nul/personne

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Gihad
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nul/personne

Message par Gihad »

Bonjour à tous

Dans un exercice, je dois choisir un pronom indéfini :
On a choisi, pour la phrase suivante, le pronom nul

Non, nul n'est venu e Besançon.

Ma question, ne puis-je pas mettre : personne et quelle différence y a-t-il entre les deux pronoms.
En d'autres termes, est-ce qu'ils sont substituables, ces deux pronoms ?
Toute personne a droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion.
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Claude
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Message par Claude »

Je vous invite à consulter ce sujet très bien développé par Jacques.
Non, nul n'est venu à Besançon.
Et pourtant, pas plus tard qu'hier je bouchonnais. :lol:
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Jacques
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Message par Jacques »

Je pense que oui, l'un peut se substituer à l'autre, le sens étant le même.
Rappelons que personne est un mot à valeur positive, synonyme de quelqu'un.
Le sens négatif a été introduit dans la deuxième édition du dictionnaire de l'Académie (1718) :
Personne, Signifie aussi, Nul, qui que ce soit : Et en ce sens il est tousjours masculin, & tousjours precedé ou suivi de la negative, & ne se dit qu'au singulier. Personne ne sera assez hardi. il n'y a personne si peu instruit des affaires, qui ne sçache. il n'y a personne au logis. personne ne peut mieux sçavoir cela que lui. personne n'est plus vostre serviteur que je le suis.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

Dans le contexte donné par Gihad, je dirais :
Non, personne n'est venu de (ou à) Besançon.
Il est clair que nul n'est venu de (ou à) Besançon n'est pas faux, mais ça me semble étrange.
Il y a tous les jours des gens qui se rendent dans cette ville ou qui en viennent. Cette phrase se réfère donc à un ensemble de personne, mais pas à l'humanité tout entière.

Je réserverais nul pour des phrases plus générales, comme :
Nul n'est prophète en son pays.
Nul n'est censé ignorer la loi.
Nul ne sait ce que l'avenir nous réserve.

Ce que je viens d'écrire est une intuition. Je ne l'ai trouvé dans aucun ouvrage.
Dernière modification par Manni-Gédéon le mar. 29 sept. 2015, 0:07, modifié 1 fois.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je suis assez séduit par cette interprétation et la nuance qu'elle révèle. Outre une valeur absolue, nul, qui ne se dit plus guère de nos jours, est d'un tour plus littéraire.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Dame Vérone
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Message par Dame Vérone »

De nos jours, nul s'entend souvent de la bouche d'adolescents désabusés, desenchantés, blasés...
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Jacques
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Message par Jacques »

Oui, mais avec un autre sens. Quand mes enfants allaient à l'école, il se disait déjà : c'est nul.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Teissier
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Message par Teissier »

Bonsoir.
Ayant le choix entre "nul n'est", qui signifie rigoureusement "tous sont", et "nul est", que l'usage n'admet pas, évitons ce "nul" pronominal facilement évitable.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Teissier a écrit : "nul n'est", qui signifie rigoureusement "tous sont"
Comment « nul ne » pourrait-il vouloir dire « tous » ? Je ne comprends pas.
Teissier
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Nul n'est

Message par Teissier »

Je précise bien : rigoureusement.
Contrairement à "personne" et "aucun", "nul" est négatif. Ainsi, "nul n'est" constitue une double négation et devrait logiquement équivaloir à "il n'y a personne qui ne soit".
Mais bien sûr, je ne prétends pas contester un usage confirmé depuis si longtemps, et "nul n'est" signifie bien "personne n'est".
D'ailleurs on trouve aussi "non c'è nessuno" en italien et "no hay nadie" en espagnol, mais ce n'est pas le sujet.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Il est vrai que nul vient du latin nullus, aucun, nul. Peut-être l'adjonction de ne en français s'est-elle faite par imitation de rien ne... ou personne ne..., pour lesquels ne était nécessaire à la transformation de rien et personne en négations.
Une double négation comparable à nul ne... se trouve aussi en russe et, je crois, dans d'autres langues slaves.
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

D'après Haase, Syntaxe française du XVIIe siècle :
§52. A- Nul, ayant un sens essentiellement négatif, s’employait encore au XVIe siècle sans la particule négative, tandis qu’au XVIIe il en est presque toujours accompagné. Cependant l’ancien emploi se rencontre encore çà et là.
Ex. : Ne voulant du bien qu’à lui seul, il veut persuader qu’il en veut à tous, afin que tous lui en fassent, ou que nul du moins lui soit contraire. (La Bruy., I, 323.)
B. Par un effacement progressif de son sens négatif, nul en arrive à devenir, comme pronom adjectif, synonyme de aucun, quelque. Il en est encore ainsi dans la langue actuelle, où toutefois il n’a guère cette acception que construit avec sans ou avec le que comparatif.
Ex. : Gardons bien que par nulle autre voie elle en apprenne jamais rien. (Mol., Les Am. ntagn., I, 1.) — T’ai-je jamais refusé nulle chose ? (La Font., Contes, 11,8, 197.) — Vaquer à nul ouvrage N'est mon talent... (Id., Contes, IV, 5, 47.) — Bien loin qu’il m’ait en nul point offensée. (Id., Contes, IV, 15, 137.)
Exemples avec ne point, nul, voy. §102, A.
D’après Palsgrave (p. 362), nul doit être accompagné de la particule ne. Th. Corneille n’admet cette particule qu’avec aucun et n’approuve pas la phrase : ni la force ni la douceur ne firent nul effet. (I, 251.)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit :D'après Haase, Syntaxe française du XVIIe siècle :
§52. A- Nul, ayant un sens essentiellement négatif, s’employait encore au XVIe siècle sans la particule négative, tandis qu’au XVIIe il en est presque toujours accompagné. Cependant l’ancien emploi se rencontre encore çà et là.
Ex. : Ne voulant du bien qu’à lui seul, il veut persuader qu’il en veut à tous, afin que tous lui en fassent, ou que nul du moins lui soit contraire. (La Bruy., I, 323.)
B. Par un effacement progressif de son sens négatif, nul en arrive à devenir, comme pronom adjectif, synonyme de aucun, quelque. Il en est encore ainsi dans la langue actuelle, où toutefois il n’a guère cette acception que construit avec sans ou avec le que comparatif.
Ex. : Gardons bien que par nulle autre voie elle en apprenne jamais rien. (Mol., Les Am. ntagn., I, 1.) — T’ai-je jamais refusé nulle chose ? (La Font., Contes, 11,8, 197.) — Vaquer à nul ouvrage N'est mon talent... (Id., Contes, IV, 5, 47.) — Bien loin qu’il m’ait en nul point offensée. (Id., Contes, IV, 15, 137.)
Exemples avec ne point, nul, voy. §102, A.
D’après Palsgrave (p. 362), nul doit être accompagné de la particule ne. Th. Corneille n’admet cette particule qu’avec aucun et n’approuve pas la phrase : ni la force ni la douceur ne firent nul effet. (I, 251.)
La langue du XVIIe siècle est parfois difficile.

Je comprends ainsi la phrase de MOLIÈRE (Gardons bien que par nulle autre voie elle en apprenne jamais rien) : Veillons à ce qu’elle n’en apprenne jamais rien par quelque voie (de quelque manière) que ce soit. Il semblerait par ailleurs que « Les Am. Ntagn. » signifie Les Amants magnifiques.

La deuxième phrase de La Fontaine est extraite du conte Le Diable de Papefiguière, que je viens de découvrir. Le diable en question y est ignorant et naïf. Vaquer à nul ouvrage N'est mon talent signifie qu’il est paresseux aussi : il n’a aucun don pour quelque travail que ce soit ! La phrase citée comporte la négation n’, mais cette dernière, sauf erreur, ne concerne que le verbe être et non nul, on pourrait imaginer que le diable dise « (Ne) (en français moderne) Vaquer à nul ouvrage est ma devise ».

J’apprends que la dernière citation du fabuliste est empruntée au conte Le Magnifique :

Vos fréquentes passades,
Joutes, tournois, devises, sérénades,
M'ont avant vous déclaré votre amour.
Bien loin qu'il m'ait en nul point offensée,
Je vous dirai que dès le premier jour
J'y répondis

L’amour pour elle que la femme a deviné dans le comportement de l’homme ne l’a offensée d'aucune manière (en nul point).

Quant à Thomas Corneille (ni la force ni la douceur ne firent nul effet), je ne suis pas certain qu’il s’oppose à Palsgrave. Il se pourrait que ne le gêne à cause de ni… ni... qui le précède. Je tends à croire qu'il aurait accepté « La force et la douceur ne firent nul effet ».

Mais tout le monde ne voit peut-être pas les choses comme moi !
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

André (G., R.) a écrit :Je comprends ainsi la phrase de MOLIÈRE (Gardons bien que par nulle autre voie elle en apprenne jamais rien) : Veillons à ce qu’elle n’en apprenne jamais rien par quelque voie (de quelque manière) que ce soit.
Le sens est bien celui que vous dites. On voit que dans cet exemple, "jamais" et "rien" étaient employés avec leur sens positif et "nul" avec son sens négatif plein.
"Veillons à ce que par aucun moyen elle apprenne un jour quelque chose."
André (G., R.) a écrit :Quant à Thomas Corneille (ni la force ni la douceur ne firent nul effet), je ne suis pas certain qu’il s’oppose à Palsgrave. Il se pourrait que ne le gêne à cause de ni… ni... qui le précède. Je tends à croire qu'il aurait accepté « La force et la douceur ne firent nul effet ».
On a la réponse ici :
https://web.archive.org/web/20180309142 ... apture.png
https://books.google.fr/books?id=NfQpOz ... &q&f=false
Teissier
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Message par Teissier »

Voilà un beau sac de NE, si je puis me permettre...
Merci à tous les deux pour ces références éclairantes.
Considérer que "nul" peut perdre son sens négatif est assez séduisant. Après tout, c'est bien le cas du "ne" explétif.
Pardonnez-moi ces guillemets ; je n'ai pas encore compris comment insérer des italiques ou des gras.
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