Verbiage, vous avez dit verbiage ?

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Jacques
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Message par Jacques »

Pourquoi pas ?
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

manni-gedeon a écrit :En lisant les remarques de Jacques-André-Albert au tout début de ce sujet, j'ai eu envie de répondre que c'est justement ce qu'on appelle de l'art conceptuel (qui, à mon humble avis, n'a de l'art que le nom).
Merci de votre éclairage, qui me permet de mettre un nom sur cette pratique. Je trouve justement, dans la liste donnée par Wikipedia, le nom de celui qui a commis cette « chose » à Angers (il s'agit de Sarkis).
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Jacques a écrit :Quant au mot art, il a été considérablement dévoyé, je dirai même dévalorisé, galvaudé depuis qu'on l'applique à toutes sortes de productions incongrues, dépassant les limites de la médiocrité pour entrer dans le domaine de ce qu'on appelle vulgairement le foutage de g... Je ne trouve pas de synonyme correct, mais il est par lui-même très expressif.
À ce propos, j'ai du mal à me faire au terme d'artiste employé pour désigner ceux que l'on appelait naguère des chansonniers.

Concernant, la discussion sur la tolérance, que je trouve passionnante, je préfère laisser ici le dernier mot à ceux qui pensent qu'elle peut être excessive ; autrement, je serais tenté de répondre trop longuement. Je comprends tout à fait ce que vous voulez dire, on nous rabâche tellement ce mot à propos de tout et de rien, on entend tellement souvent : « C'est mon choix, il faut le respecter », ce mot est employé pour justifier tellement de bêtises, qu'il arrive un moment où l'on n'en peut plus. Les tenants de la tolérance nous reniflent de partout pour s'assurer que l'on ne sent pas le fagot ; le bûcher est prêt. On se sent imposer un mode de pensée où tout se vaudrait et serait acceptable. Je ne reviens pas là-dessus. Ce que je veux dire c'est que cette tolérance-là n'est qu'une pseudo-tolérance et qu'elle porte mal son nom.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Jacques-André-Albert a écrit :Merci de votre éclairage, qui me permet de mettre un nom sur cette pratique. Je trouve justement, dans la liste donnée par Wikipedia, le nom de celui qui a commis cette « chose » à Angers (il s'agit de Sarkis).
Cela me rappelle une belle phrase de Chris Marker sur Marcel Duchamp : « Il voulait montrer la vanité de l'art, un jour il servira de caution à l'art de la vanité. »
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Jacques
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Message par Jacques »

Je me demande si le terme de chansonniers se réfère bien pour vous à ce que j'ai connu vers 1955. On ne les considérait pas comme des artistes, c'étaient des parodistes, des humoristes satiriques qui chantaient (plutôt mal que bien) ou plus exactement chantonnaient en se moquant, en tournant en dérision les personnages connus, les hommes politiques surtout, les travers de la société, les faits d'actualité, certaines vedettes. Ils avaient une cote fabuleuse auprès du public populaire, qui trouvait dans leurs prestations une sorte d'exutoire à ses rancœurs.
On les appelait parfois les chansonniers de Montmartre, car c'est là que le phénomène avait pris naissance.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Je ne pensais pas particulièrement aux chansonniers de Montmartre, mais à des hommes tels que Brassens, qui se disait chansonnier quand certains voulaient l'appeler poète. Je ne crois pas qu'il existe un meilleur mot pour désigner une personne qui chante les chansons qu'elle a créées. Le terme « auteur-compositeur-interprète » ne s'applique pas bien, à mon sens, à ces petites choses merveilleuses que sont les chansons. C'est la réunion de trois mots qui conviennent plutôt pour la musique (celle que l'on qualifie de grande ou de classique). Il y a une foule de bons chansonniers aujourd'hui (comme Michèle Bernard). Pour ceux qui ne créent pas leurs chansons, je crois que le mot chanteur peut suffire (il y en a de bons, aussi : Jehan, par exemple). Il y a également eu une évolution, car je crois bien que l'on disait « chanteur de variété », il y a peu, pour les distinguer, par exemple, des chanteurs d'opéra.
Dernière modification par Klausinski le dim. 10 févr. 2013, 22:33, modifié 2 fois.
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Jacques
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Message par Jacques »

Klausinski a écrit : Pour ceux qui ne créent pas leurs chansons, je crois que le mot chanteur peut suffire (il y en a de bons, aussi : Jehan, par exemple). Il y a également eu une évolution, car je crois bien que l'on disait « chanteur de variété », il y a peu, pour les distinguer, par exemple, des chanteurs d'opéra.
C'est juste. Pour l'opéra ou l'opérette, le langage les distingue, au féminin, en parlant de cantatrices et non de chanteuses, mais au masculin il n'y a qu'un terme.
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cyrano
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Message par cyrano »

Jacques a écrit :Quant au mot art, il a été considérablement dévoyé, je dirai même dévalorisé, galvaudé depuis qu'on l'applique à toutes sortes de productions incongrues, dépassant les limites de la médiocrité pour entrer dans le domaine de ce qu'on appelle vulgairement le foutage de g... Je ne trouve pas de synonyme correct, mais il est par lui-même très expressif.
Une des critiques les plus pertinentes, à mon avis, que j'aies entendues à propos de l'art moderne est celle-ci: les artistes contemporains ont la fâcheuse tendance à confondre produit fini et expérimentation. De tout temps, disait ce critique dont j'ai oublié le nom, les artistes ont expérimenté des choses nouvelles (c'est même le propre d'un authentique artiste), ont joué avec les limites et les conventions de leur discipline, mais ils le faisaient dans le secret de leur atelier et ils ne présentaient leur création que lorsque le résultat de ces expérimentations leur semblait digne d'être présenté au public.

Même alors, il pouvait y avoir des réactions de rejet et d'incompréhension - songeons aux impressionnistes, à Van Gogh, à Flaubert et à tant d'autres, ce qui doit aussi nous inciter à la prudence avant de dire d'une oeuvre moderne que "ce n'est pas de l'art". Mais c'est vrai que, dans le courant du XXe siècle, on a peu à peu sauté cette phase d'expérimentation secrète avec essais et erreurs, de lente gestation: désormais, à peu près n'importe quelle expérience est immédiatement livrée au public et estampillée "oeuvre d'art".

Pour moi, c'est ce qui explique le mieux cette impression de foutage de g... dont parle Jacques et que nous avons tous déjà éprouvée en visitant une exposition d'art moderne, en assistant à certains spectacles d'avant-garde ou, comme le raconte plus haut Manni-gedeon, en écoutant de prétendues oeuvres de musique contemporaine.
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Perkele
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Message par Perkele »

Doit-on se réjouir du peu de traces que laissent certaines de ces œuvres dans les mémoires ? :D

Pour ma part, je n'ai plus entendu parler du tas de charbon qui m'avait consternée lors de l'inauguration du centre Beaubourg et j'en suis bien aise.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Klausinski a écrit :Je ne pensais pas particulièrement aux chansonniers de Montmartre, mais à des hommes tels que Brassens, qui se disait chansonnier quand certains voulaient l'appeler poète. Je ne crois pas qu'il existe un meilleur mot pour désigner une personne qui chante les chansons qu'elle a créées.
Ce qui me gêne, c'est que pour beaucoup d'entre nous, le chansonnier a une connotation satirique. Le chansonnier auquel vous faites allusion est celui du dix-neuvième siècle.
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Message par Jacques »

J'aime bien la démonstration de Cyrano. Elle met en lumière ce qu'il y a d'incongru, de saugrenu dans cet « art moderne », dont les praticiens se font concurrence à qui ira le plus loin possible dans l'absurde. Il y a là un manque de respect envers le public, dont on teste la faculté d'absorption de l'invraisemblable et du laid. Le public de base comme moi donnera simplement un avis pour dire que « c'est moche », et encore il le fera en secret de crainte qu'on le prenne pour rustique, primaire et incapable de ressentir le sublime. Cette impression est soigneusement entretenue par les auteurs de ces textes d'initiés dont JAA nous offre un échantillon. Si on ne comprend pas leur charabia, c'est qu'on est intellectuellement sous-développé.
Nous retrouvons ce phénomène dans le raisonnement des partisans de l'anglo-américanomanie, qui s'emploient à faire passer les gens comme nous, préoccupés de la préservation de la langue, pour des attardés, ennemis de l'évolution.
Ce qui m'intrigue c'est de savoir comment on peut acquérir ce langage ésotérique, vide de signification, et cette faculté de discourir aussi abracadabrante que les productions qu'elle encense.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Jacques-André-Albert a écrit :
Klausinski a écrit :Je ne pensais pas particulièrement aux chansonniers de Montmartre, mais à des hommes tels que Brassens, qui se disait chansonnier quand certains voulaient l'appeler poète. Je ne crois pas qu'il existe un meilleur mot pour désigner une personne qui chante les chansons qu'elle a créées.
Ce qui me gêne, c'est que pour beaucoup d'entre nous, le chansonnier a une connotation satirique. Le chansonnier auquel vous faites allusion est celui du dix-neuvième siècle.
C'est vrai. Avant que Jacques en parle, je n'en étais pas conscient. Pourtant, j'ai souvent entendu ce mot sans qu'y soit forcément liée la connotation satirique. Je lis d'ailleurs sur Wikipédia que le terme chansonnier est toujours employé au Canada pour désigner les chanteurs à textes. Pensez-vous que l'on devrait dire tout simplement « chanteur » ? Il me semble qu'on pourrait oblitérer cette agaçante acception du mot « artiste » en rétablissant l'ancien sens du mot « chansonnier ». Certains auteurs le font déjà. Qu'en dites-vous ?
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Message par cyrano »

Le sujet m'intéresse d'autant plus que nous avons un ami breton qui est peintre abstrait. Après avoir vu une de ses expositions, nous avons acheté une de ses toiles qui nous plaisait bien.

Elle ne "représente" rien, il peint généralement des sortes de taches avec des jeux de couleurs et de reflets assez fascinants. C'est un peu comme un "cri pictural" qui serait sorti des tripes d'un artiste s'exprimant par des formes et des couleurs plutôt que par des mots. En tout cas, cette toile ne laisse personne indifférent. Les gens qui passent chez nous la remarquent, ils y distinguent souvent des formes différentes, un peu comme dans le test des taches d'encre de Rorschach. La plupart de nos visiteurs l'apprécient.

Mon jugement est évidemment déformé parce que je connais personnellement l'artiste, mais moi qui suis comme vous assez peu sensible à l'art moderne, j'aime ce genre d'oeuvre-là. Et je me rends compte que, même si on peut avoir l'impression "qu'on pourrait en faire autant", ce n'est pas du tout vrai, il y a une réelle démarche, il y a quelque chose de construit, de voulu, ce n'est pas simplement de la peinture jetée au hasard sur une toile.

Je sais aussi qu'un artiste authentique comme cet ami breton souffre de tous ces charlatans qui déconsidèrent l'art contemporain en faisant tout et n'importe quoi, pour le plus grand plaisir d'une certaine intelligentsia parisienne ou autre.
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Jacques
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Message par Jacques »

Ce qui démontre qu'il y a lieu de distinguer, dans ce domaine particulier, les charlatans et les artistes sincères qui veulent transmettre des sensations. Je prends note : il n'y a donc pas que des hurluberlus dans ce genre pictural.
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Perkele
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Message par Perkele »

Klausinski a écrit :
Jacques-André-Albert a écrit :
Klausinski a écrit :Je ne pensais pas particulièrement aux chansonniers de Montmartre, mais à des hommes tels que Brassens, qui se disait chansonnier quand certains voulaient l'appeler poète. Je ne crois pas qu'il existe un meilleur mot pour désigner une personne qui chante les chansons qu'elle a créées.
Ce qui me gêne, c'est que pour beaucoup d'entre nous, le chansonnier a une connotation satirique. Le chansonnier auquel vous faites allusion est celui du dix-neuvième siècle.
C'est vrai. Avant que Jacques en parle, je n'en étais pas conscient. Pourtant, j'ai souvent entendu ce mot sans qu'y soit forcément liée la connotation satirique. Je lis d'ailleurs sur Wikipédia que le terme chansonnier est toujours employé au Canada pour désigner les chanteurs à textes. Pensez-vous que l'on devrait dire tout simplement « chanteur » ? Il me semble qu'on pourrait oblitérer cette agaçante acception du mot « artiste » en rétablissant l'ancien sens du mot « chansonnier ». Certains auteurs le font déjà. Qu'en dites-vous ?
Et que pensez-vous de "diseur" ? On parlait bien de "diseuse".
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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