Interrogatives

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André (G., R.)
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Interrogatives

Message par André (G., R.) »

Julie aime-t-elle les épinards ?

Pourquoi les enfants se lèvent-ils si tôt ?

Quels vêtements ton père a-t-il achetés ?

Dans ces interrogatives, le sujet (Julie, les enfants, ton père) est repris par un pronom personnel (elle, ils, il). Dans la dernière, « Quels vêtements » est COD.
Le recours à la voix passive transforme ce COD en sujet du verbe « ont été achetés ». Je me demande alors s’il vaut mieux, en style soutenu, poser la question sous la forme :

Quels vêtements ont-ils été achetés par ton père ?

ou si l'on doit supprimer « ils ». Il m'est arrivé de me dire que la présence du pronom pouvait rendre la phrase incorrecte, du fait que la valeur interrogative est alors contenue à la fois dans « Quels » et dans la place du verbe. Mais alors la question ci-dessus avec « pourquoi » devrait pareillement être contestée.
Et il me semble à la réflexion avoir vu dans la littérature classique la reprise, par un pronom, du groupe nominal sujet introduit par « quel ».
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Jacques
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Message par Jacques »

Je ne me sens pas très à l'aise dans l'analyse de ces phrases, faute de formation grammaticale poussée. Il me semble que plusieurs formes sont correctes : Quels vêtements ont été achetés par ton père ? Quels sont les vêtements que ton père a achetés ? sont des variantes qui ne paraissent pas suspectes. Quels vêtements ton père a-t-il achetés ? reprend le nom par le pronom, mais on ne peut pas demander Quels vêtements ton père a achetés ? qui a l'air d'une formulation populaire. Le pronom ne fait pas redondance ou tautologie selon moi. La répétition ne choque pas.
Il faudrait que j'aie le temps de fouiller dans mes livres, mais je ne sais pas quel critère de recherche je dois appliquer.
Sauf erreur, en anglais on dirait aussi : Which clothes your father did he purchase ? Avec reprise du nom father (père) par le pronom he (il). Ce n'es donc ps un latinisme spécifique.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Jacques a écrit :Sauf erreur, en anglais on dirait aussi : Which clothes your father did he purchase ? Avec reprise du nom father (père) par le pronom he (il). Ce n'es donc ps un latinisme spécifique.
Permettez-moi de vous corriger : votre phrase fut un temps possible, notamment à l'époque de Shakespeare, mais n'est plus correcte. Which clothes did your father purchase? / which clothes were purchased by your father? sont seuls corrects en anglais moderne.
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Jacques
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Message par Jacques »

Eh bien, je date ! Mon premier prof d'anglais était un Français du genre « vieille France » à la mode ancienne. Il nous a inculqué des archaïsmes.
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Un vieux de la vieille, alors... Nous aussi avons appris pas mal d'archaïsmes, du fait que bon nombre de nos manuels scolaires dataient du début du XXe siècle. C'est là que j'appris « plaît-il ? » avant d'aller en France où tout le monde disait « comment ? »...
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Jacques
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Message par Jacques »

Islwyn a écrit :Un vieux de la vieille, alors...
En 1951, il nous avait dit qu'il avait soixante ans, ce qui signifie qu'il était né en 1891. Mais, si peu que je m'en souvienne, je crois que les manuels étaient aussi très vieux jeu.
Preuve que ce brave homme l'était, vieux jeu, c'est que pendant 3 ans je l'ai entendu me dire aussi bien pour les interrogations orales que les épreuves écrites : « C'est parfait, tu mérites un 20, mais cela ne se fait pas, alors je te donne 19 ».
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Ernest de la Coquecigrue
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Re: Interrogatives

Message par Ernest de la Coquecigrue »

André (G., R.) a écrit :Le recours à la voix passive transforme ce COD en sujet du verbe « ont été achetés ». Je me demande alors s’il vaut mieux, en style soutenu, poser la question sous la forme :

Quels vêtements ont-ils été achetés par ton père ?

ou si l'on doit supprimer « ils ». Il m'est arrivé de me dire que la présence du pronom pouvait rendre la phrase incorrecte, du fait que la valeur interrogative est alors contenue à la fois dans « Quels » et dans la place du verbe. Mais alors la question ci-dessus avec « pourquoi » devrait pareillement être contestée.
Et il me semble à la réflexion avoir vu dans la littérature classique la reprise, par un pronom, du groupe nominal sujet introduit par « quel ».
C'est un sujet complexe, sur lequel les différents ouvrages de grammaire ne s'accordent pas toujours. Parmi ceux que je possède, c'est dans le Dictionnaire des difficultés du français de J. Hanse et D. Blampain (De Boeck) que je trouve les explications les plus satisfaisantes, à l'article Inversion du sujet. Plusieurs pages sont consacrées à cette question, je n'en reproduis que quelques extraits :

  • 3.1.2 Un mot interrogatif commence la phrase

    A. Sujet

    Le mot interrogatif est sujet ou fait partie du sujet (combien de, quel, lequel de). Pas d'inversion (sauf les réserves ci-dessous) :

    [...] Quel témoin a vu l'accusé ? Quelle folie avait pris Clémence ? [...]

    L'inversion du pronom de rappel est cependant le tour interrogatif normal avec combien... ne pas et quel... ne pas :

    [...] Quels grondements lointains n'annoncent-ils pas l'orage ? [...]

    Même en dehors de ce cas, l'inversion du pronom de rappel est courante après combien et n'est pas rare après quel ou lequel :

    [...] Quelles âmes emportait-on, ou bien quels morts gigantesques marchaient-ils sur les eaux ? [...] Quelle aventure peut-elle l'attendre à l'Opéra ? [...]
Le Dictionnaire des difficultés et pièges de la langue française de D. Péchoin et B. Dauphin (Larousse) donne une règle moins détaillée et plus tranchée dans son annexe grammaticale (§ 120, 121, 122) :
  • Dans les phrases interrogatives partielles, si la phrase commence par une interrogation portant sur le sujet, le sujet n'est jamais repris :

    Quel salarié accepterait ces conditions ? (et non *quel salarié accepterait-il ces conditions ?)
Le Bon Usage cite de nombreux exemples des deux cas (§396 - Le sujet n’est pas un pronom personnel, ce ou on) :
  • Dans l’interrogation partielle, divers cas sont à envisager.
    Si l’interrogation commence par un pronom interrogatif sujet ou par un déterminant interrogatif se rapportant au sujet, le sujet n’est pas, normalement, repris par un pronom personnel :

    Quel peuple habita cette île ? [...] Quel bon vent vous amène, monsieur Picoche ? [...]

    Il y a dans ce cas une tendance assez forte (et ancienne) à introduire un pronom de reprise, spécialement quand le sujet est précédé de combien de et de quel. Cela est dû à l’influence de la construction [de l'interrogation globale].

    [...] Quels feux agitent-ils mes crins ? [...] Mais quelle journée peut-elle être considérée avec certitude comme le faîte de la vie ?
Dans les Pièges et difficultés de la langue française de J. Girodet (Bordas), je ne trouve qu'une mention imprécise dans les annexes (p. 1065), et le cas qui nous occupe n'est pas traité.

On peut retenir de tout cela que dans les interrogatives partielles introduites par le déterminant interrogatif sujet quel, ce sujet n'est généralement pas repris, mais que la reprise n'est pas incorrecte.
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Jacques
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Message par Jacques »

Merci d'avoir pris la peine de faire ce travail de recherche. Votre conclusion me rassure, car je finissais par me demander s'il y avait faute.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Merci beaucoup à vous tous. Un remerciement tout particulier à vous, Ernest. Je m'attendais à plus d'accord entre les ouvrages spécialisés, mais j'ai finalement la satisfaction de constater que la question que je me posais méritait de l'être !
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Fut un temps, donc, mais très ancien, où la reprise du nom par le pronom se pratiquait également en anglais. Je n'ai jamais entendu parler de l'équivalent en allemand (Was für Kleider hat dein Vater gekauft ? Quels vêtements ton père a-t-il achetés ?) (verbe : hat... gekauft ; COD : Was für Kleider) et cela peut avoir joué un rôle dans mon questionnement. Mais j'éviterai de répéter « la question que je me posais méritait de l'être » ! La question que je me posais méritait qu'on la posât. Je crois bien avoir vu ce sujet traité sur Français notre belle langue.
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Jacques
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Message par Jacques »

André (G., R.) a écrit :Mais j'éviterai de répéter « la question que je me posais méritait de l'être » ! La question que je me posais méritait qu'on la posât. Je crois bien avoir vu ce sujet traité sur Français notre belle langue.
Qu'est-ce à dire ? La manière de formuler la question ? La seconde paraît plus académique, certes. Pour ce qui me concerne je ne m'arrête pas à ce genre de nuance.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Il me semble avoir lu quelque part — et en réfléchissant je ne peux que partager cet avis — que dans une phrase comme « la question que je me posais méritait de l'être », « l' » et « être » étaient incorrects, du fait que le premier remplaçait un participe non fourni et que le deuxième se référait à un temps non utilisé précédemment. J'aurais dû écrire « la question que je m'étais posée méritait de l'être ».
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Peut-être même un grammairien rigoureux contestera-t-il la formulation « la question que je m'étais posée méritait de l'être », où « l'être » signifie « être posée ». Or cette forme est un infinitif passif, tandis que dans « la question que je m'étais posée » on a à faire à la voix active.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je crois comprendre que c'est l'antériorité de la question par rapport au moment où on la formule qui appelle votre attention sur l'emploi du temps de conjugaison. La langue française est complexe. Vaugelas et ses disciples ont développé une surenchère à qui irait le plus loin dans les subtilités et les nuances, et nous voilà nantis d'un participe passé casse-tête, avec quelques autres chefs-d'œuvre grammaticaux. Devons-nous nous laisser aller à fendre (et non couper) les cheveux en quatre, et remettre perpétuellement en question notre mode d'expression ? Je me demande si nous n'atteignons pas à la paranoïa à force de vouloir bien faire.
On n'ose plus écrire, de peur de tomber dans quelque chausse-trape.
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André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

N'est-il pas préférable, pour le moins, que « l' » remplace un mot réel et non le participe à imaginer ?
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