Phrase douteuse

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Jacques
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Phrase douteuse

Message par Jacques »

Quelque part sur l’un des millions de sites qui jalonnent la Toile, une personne a posé une question sur l’accord du participe passé dans cette phrase : « Suite aux entretiens que j’ai passés dans votre structure… »
On lui a donné une réponse sur l’accord du PP, mais personne ne lui conseille de revoir la phrase, qui ne fera certainement pas bonne impression à l’interlocuteur chargé de statuer sur une éventuelle embauche (je conclus qu’il s’agit d’une demande d’emploi) à cause des trois fautes dont elle est entachée :
suite à est du mauvais jargon commercial, fortement déconseillé par les spécialistes, et que nous interdisait mon prof de correspondance commerciale ; dans le cadre d’une lettre à caractère privé, c’est désinvolte et à la limite de l’incorrection ;
passer un entretien est une impropriété, du style familier très relâché ;
structure est un barbarisme à la mode qui remplace des quantités de noms de lieux : centre d’accueil, commerce à grande surface ou non, cantine, bâtiment public, etc.
La structure c’est, disons, l’armature ou l’ensemble des éléments essentiels d’une œuvre ou d’une construction.
Si le reste de la lettre est de la même veine, la décision ne fait pas de doute.
La phrase, selon ce que j’envisage, pourrait se présenter ainsi : À la suite des entretiens que j’ai eus dans votre établissement ou au siège de votre société ou toute autre appellation désignant l’endroit où se sont déroulés les entretiens. On peut affiner le style, mais je manque d’éléments sur les lieux et circonstances pour proposer autre chose.
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Perkele
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Message par Perkele »

Croyez-vous qu'un recruteur soit capable de trouver cette phrase maladroite ?
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Perkele a écrit :Croyez-vous qu'un recruteur soit capable de trouver cette phrase maladroite ?
Je n'en sais rien, je leur accord le bénéfice du doute en pensant qu'ils ont un niveau de français leur donnant la faculté de juger. Mais si ce n'est pas le cas, c'est alarmant.
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Perkele
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Message par Perkele »

Ceux que j'ai côtoyés s'offusquaient au contraire que l'on puisse "postuler un emploi".
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Ils se seraient donc, de même, affligés d'apprendre qu'on puisse vitupérer quelqu'un.
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Perkele
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Message par Perkele »

Je le suppose fortement.
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

Perkele a écrit :Croyez-vous qu'un recruteur soit capable de trouver cette phrase maladroite ?
Peut-être plus aujourd'hui ; lorsque j'étais jeune, certainement.

D'ailleurs, on entend très souvent l'expression passer un entretien, peut-être parce qu'on assimile l'entretien d'embauche à un examen d'entrée...
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Jacques
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Message par Jacques »

Oui, mais là encore il y a une impropriété : passer un examen c'est franchir les épreuves avec succès, cela signifie qu'on a été reçu. En revanche, tant qu'on n'a pas eu les résultats il faut dire qu'on s'est présenté à l'examen, ou qu'on l'a subi. C'est ce qu'on m'a enseigné.
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

Comme je dis depuis fort longtemps passer un examen dans le sens de subir un examen ou s'y présenter, j'ai voulu savoir si c'est vraiment faux.
J'ai trouvé ceci dans le dictionnaire de l'Académie (en vert):
C. Exprime l'idée d'une action, d'une procédure. 1. Exposer, soumettre à l'action de. Passer un meuble à l'encaustique. Passer des instruments à l'étuve, au stérilisateur. Expr. Passer au crible, voir Crible. Passer quelqu'un par les armes, le fusiller. Passer au fil de l'épée, voir Épée. Fam. Passer à tabac, rouer de coups. ● MILIT. Passer des troupes en revue, passer une revue. Par ext. Fig. Passer quelque chose en revue, l'examiner attentivement, en faire l'inventaire. 2. Subir une épreuve, un contrôle. Passer un examen, un concours, s'y présenter ou, vieilli, le réussir. Passer le baccalauréat. Passer une audition. Passer une visite médicale. 3. Accomplir une action dans les formes requises. Passer un marché, un accord. Passer commande d'une fourniture. Passer un compromis, le conclure. Passer des aveux, avouer un crime, un délit conformément à la procédure. ● Spécialt. DROIT. Établir dans les formes légales. Passer un contrat, un avenant. Un acte passé par-devant notaire. – COMPT. Enregistrer, inscrire. Passer une opération dans un livre comptable. Passer des écritures. Passer un article en dépense. Passer une somme d'un registre ou d'un chapitre à un autre, la transférer. Contre-passer, voir ce mot. Fig. et fam. Passer quelque chose par pertes et profits, se résigner à sa perte sans regrets excessifs.
Ouf ! L'honneur est sauf ! :wink:
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Jacques
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Message par Jacques »

Cela prouve qu'une fois de plus l'Académie fait preuve de laxisme, et admet un usage impropre.
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Manni-Gédéon a écrit :Comme je dis depuis fort longtemps passer un examen dans le sens de subir un examen ou s'y présenter, j'ai voulu savoir si c'est vraiment faux.
Moi aussi j'ai toujours pensé comme vous, et tout en hésitant à m'inscrire en faux contre tel intervenant, je remarque que le sens de « réussir à un examen » est jugé vieilli :
Passer un examen, un concours, s'y présenter ou, vieilli, le réussir.
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Jacques
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Message par Jacques »

C'est l'usage populaire qui, depuis longtemps (je l'entendais déjà dans les années cinquante) a pris l'expression passer un examen comme ayant le sens de subir les épreuves. Comme toujours, les dictionnaires et l'Académie, au lieu de mettre l'accent sur l'erreur, ont « constaté l'usage » et l'ont entériné.
C'est ainsi que les impropriétés reçoivent la consécration de ceux qui devraient mettre en garde contre les dérives lexicales. C'est vous-même pourtant, manni-gédéon, qui dites dans un autre sujet que vous regrettez le laxisme de l'Académie française. En voilà un exemple.
Dans les textes soignés, on parle toujours de « se présenter à un examen ou à un concours ».
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

Oui, mais là, il s'agit d'une expression que j'entends et emploie depuis toujours. Aucun prof ne m'a jamais dit qu'elle était fausse ; au contraire, ils l'employaient eux-mêmes.
Je pense aussi que s'il y a eu ce glissement de sens, c'est parce que les verbes se présenter et subir sont insatisfaisants. Subir a un sens passif et se présenter n'exprime pas vraiment l'idée de répondre à des questions.

On parle également de passage, de la liste ou de l'ordre de passage.
Sous passage, le dictionnaire de l'Académie donne aussi cet exemple :
Fig. Le fait de se présenter, d'être présenté devant ceux qui ont compétence pour délivrer un agrément, une autorisation, etc. Le passage d'un candidat devant un jury. Le passage d'un projet de loi devant une commission.
Il me semble qu'en disant passer un examen pour s'y présenter, on reste dans la même idée que ce sens figuré du mot passage.
Comme j'ai grandi avec cette expression, je ne suis peut-être pas objective ; j'explique simplement pourquoi elle me paraît logique.
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Perkele
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Message par Perkele »

Pour ma part, "passer un examen" m'a été signalé dans les années 1960 comme un faux ami avec "to pass an exam" qui voulait dire "réussir un examen".
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Jacques
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Message par Jacques »

Si mes souvenirs ne sont pas trop mauvais, se présenter à un examen se dirait to have an exam.
Mais cette nuance entre passer et subir un examen m'a été inculquée (et même imposée) autour de 1950, et à cette époque nous étions préservés de l'anglomanie. Quand on dit qu'on a passé une porte, un pont ou autre chose, cela veut bien dire qu'on les a franchis et pas qu'on s'est présenté devant.

Quand Richelieu a fondé l'Académie française, il lui a donné pour mission de codifier la langue, et donc de déterminer ce qui est du bon usage et ce qui ne l'est pas. De nos jours, elle rejette cette fonction en se disant « observatrice et rapporteur de l'usage », c'est-à-dire même du mauvais qu'elle ne signale pas comme tel ; mieux, elle élargit la plaie en notant comme vieilli un usage correct. Il y a longtemps que les dictionnaires courants s'y sont mis. À l'origine, les fondateurs du P.L. et du P.R. avaient la même vocation de défendre l'orthodoxie lexicale. Le premier, par démagogie commerciale (il faut vendre) a admis sans vergogne les impropriétés populaires et le second, après avoir résisté pendant quelques années, l'a imité pour ne pas voir baisser son chiffre d'affaires. Mais pourquoi l'Académie leur emboîte-t-elle le pas ? Pour qu'on ne la taxe pas de « ringardise » ?
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