Digramme AI prononcé [e]

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wozart
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Digramme AI prononcé [e]

Message par wozart »

Je consacre mon deuxième sujet sur ce forum à un domaine qui me tient à cœur : la prononciation du français. Je précise que mon ouvrage de référence est le nouveau Petit Robert, édition 2009 et que je consulte également le site du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales.
Le sujet qui nous occupe ici a été abordé dans ce sujet et je voudrais le traiter ici de manière plus générale.
La règle communément admise (mais non respectée) est que le digramme AI placé en fin de mot se prononce [ε], c'est à dire E ouvert (è), quand il est suivi d'une consonne (ou ENT pour les verbes conjugués) et qu'il se prononce [e], c'est à dire E fermé (é), dans l'autre cas. On dira par exemple un quai → [ke].Cela permettait, par exemple, de faire la différence, à l'oral, entre le passé simple et l'imparfait à la première personne du singulier :

je chantai → [e]
je chantais → [ε]

ou entre le futur simple de l'indicatif et le conditionnel présent. Il n'existe, en revanche, aucune règle, à ma connaissance, concernant le digramme AI qui se prononce [e] à l'intérieur d'un mot. Ainsi se prononce-t-il dans le verbe "aimer" à l'infinitif, au participe présent, etc. Pourtant les choses changent dès qu'on le conjugue :

j'aime → [ε]
nous aimons → [e]

Voici la petite collection de mots que je me suis constituée avec ce digramme AI prononcé [e] à l'intérieur d'un mot :

un aimant
une laitue
aigu, une aiguille, aiguiser, etc.
l'aîné
ailé
aigri
aider
daigner
saigner
un plaisir

En connaissez-vous d'autres et voyez-vous une règle susceptible d'expliquer cette prononciation particulière (étymologique peut-être) ?
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Jacques-André-Albert
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Re: Digramme AI prononcé [e]

Message par Jacques-André-Albert »

wozart a écrit :En connaissez-vous d'autres et voyez-vous une règle susceptible d'expliquer cette prononciation particulière (étymologique peut-être) ?
Ça me paraît relever de la phonétique, comme je l'ai écrit récemment à propos de la prononciation de l'article les. Dans tous les cas que vous nous avez soumis, ai est bien prononcé è quand la syllabe porte l'accent tonique (qui est la plupart du temps sur la dernière syllabe, en français). Quand ai se trouve en position inaccentuée, il est plus facile de prononcer é.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Klausinski
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Re: Digramme AI prononcé [e]

Message par Klausinski »

wozart a écrit :Voici la petite collection de mots que je me suis constituée avec ce digramme AI prononcé [e] à l'intérieur d'un mot :

un aimant
une laitue
aigu, une aiguille, aiguiser, etc.
l'aîné
ailé
aigri
aider
daigner
saigner
un plaisir
Dans tous les mots que vous citez, je prononce « ai » [ε] (comme le è de chèvre). Le TLFi propose presque à chaque fois les deux prononciations et cite des autorités valables pour les deux camps. Pour le coup, je me demande si l'on peut dire qu'il y a une prononciation correcte et une qui ne l'est pas.
JAA a écrit :Quand ai se trouve en position inaccentuée, il est plus facile de prononcer é.
Ce n'est pas ce que je ressens. Est-ce une simple opinion ou vous appuyez-vous sur des considérations phonétiques ? Pour ma part, il m'est, par exemple, plus facile de prononcer « plèdoyé » que « plédoyé ».
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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wozart
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Re: Digramme AI prononcé [e]

Message par wozart »

Klausinski a écrit :Dans tous les mots que vous citez, je prononce « ai » [ε] (comme le è de chèvre). Le TLFi propose presque à chaque fois les deux prononciations et cite des autorités valables pour les deux camps. Pour le coup, je me demande si l'on peut dire qu'il y a une prononciation correcte et une qui ne l'est pas.
Ce n'est pas le cas du Robert qui à chaque fois indique [e].
Pour ma part, il m'est, par exemple, plus facile de prononcer « plèdoyé » que « plédoyé ».
Plaider, je ne l'avais pas celui-là ! Le Robert indique encore [e], mais par contre pour plaidoyer, c'est [ε]. Étonnant cette différence de traitement.
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Message par GB-91 »

Un célèbre météorologiste de France Inter prononce : "Risques d'orages sur le Lyonné, mistral sur l'Avignonné".
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Jacques
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Message par Jacques »

Dans toute cette liste que vous donnez, je prononce AI comme è ouvert. Je n'ai jamais entendu parler d'une autre manière de le dire. Ce que j'ai appris ne concerne que la terminaison : je prendrai(é), je prendrais(è).
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Claude
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Message par Claude »

Jacques a écrit :Dans toute cette liste que vous donnez, je prononce AI comme è ouvert. Je n'ai jamais entendu parler d'une autre manière de le dire. Ce que j'ai appris ne concerne que la terminaison : je prendrai(é), je prendrais(è).
C'est exactement ce qu'on m'a appris à l'école et comme nous avons tous deux vécu dans des coins de France différents il ne s'agit pas de prononciation régionale mais bien académique. :wink:
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Jacques
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Message par Jacques »

Je le crois, car ce devait être la règle standard.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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wozart
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Message par wozart »

Jacques a écrit :Dans toute cette liste que vous donnez, je prononce AI comme è ouvert.
Ah bon ? Vous dites "aimer" avec un [ε] ouvert ? :shock:
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Jacques
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Message par Jacques »

Évidemment. Je ne dis pas émer. Et toute la conjugaison se prononce è. J'aimerai se dit jèmré et pas jémré.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Je prononce également èmé.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Marco
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Message par Marco »

Klausinski a écrit :Je prononce également èmé.
Moi aussi. :)
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Cela dit, je viens d'écouter plusieurs chansons contenant ce mot sur Youtube, et je me rends compte que la plupart des chanteurs prononcent « émé ».
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Message par AliceAlasmartise. »

C'est étrange, dans la majorité des chansons on prononce « s'émé », « vous émez », « t'émé » et l'on prononce « je t'ème », « nous èmons », « on s'ème »...
Yvette Giraud dans cette chanson chante bien « émé comme je t'ème ». Faut-il en conclure que lorsqu'il se prononce comme l'infinitif, le premier « e » est fermé ?
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

C'est la contamination d'une voyelle ouverte par la voyelle fermée qui suit, bien connue dans certaines langues, en particulier le breton.
Notez qu'elle ne se produit pas dans l'autre sens : ainsi décès n'est jamais prononcé dècès.
Je mets à part la prononciation décés, avec deux voyelles fermées, qui tient plutôt à la fermeture des -è finaux dans certaines régions.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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