Nécrologie linguistique

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angeloï
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Nécrologie linguistique

Message par angeloï »

Le réduit francophone a la douleur de faire part à la gent parle-françois du décès d’un vieux compagnon de route : Désiré Dépliant. Né le 18 juin 1946 à Maubeuge, ce Français modeste, marié (sans enfant) à Anne Petit-Négoce, était vendeur de son état : sur les tables de restaurant, sous les essuie-glaces des voitures, dans les boîtes aux lettres, de Paris à Papeete en passant par Tombouctou, chacun pouvait trouver ses sympathiques publicités, qu’il glissait ou déposait en fredonnant des airs d’Edith Piaf ou de Georges Brassens.

Il menait une vie sans histoire jusqu’au jour où un oncle d'outre-Atlantique, JR Flyer, dont le nom, à défaut de figurer dans le Grand Robert, bruit désormais sur toutes les lèvres et tous les réseaux, le jeta avec l’aide de ses comparses GW Mainstream et JF Big Business sur la dure paille du chômage et du RMI. Sans emploi depuis plus de dix ans, relégué dans une caverne du Morvan d'où il ne cherchait même pas à s'extirper de l'oubli universel par des attentats terroristes, occupation favorite des troglodytes d’aujourd’hui, l'humble citoyen Dépliant, qui n’aurait pas demandé mieux que de reprendre du service pour mériter son RSA, s’est éteint (presque) sans douleur ce jeudi dans les bras de son seul ami Jean Prospectus, atteint lui aussi d’amnésie collective et dont la santé décline de jour en jour.

Vu le peu de notoriété de l'intéressé et de sa vie irréprochable jamais entachée par le moindre libertinage, pas même dans les hôtels de luxe où ses pas guillerets s’égaraient parfois à la suite d’un « apéro » prolongé au-delà de l’heure où l’on quitte habituellement sa chambre, il n'a pas été jugé nécessaire de crier au complot pour expliquer sa misérable fin ; ni de jeter au plus vite sa dépouille à la mer du haut du porte-avions Charles-de-Gaulle, d’ailleurs très occupé à lancer des rafales de missiles humanitaires sur les imams de Libye ; non plus que de réserver à un cercle d'initiés de haut rang les photographies de son cadavre, sur lequel on ne lit, nous le regrettons infiniment pour les médias avides d’images chocs, que les « impacts » dégrisants de la pauvreté et de l’indifférence.

Dans son testament griffonné d'une main percluse de rhumatismes, Désiré Dépliant affirme que tout son malheur fut de posséder une syllabe de trop, de ne pas se terminer en -er et de ne pas connoter la vitesse, mot clef de notre époque qu'évoquerait à merveille le parvenu qui lui vola la vedette. Bref, il fut la victime-- non consentante, nous le croyons fermement --du penchant maladif de ses contemporains pour les compressions et les onomatopées.

Que l'on nous permettre d'ajouter ici que ce cher Dépliant succomba aussi à la désaffection qui frappa les plis : oubliés les drapés harmonieux et sensuels des statues grecques, enterrée la « robe pourprée » du prince des poètes ! les plis n'évoquent plus aujourd'hui que le repli sur soi, les rides de la vieille, les routines sclérosées, les droitures guindées des pantalons de galonnés le doigt sur la couture. Flyer, mot qui vole, mot dans le vent, semble quant à lui résumer la liberté et la créativité de l'instant sans passé des temps modernes. Ce qui n'est que pacotille pour le connaisseur brille aux yeux de la foule : la partie était perdue d'avance.

Pratiquant comme tant d’autres l’autocensure, nos maigres moyens nous interdisant d’acheter les services d’un ténor du barreau, nous nous abstiendrons d’irriter la sensibilité à fleur de peau des puissantes associations de la bien-pensance en jetant un manteau de Noé bien rapiécé sur les passages où Désiré Dépliant se réclame hautement, après s’en être plaint dans un moment de faiblesse, de sa pure, éternelle et belle francité, impunément violée aujourd’hui par tout ce qui veut arriver dans le monde.

Requiescat in pace.
Dernière modification par angeloï le jeu. 19 mai 2011, 15:22, modifié 20 fois.
Desiderius

Message par Desiderius »

Tout de même, les "flyers" sont rarement des dépliants qui, comme leur nom l'indique, sont pliés et dépliables. Tract évoque le bon format, mais pas la bonne cause. Brochure est trop étoffé. Reste à mon avis prospectus :
− En partic. Annonce publicitaire pour un produit de consommation courante imprimée sur une feuille volante. Synon. tract. Distribuer des prospectus. Elle arrivait toujours chargée de messages miraculeux : (...) un prospectus prônant une machine à laver dernier cri (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 520).
Affichette pourrait aussi convenir.
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JR
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Re: Nécrologie linguistique

Message par JR »

angeloï a écrit : Il menait une vie sans histoire jusqu’au jour où un oncle d'Outre-Atlantique, JR Flyer, dont le nom, à défaut de figurer dans le Grand Robert, bruit désormais sur toutes les lèvres et tous les réseaux, le jeta sur la dure paille du chômage et du RMI avec l’aide de ses comparses GW Mainstream Media et JF Big Business.
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Perkele
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Message par Perkele »

Desiderius a écrit :Tout de même, les "flyers" sont rarement des dépliants qui, comme leur nom l'indique, sont pliés et dépliables. Tract évoque le bon format, mais pas la bonne cause. Brochure est trop étoffé. Reste à mon avis prospectus :
− En partic. Annonce publicitaire pour un produit de consommation courante imprimée sur une feuille volante. Synon. tract. Distribuer des prospectus. Elle arrivait toujours chargée de messages miraculeux : (...) un prospectus prônant une machine à laver dernier cri (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 520).
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Nous avons pourtant le très joli "papillon".
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angeloï
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Message par angeloï »

J'ai corrigé deux fautes d'orthographe : outre-Atlantique sans majuscule à "outre" et traits d'union entre les mots Charles de Gaulle puisqu'il ne s'agit pas de la personne.

Je suis confus et presque sans voix.
Dernière modification par angeloï le jeu. 19 mai 2011, 8:44, modifié 1 fois.
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angeloï
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Message par angeloï »

Perkele a écrit :
Desiderius a écrit :Tout de même, les "flyers" sont rarement des dépliants qui, comme leur nom l'indique, sont pliés et dépliables. Tract évoque le bon format, mais pas la bonne cause. Brochure est trop étoffé. Reste à mon avis prospectus :
− En partic. Annonce publicitaire pour un produit de consommation courante imprimée sur une feuille volante. Synon. tract. Distribuer des prospectus. Elle arrivait toujours chargée de messages miraculeux : (...) un prospectus prônant une machine à laver dernier cri (Beauvoir, Mandarins, 1954, p. 520).
Affichette pourrait aussi convenir.
Nous avons pourtant le très joli "papillon".
On me dit que le mot "papillon" renvoie surtout--et presque exclusivement--à une contravention.
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Perkele
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Message par Perkele »

Pas dans mon vocabulaire qui comprend "papillon publicitaire". Je ne sais pas ce qu'en pensent les autres.

J'ai entendu nommer "flyer" le dépliant en trois parties.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Desiderius

Message par Desiderius »

Perkele a écrit :Pas dans mon vocabulaire qui comprend "papillon publicitaire". Je ne sais pas ce qu'en pensent les autres.

J'ai entendu nommer "flyer" le dépliant en trois parties.
Il s'agit alors d'une "extension du domaine de la lutte" ! Il me semble qu'à l'origine, le flyer est une simple feuille volante, parfois cartonnée, de petit format, pour annoncer un événement festif.
Pour moi, le papillon n'est que le PV qui orne un pare-brise, ou un format encore plus petit de papier autocollant, comme le "post-it".
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angeloï
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Message par angeloï »

Ma collègue parisienne m'informe qu'un flyer est un hybride entre le carton d'invitation et le prospectus et qu'il est souvent l'oeuvre de professionnels, au point qu'il est devenu un objet de collection. On l'utilise pour annoncer un mariage ou un vernissage, parmi d'autres occasions festives.
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angeloï
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Re: Nécrologie linguistique

Message par angeloï »

JR a écrit :
angeloï a écrit : Il menait une vie sans histoire jusqu’au jour où un oncle d'Outre-Atlantique, JR Flyer, dont le nom, à défaut de figurer dans le Grand Robert, bruit désormais sur toutes les lèvres et tous les réseaux, le jeta sur la dure paille du chômage et du RMI avec l’aide de ses comparses GW Mainstream Media et JF Big Business.
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Vous n'aurez pas besoin d'un avocat payé 1000 dollars de l'heure pour que l'on vous croie.
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Perkele
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Message par Perkele »

angeloï a écrit :Ma collègue parisienne m'informe qu'un flyer est un hybride entre le carton d'invitation et le prospectus et qu'il est souvent l'oeuvre de professionnels, au point qu'il est devenu un objet de collection. On l'utilise pour annoncer un mariage ou un vernissage, parmi d'autres occasions festives.
Mon graphiste préféré, qui travaille pour Caillou mou me dit qu'est flyer tout bout de papier léger destiné à répendre une information quelle qu'elle soit et quel que soit le format du papier, qu'il soit présenté plié ou non.

:?
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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angeloï
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Message par angeloï »

Bref un mélange de tract et de prospectus et de brochure et de dépliant : tout et rien. Je reconnais bien là un anglicisme.
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Perkele
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Message par Perkele »

Une petite feuille volante...
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TSOS
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Message par TSOS »

Un papier publicitaire; plus généralement et tout simplement?
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

angeloï a écrit :Bref un mélange de tract et de prospectus et de brochure et de dépliant : tout et rien. Je reconnais bien là un anglicisme.
C'est juste bon à remplacer machin, truc ou chose quand le mot nous échappe...
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
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