Matière à réflexion

[Jacques]

Une adhérente de DLF m’a envoyé la copie d’une lettre qu’avait reçue son défunt mari, chef d’escale dans une grande compagnie aérienne, d’un ancien employé camerounais (à l'époque de la colonisation). On ne s’empêchera pas de sourire du style naïvement emphatique et flatteur. La réaction est naturelle, mais mon objectif n’est pas la dérision ou la moquerie. Voici ce que dit ma correspondante : « Elle a un côté touchant, et en dépit de ces quelques fautes, considérant le niveau scolaire de ce jeune Africain, ce n'est pas si mal. Je pense qu'il maîtrisait la langue française bien mieux que des diplômés actuels de nos grandes écoles dont les notes de service sont truffées de fautes d'orthographe et de syntaxe. »

Objet : demande d'avancement

Mon Très Cher Patron,
J’ai le plus grand plaisir de vous faire connaître mes plaisanteries, sans vous dépeindre ma superlature, mon ingratitude, ma grandiloquence à votre égard –
Embauché le 17 septembre 1956 par vos propres besoins, j’ai compté rendre entière satisfaction à toute tâche qui m’était montrée, quoique le surcroit de travail et l’inhabitude me rendaient un peu timide –
Nous voici séparés ; cependant, je vous demande mon Cher Patron de bien vouloir vérifier ma situation étant donné que vous êtes au courant de la tâche que je remplie – Vous avez préposé l’embauche d’un aide, jusqu’à présent pas de suite – De ma part, aucun avantage quelconque, aucune préposition à espérer, aucun avancement du tout – Je nage sur le même rang, je nagerai et je crois perpétuel – Les uns préposés à faire le concours à peine un an de travail, d’autres ont une bonne conduite de toutes parts ; tandis que moi au moins une conduite de travail léguées à votre successeur – Lui, parlant la question du concours pour moi si cela vous serait agréable.
S’il vous plaît, je vous prie également de bien vouloir rappeler la question d’un aide, car mon travail a un retard de trois mois. Je sais que vous n’avez pas le droit d’avancer un homme, mais vous avez le droit d’avancer un employé.
Espérant avoir une suite satisfaction et un bon souvenir inoubliable, je vous prie de recevoir mon Cher patron mes derniers hommages et plus nobles dévouements.
Votre Ex-Affable Employé

[André (G., R.)]

Excellent ! La moquerie serait d’autant plus malvenue que la proportion d’Africains, au moins dans certains pays, dont le Cameroun, à parler une ou deux autres langues que leur langue maternelle, est peut-être supérieure à celle des Français dans le même cas.

[Bogdanov]

Hmmm... Donc c'est comme ça qu'on écrivait mal à l'époque où on écrivait bien...