L’ignorance croît de plus en plus

Pour les sujets qui ne concernent pas les autres catégories, ou en impliquent plus d’une
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Jacques
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Message par Jacques »

Le mot problème est déjà d'un emploi suspect, mais le style petit-nègre pose problème a quelque chose de choquant.
Ce qui gêne donc, c'est que le français a horreur des répétitions et des emplois redondants.
Quand on dit par exemple les auditeurs, ce mot auditeur est un neutre (théorique) qui désigne les personnes des deux sexes ; comme le neutre n'existe pas en français, on lui substitue par défaut le masculin. Ce masculin pseudoneutre ne s'adresse donc pas uniquement aux hommes, mais englobe les deux sexes. On ne devrait pas dire non plus les électeurs et électrices, les cultivateurs et cultivatrices, les policiers et policières, et ainsi de suite. Donc ajouter le féminin est un doublet, reprenant l'idée déjà exprimée dans le neutre-masculin. Prenez des mots qui ne changent pas de forme selon le genre : vous ne direz pas les libraires hommes et femmes, les ministres hommes et femmes, les propriétaires hommes et femmes...
Ce n'est pas vraiment « quelque chose qui nous gêne » mais un principe, une règle de bon langage. Le doublet est inutile et constitue une faute de style.
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TSOS
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Message par TSOS »

Posons le problème alors:
Par défaut, on doit donc imaginer le sens "pseudo-neutre" du mot donc.
Mais que si1 l'on ne se l'imagine pas?
Si l'on ne prenait le substantif "auditeur" que dans son sens masculin pur; alors on pourrait y adjoindre le -dans ce cas- contraposé: "auditrice", au sens féminin pur, n'est-ce pas?

Le tout serait alors peut-être d'avertir la personne qui écoute (le discours, ou autre) du sens que l'on met dans le substantif: "pseudo-neutre" ou masculin pur...
________________________

Autre sujet, sans grand rapport, par curiosité:
"Que" et "ce" ne sont-ils pas justement, génétiquement, des vestiges de neutre?

En tout cas, merci de votre réponse.

1: lat. "Quod si"
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Jacques
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Message par Jacques »

La question d'emploi générique neutre ne devrait pas se poser, si l'on a un esprit critique doublé de bon sens. Justement, auditeur tombe à pic. Quand j'étais enfant, la télévision existait à peine et en était à ses balbutiements, on écoutait donc la radio, et les professionnels disaient : « Chers auditeurs bonjour ». Ce chers auditeurs revenait assez souvent dans les commentaires, mais on n'entendait jamais chers auditeurs et chères auditrices car il était clair pour tout le monde que le mot englobait les deux sexes. Il en allait de même avec spectateurs ou d'autres.
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TSOS
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Message par TSOS »

Dans ce cas, enseignons dans les écoles cet usage neutre, et ce de manière plus intense, plus intensive.
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Jacques
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Message par Jacques »

TSOS a écrit :Dans ce cas, enseignons dans les écoles cet usage neutre, et ce de manière plus intense, plus intensive.
Vous avez raison, il serait bon d'éclairer les jeunes esprits. L'ennui est que le procédé est devenu d'un emploi courant ; que penseraient les « chères têtes blondes » d'entendre les adultes commettre cette faute de style à longueur de journée et notamment tous les gens qui ont l'occasion de s'exprimer à la télévision ? Les hommes politiques surtout, par démagogie et pour s'attirer les bonnes grâces de tout un chacun (et surtout chacune) ; les publicitaires aussi, dont les ménagères sont une cible favorite. Si on veut que les enfants aient de bonnes manières, il faut leur en montrer l'exemple.
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Perkele
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Message par Perkele »

Ma nièce est "professeur des écoles" (sortie major de sa promo) et je suis souvent horrifiée par les idées fausses qu'on lui a inculquées pendant ses études.

Par exemple l'argument avancé de la meilleure orthographe de la génération scolarisée juste après la réforme de Jules Ferry serait faux puisque seule une élite aurait eu accès à l'école primaire.

Cela pour vous dire qu'enseigner que le masculin remplace le neutre passe bien après la liste des colorants susceptibles de perturber notre santé.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
embatérienne

Message par embatérienne »

Jacques a écrit :Quand j'étais enfant, la télévision existait à peine et en était à ses balbutiements, on écoutait donc la radio, et les professionnels disaient : « Chers auditeurs bonjour ». Ce chers auditeurs revenait assez souvent dans les commentaires, mais on n'entendait jamais chers auditeurs et chères auditrices car il était clair pour tout le monde que le mot englobait les deux sexes.
Quand j'étais enfant, les femmes avaient tout juste obtenu le droit de vote ! Je ne suis pas si sûre qu'il fût clair pour tout le monde que cette réalité-là, s'ajoutant à d'autres comme la participation accrue des femmes dans le monde du travail, allait entraîner quelques bouleversements dont la langue française aurait nécessairement à tenir compte !
Jacques a écrit :Le mot problème est déjà d'un emploi suspect, mais le style petit-nègre pose problème a quelque chose de choquant.
L'Académie dans sa dernière édition du dictionnaire condamne fermement l'expression faire problème. Elle ne dit rien de poser problème : certainement elle ne l'approuve pas entièrement puisqu'elle n'en fait pas mention, mais peut-être ne lui paraît-elle pas si méchante que ça. L'expression est née dans les années 1950-1960, notamment dans les milieux philosophiques, et particulièrement en Belgique. On assiste très bien à son décollage sur ces graphiques. Est-elle mal construite ? L'absence d'article peut faire penser à du petit-nègre, ou bien plutôt de très nombreuses locutions verbales prendre congé, prendre garde, prendre peur, faire grise mine, avoir besoin, etc. Il est vrai que le verbe poser n'est pas lui-même très productif en locutions verbales sans article ; pire, je n'en vois qu'une, poser culotte, et j'admets qu'elle n'est pas du registre le plus élevé !:oops:
Dans le TLFi, elle n'est pas citée aux articles poser ou problème, mais étrangement à l'article doute, où le lexicographe l'emploie pour expliciter faire doute : poser problème. Voilà qu'un jargon semble vouloir en expliquer un autre ! On trouve aussi pose problème à deux autres endroits dans le TLFi, mais toujours sous la plume du lexicographe.
Force est de constater que l'expression est aujourd'hui très fréquente. Dans la plupart de ses emplois, on peut facilement lui substituer poser un problème ou une autre expression plus appropriée pour éviter de heurter les oreilles sensibles.
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Jacques
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Message par Jacques »

Dans le même style, nous avons vu apparaître aussi « fait débat » qui doit être un prolongement.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Tout autant que « faire sens » et « faire difficulté ».
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Jacques
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Message par Jacques »

Je ne les connaissais pas, vous enrichissez mes connaissances du charabia moderne.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Madame de Sévigné
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Message par Madame de Sévigné »

Jacques-André-Albert a écrit :Tout autant que « faire sens » et « faire difficulté ».
Et faire silence !!!
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Ces formules sont tellement pratiques, elles suppléent tellement bien à la pensée qu’il nous arrive de les prononcer sans nous en rendre compte. Il faudrait donc en donner des équivalents plus corrects pour que cela ne se reproduise pas. Que proposez-vous à la place de poser problème, faire difficulté, faire débat, faire sens ?
Je vais tenter de voir par quoi on peut les remplacer pour ne pas se laisser prendre au piège d’une langue toute faite, d’une langue reçue.

1. On peut bien sûr remplacer « poser problème » par « poser un problème » mais ce ne serait pas satisfaisant. La pensée n’y gagne rien, et poser problème n’est pas syntaxiquement contraire au génie de la langue française. Ce qui m’agacerait plutôt dans poser problème c’est que c’est une expression employée à tort et à travers dans circonstances très diverses. Cette fille me pose problème. Cela peut vouloir dire : elle m’agace, elle me gêne, elle fait obstacle à mes projets, etc.
2. Faire difficulté est très bien construit mais n’avait pas le même sens naguère. Voyez cette page, colonne de droite. Il semble qu’aujourd’hui l’expression veuille dire « constitue un obstacle ». C’est le plus souvent un synonyme de « poser problème ».
3. Faire débat. On peut dire : cette question est sujette à débat, est polémique ou, encore mieux, controversée »
4. Faire sens. Les emplois sont très divers. On pourrait ouvrir un sujet sur cette seule expression. Elle veut parfois dire cela est censé, d’autres fois : cela n’est pas sans signification, etc. Je dois dire que je ne me sens pas, à l’heure qu’il est, le courage de relever des exemples des différents usages sur la toile. Je sais seulement qu’il en existe un emploi dans le jargon de la psychiatrie et même de la littérature qu’il est difficile de remplacer.
Dernière modification par Klausinski le mar. 08 févr. 2011, 11:21, modifié 1 fois.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Madame de Sévigné a écrit :
Jacques-André-Albert a écrit :Tout autant que « faire sens » et « faire difficulté ».
Et faire silence !!!
Mais faire silence est une très belle expression, voyons ! La preuve, c’est qu’on la trouve dans une chanson de Barbara. :D

Pour qui, comment quand et pourquoi ?
Contre qui ? Comment ? Contre quoi ?
C'en est assez de vos violences.
D'où venez-vous
Où allez-vous ?
Qui êtes-vous ?
Qui priez-vous ?
Je vous prie de faire silence !

On la trouve également dans une chanson d’Yves Montant, et, je n’en doute pas, dans toute la bonne littérature.
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Dame Vérone
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Message par Dame Vérone »

Cela pose question, ça va faire mouche !
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Jacques
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Message par Jacques »

Dans la question de TSOS, « j'aimerais savoir ce qui vous pose problème », il fallait écrire j'aimerais savoir ce qui vous dérange. Cet emploi d'expressions passe-partout accommodées à toutes les sauces leur donne une signification confuse, extrêmement vague, et leut ôte même parfois toute signification. Le mot problème par lui-même sert à une infinité d'usages. Sorti de son milieu scientifique, l'Académie l'accepte dans le sens de difficulté à surmonter, pas d'ennuis, d'embarras, de troubles, de gêne, de soucis comme c'est souvent le cas.
Quant à la syntaxe petit-nègre, elle est cousine de cette manie de supprimer les petits mots, surtout les prépositions : analyse ADN, conseiller clientèle, séance photos, chargeur batteries... Tenez par exemple, quand nous allons chez nous en province, nous passons toujours devant une aire de stationnement où est affichée une pancarte avec la mention Réservé aux clients boutiques. Quelqu'un m'a récemment écrit « Nous avons emprunté un van chevaux ».
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