Verbiage, vous avez dit verbiage ?

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Jacques-André-Albert
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Verbiage, vous avez dit verbiage ?

Message par Jacques-André-Albert »

Dans la chapelle du château d'Angers, on a installé, en plein milieu, un échafaudage doré à la feuille.
Un panneau explicatif l'accompagne :
L'œuvre créée par Sarkis pour la chapelle du château d'Angers est une structure précieuse, spectaculaire et aérienne, qui - installée au cœur même du site - semble refléter à la fois un passé mythique et un avenir radieux. Illustrant la double nature, conceptuelle et concrète, de toute action artistique, l'armature monumentale vise aussi à resacraliser l'espace. L'échaffaudage sublimé par un habillage en or résume avec subtilité une nouvelle théorie platonicienne des formes intelligibles...
Le dialogue instauré entre la création contemporaine et le patrimoine relève d'un échange attentif, intentionnel et révélateur, ancré dans le partage du souvenir. En effet, Sarkis revendique la mémoire comme patrie commune et individuelle.
C'est l'alliance de l'imposture et du verbiage, tous deux propres à notre époque. Ces commentaires, qui accompagnent nécessairement les créations de l'art contemporain, n'expliquent rien, mais cherchent à illusionner le spectateur par l'emploi de formules creuses à l'allure très intellectuelle.
Au pied du même château, on a fait installer, par un artiste de renom, un éclairage qui plaque de vagues lueurs vertes et bleues sur les murailles et les arbres. La démarche résolument conceptuelle et novatrice a quand même coûté quelques milliers d'euros aux contribuables.
Dans le même esprit d'esbroufe qui habite nos publicitaires et communicants de tout poil, un promoteur immobilier a eu le culot de placarder cette offre alléchante sur le mur d'un collège qui va être détruit : je précise que l'arbre que vous voyez dépasser du mur est le seul qui existe dans toute l'enceinte.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Jacques
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Message par Jacques »

Ce type d'amphigouri pompeux, creux, pédant et tout ce qu'on voudra de péjoratif, est caractéristique de la description des « œuvres » modernes, barbouillages infects ou formes cauchemardesques ne représentant rien, devant lesquelles s'épanchent des sots du genre de celui-ci, qui veut se donner des allures d'intellectuel. Il n'y a rien à dire devant ces créations affligeantes, mais ils font semblant d'y découvrir des sensations et des symboles inaccessibles aux béotiens. On n'ose pas dire que c'est moche, que ça ne veut rien dire, que n'importe quel bricoleur maladroit au possible pourrait en faire autant. Ces tartufes vous considéreraient de haut, pauvre petit moustique misérable qui n'avez pas accès au sublime, à l'ésotérisme créateur, au génie des auteurs de ces bouffonneries. Ils se donnent des allures d'initiés capables de décrypter l'hermétisme de ces « chefs-d'œuvre ».
Raphaël ou Michel-Ange, le Titien... mettaient neuf mois pour exécuter un tableau. P.P. une nuit. Voilà la différence entre le vrai génie et l'art de se moquer du monde.
Je note au passage que la chapelle est appelée site, barbarisme issu de l'anglais, qu'on donne ce nom à n'importe quel lieu, alors qu'un site ne peut être qu'un paysage naturel.
Dernière modification par Jacques le lun. 11 févr. 2013, 10:01, modifié 3 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

En lisant dans le TLFI la page consacrée au mot au mot « site », je tombe sur cette pépite du langage crétin que nous infligent nos technocrates (très emblématique, comme on dit maintenant) :
Site propre. Voie réservée à la circulation des véhicules de transport en commun, dans une agglomération, sur une route. Ligne de tramway en site propre. Lyon a sans doute été une des premières villes de France à disposer de transports urbains en « site propre », comme on les appelle maintenant (La Vie du Rail, 29 juill. 1969ds Gilb. 1980).
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Jacques
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Message par Jacques »

Bravo ! C'est la surenchère dans la bêtise.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Perkele
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Re: Verbiage, vous avez dit verbiage ?

Message par Perkele »

Jacques-André-Albert a écrit : Au pied du même château, on a fait installer, par un artiste de renom, un éclairage qui plaque de vagues lueurs vertes et bleues sur les murailles et les arbres.
Les pauvres daims ! (s'ils sont toujours là) :cry:
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Perkele
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Re: Verbiage, vous avez dit verbiage ?

Message par Perkele »

Jacques-André-Albert a écrit :Dans la chapelle du château d'Angers, on a installé, en plein milieu, un échafaudage doré à la feuille.
Un panneau explicatif l'accompagne :
L'œuvre créée par Sarkis pour la chapelle du château d'Angers est une structure précieuse, spectaculaire et aérienne, qui - installée au cœur même du site - semble refléter à la fois un passé mythique et un avenir radieux. Illustrant la double nature, conceptuelle et concrète, de toute action artistique, l'armature monumentale vise aussi à resacraliser l'espace. L'échaffaudage sublimé par un habillage en or résume avec subtilité une nouvelle théorie platonicienne des formes intelligibles...
Le dialogue instauré entre la création contemporaine et le patrimoine relève d'un échange attentif, intentionnel et révélateur, ancré dans le partage du souvenir. En effet, Sarkis revendique la mémoire comme patrie commune et individuelle.
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement,
Et les mots pour le dire arrivent aisément.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Mais en l'occurrence il ne s'agit justement pas d'avoir un langage clair, mais de jeter de la poudre aux yeux du public pour lui camoufler l'inanité de ce qu'on lui présente.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Herdé76
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Message par Herdé76 »

Cet échafaudage doré me rappelle un certain urinoir dit "La fontaine" de Marcel Duchamp.
J'ai également entendu dernièrement parler d'un artiste (???) qui présente des étrons dans un emballage spécial. Certains s'extasient.
Pour élever une telle production au statut d'œuvre d'art il ne faut pas lésiner sur le verbiage ! Les escrocs aussi sont très beaux parleurs.
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Jacques
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Message par Jacques »

Ce genre de marchandise peut toujours trouver un emploi comme engrais à tomates. Mais les lumières vertes ou l'échafaudage doré, je ne vois pas.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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abgech
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Message par abgech »

On se calme, on se calme.

De toute façon, ce n'est pas d'aujourd'hui que l'on rit et se moque de ceux "qui voudraient bien avoir l'air, mais n'ont pas l'air du tout"* et qui admirent n'importe quoi, pourvu que ce soit "moderne".
À ce propos, rappelons l’œuvre impérissable de Joachim-Raphaèl Boronali "coucher de soleil sur l'Adriatique".
Voir : http://www.paminatelier.com/article-cel ... 12616.html



* Cf : J. Brel.
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Anne
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Message par Anne »

Je suis d'accord avec vous, Cyrano et Klausinski, pour dire que les jugements de valeur sur la production d'une personne, qui plus est nommée, qu'elle soit morte ou non, sortent du cadre du forum et contreviennent à l'article de la charte cité par Klausinski.

Cependant c'est Jacques qui, en association avec Marco, a créé ce forum ; nous sommes en quelque sorte leurs invités. Invités (physiquement) chez quelqu'un, vous ne songeriez pas à mettre votre hôte en défaut même s'il semble ne pas respecter les règles qui régissent sa propre maison.

En outre, les propos de Jacques m'ont infiniment plu, à moi, tant par leur fond que par leur forme. Je suis heureuse de constater qu'après un siècle d'une production moderne pseudo-artistique qui se moque du monde tout en s'évertuant à tuer l'art, "ça" ne prend toujours pas, et que je ne suis pas seule à penser que "ça" ne peut pas prendre. Et lire ceci :
Jacques a écrit :Raphaël ou Michel-Ange, le Titien... mettaient neuf mois pour exécuter un tableau. Picasso torchait ses horreurs en une nuit. Voilà la différence entre le vrai génie et l'art de se moquer du monde.
ah ! que ça fait du bien ! Merci Jacques ! :D

Pardon de faire une entorse, moi aussi, à la charte du forum.
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Claude
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Message par Claude »

Nous savons bien qu'en France tout finit par des chansons, sur le forum également quand Infarinato nous aura installé la sonorisation.
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shokin
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Message par shokin »

Au fait, comment appelle-t-on cette figure de style "l'incident est clos" alors que clore = fermer ? (tout comme fermer la marche ou café frappé)

Le verbiage semble faire vendre. On gaspille beaucoup dans la mercatique.
Nous sommes libres. Wir sind frei. We are free. Somos libres. Siamo liberi.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Il est intéressant, de ce point de vue, de voir que le langage officiel sur l'art cherche à jeter de la poudre aux yeux pour nous faire avaler des couleuvres, par un discours creux et convenu qui n'entre jamais dans le cadre d'un dialogue avec le spectateur ; ce dernier n'a ainsi pas le loisir d'exprimer son goût, et la démarche ne vise pas non plus à la pédagogie. Le critique ou le commentateur, de connivence avec l'artiste, nous délivre un texte aussi fumeux que la démarche de ce dernier. Si le public refuse ce prêt-à-penser officiel, il n'a plus que le choix de l'indignation ou de la dérision.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Anne
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Message par Anne »

Perkele a écrit :Je propose que nous nous penchions sur la formule "des goûts et des couleurs il ne faut disputer"
On ne peut donc pas disputer de ce rouge tape-à-l'œil ? :wink:
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