bien pouvoir répondre ?". Le prototype de ces phrases est l'inusable : "vous posez là une question tout à fait pertinente et je vous remercie de l'avoir posée" autour de laquelle on peut encore broder pour gagner de précieuses secondes. En plus, là, les Suisses ont un avantage : ils parlent lentement !

Par contre, il semble que cette astuce n'est utilisée que par l'"homo politicus". Peut-être parce que, dans ce cadre, une réponse bricolée en vitesse est suffisante.
En revanche, dans mon activité d'enseignant, confronté à une question d'étudiant à laquelle je n'avais pas de réponse immédiate, je disais invariablement : "je n'ai pas de réponse pour l'instant, j'approfondis la chose et je vous réponds dans le prochain cours". Chose que je ne manquais jamais de faire.