Je suppose que c’est à moi que s’adresse cette remarque. Si j’avais voulu parler de lexicologues, je n’aurais pas mis en cause les lexicographes : la distinction ne m’est point étrangère. Ce sont les lexicographes qui confectionnent les dictionnaires, en sélectionnant les mots à enregistrer, en apposant des marques d’usage, etc.Grigory a écrit :Par ailleurs, je crois que vous attribuez à "lexicographie" un sens inapproprié qui, précisément, ne respecte pas son étymologie.
Ce que vous dites est très à la mode. Tout le monde croit que pour être scientifique, il faut éviter de porter des jugements (qui émanent de la culture et du sens de l’histoire, je ne parle pas de jugements personnels épidermiques et infondés) ; et les lexicographes actuels, aveuglés par ce que je considère comme de la science à bon marché (car ce qu’ils font n’est pas même le quart d’un travail complet et sérieux), vont à l’encontre des attentes du public, qui, pour la plupart, aimerait bien savoir quelle est, de deux formes, celle qui est préférable et pourquoi, ou, de telle acception, pourquoi elle est déconseillée, etc.
Pour ma part, je suis entièrement d’accord avec les paroles du grand linguiste danois Otto Jespersen (je traduis la citation italienne issue de Bruno Migliorini, La lingua italiana nel Novecento, Florence, Le Lettere, 1990, p. 93) :
Je suis fermement convaincu que les érudits ne doivent pas se contenter de rester passifs en regardant, mais qu’ils doivent participer, chacun dans son pays, aux actions qui modifient les conditions linguistiques, si possible en les améliorant. Une trop grande part de ces actions est laissée à des amateurs ignorants : il est bien connu qu’il n’y a pas de domaine des connaissances humaines où le premier venu croie avoir plus de titre à exprimer sans étude scientifique une opinion personnelle que dans les questions relatives à sa langue maternelle : lorsqu’on discute de la graphie, de la prononciation ou de la flexion ou de l’usage d’un terme, celui-là a une réponse toute prête, qui, le plus souvent, n’est qu’un faux souvenir de ce qu’il a appris à l’école d’enseignants indoctes. Ceux qui se sont sérieusement occupés des langues et de leur développement ne doivent pas se tenir à l’écart de ces discussions, mais doivent utiliser leurs connaissances au bénéfice de leur propre langue ; sinon, on court le risque de nuire à la langue par l’influence consciente d’autres qui n’ont pas de connaissances suffisantes pour servir de guides dans ce domaine.
Mais voilà : aujourd’hui, on dévalorise la culture en lui opposant de la pseudo-science.