Perles d'inculture 3

Pour les sujets qui ne concernent pas les autres catégories, ou en impliquent plus d’une
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Jacques
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Message par Jacques »

Il faudrait avoir des précisions sur l'histoire de la langue et la période à laquelle les choses auraient changé.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Voici un bilan succinct de quelques recherches, elles-mêmes modestes, que je viens de faire.

Il semblerait que le mode conditionnel dans la subordonnée de condition n'ait jamais été de règle en français, en particulier en ancien français, où on en trouve cependant de rares exemples. Dans la Chanson de Roland (XIIe siècle) les phrases hypothétiques de l'irréel comportent essentiellement des verbes au subjonctif, aussi bien dans la principale que dans la subordonnée, ou bien un verbe au subjonctif dans la subordonnée et un verbe au conditionnel (comme aujourd'hui) dans la principale :

S’i fust li reis, n’i oüssons damage.
(Avec les mots d'aujourd'hui : Si y fût le roi, n'y eussions dommage), c'est-à-dire :
Si le roi y était, nous n’y aurions pas de dommage.

Se vedissons Roland...
Ensemble od lui i donrions granz colps.

(Avec les mots d'aujourd'hui : Si vissions Roland... Ensemble avec lui y donnerions grands coups), c'est-à-dire :
Si nous voyions Roland... Ensemble, avec lui, nous y donnerions de grands coups.
(Je crois qu'il s'agit de donner des coups à quelque chose.)

L'imparfait et le plus-que-parfait de l'indicatif dans la subordonnée de condition apparaissent à la fin du XIIe siècle :
S’il le saveit, vos seriés vergondé. (Huon de Bordeaux), c'est-à-dire :
S’il le savait, vous seriez honni.
Huon de Bordeaux est une chanson de geste composée par un trouvère dont on ne connaît pas le nom.
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Il semble que ce soit l'ambiguïté de l'imparfait du subjonctif dans les phrases conditionnelles qui explique sa disparition. Un de mes manuels cite les phrases suivantes :

Si j'osasse parler, je demendasse, signifiant ou « si j'osais, je demanderais » (et je le ferai peut-être) ou « si j'avais osé, j'aurais demandé » (mais je n'ai pas osé).
Par contre, on trouve dans un des premiers poèmes épiques :

s'il pleuvait, je ne sortirais pas.

Ainsi voit-on, comme signalé ci-dessus, une évolution fortement marquée, même dans des textes de presque pareille date.
Quantum mutatus ab illo
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Islwyn a écrit :Si j'osasse parler, je demendasse, signifiant ou « si j'osais, je demanderais » (et je le ferai peut-être) ou « si j'avais osé, j'aurais demandé » (mais je n'ai pas osé).
Je tends aussi à croire que l'imparfait du subjonctif représentait une ambigüité entre l'hypothèse dans le présent (ou le futur) et l'hypothèse dans le passé. Cette ambigüité disparaît avec l'utilisation de l'indicatif, dont l'imparfait s'est alors imposé pour l'hypothèse dans le présent (votre exemple), son plus-que-parfait (votre autre exemple) devenant le temps de l'hypothèse dans le passé.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Une phrase dans un titre de journal : N'attendons pas les fêtes de fin d'année pour se faire plaisir avec la saint-jacques.
Se faire plaisir est tellement employé que l'on oublie qu'il est concerné par la concordance des personnes. Un journaliste, dont l'outil est la langue française, ne devrait pas commettre cette erreur.
Je serai plus indulgent avec les minuscules aux initiales de saint-jacques. On admet, je crois, que les toponymes donnant leur nom à des vins (un grand saint-estèphe) perdent alors leurs majuscules. Peut-être n'est-il pas scandaleux d'appliquer une règle comparable à la coquille Saint-Jacques... quand on la prive de sa coquille !
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Jacques
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Message par Jacques »

Cette non-concordance des pronoms est devenue un classique, preuve que des tas de gens parlent sans se préoccuper de la justesse de leur vocabulaire.
Pour la Saint-Jacques, je ne fais pas autorité mais je suis perplexe à propos de votre supposition. La Saint-Jacques, c'est une ellipse pour la coquille Saint-Jacques, mais évidemment la coquille ce n'est pas l'animal.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
jarnicoton
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Message par jarnicoton »

Sur France-Info, une journaliste vient de nous dire que dans le monde "70% des crimes de journalistes restent impunis."
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Jacques a écrit : La Saint-Jacques, c'est une ellipse pour la coquille Saint-Jacques, mais évidemment la coquille ce n'est pas l'animal.
L'ellipse en tant que telle ne justifie probablement pas les minuscules. Mais un grand saint-estèphe, sauf erreur, constitue également une ellipse, celle de un grand vin de Saint-Estèphe. Pour le Robert, qui ne connaît toutefois pas d'ellipse de coquille Saint-Jacques, les noms de grands crus, de fromages (des saint-nectaires) et de poissons (un saint-pierre, appelé anciennement un poisson de Saint-Pierre) formés ainsi ne prennent pas de majuscules. Tout porte à croire que le Robert écrirait saint-jacques s'il acceptait le mot. Mais je me perds en conjectures !
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

jarnicoton a écrit :Sur France-Info, une journaliste vient de nous dire que dans le monde "70% des crimes de journalistes restent impunis."
On voulait peut-être parler, par exemple, de la faute de celui qui écrit N'attendons pas les fêtes de fin d'année pour se faire plaisir ! :D
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Perkele
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Message par Perkele »

André (G., R.) a écrit :
jarnicoton a écrit :Sur France-Info, une journaliste vient de nous dire que dans le monde "70% des crimes de journalistes restent impunis."
On voulait peut-être parler, par exemple, de la faute de celui qui écrit N'attendons pas les fêtes de fin d'année pour se faire plaisir ! :D
Sans aucun doute ! :D
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

André (G., R.) a écrit :
Jacques a écrit : La Saint-Jacques, c'est une ellipse pour la coquille Saint-Jacques, mais évidemment la coquille ce n'est pas l'animal.
L'ellipse en tant que telle ne justifie probablement pas les minuscules. Mais un grand saint-estèphe, sauf erreur, constitue également une ellipse, celle de un grand vin de Saint-Estèphe. Pour le Robert, qui ne connaît toutefois pas d'ellipse de coquille Saint-Jacques, les noms de grands crus, de fromages (des saint-nectaires) et de poissons (un saint-pierre, appelé anciennement un poisson de Saint-Pierre) formés ainsi ne prennent pas de majuscules. Tout porte à croire que le Robert écrirait saint-jacques s'il acceptait le mot. Mais je me perds en conjectures !
Pour trouver la réponse, il faut chercher à coquille et Robert écrit bien coquille Saint-Jacques. L'explication, ce n'est un secret pour personne, venant de ce qu'il s'agit de Saint-Jacques de Compostelle. Mais nous tournons dans un cercle vicieux : pourquoi camembert, champagne et Saint-Jacques ? Dans tous les cas il s'agit de noms de lieux.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Jacques a écrit :Pour trouver la réponse, il faut chercher à coquille et Robert écrit bien coquille Saint-Jacques.
Je voulais simplement dire que le Robert ne connaît pas la Saint-Jacques ou la saint-jacques, je ne doutais pas qu'il connût la coquille Saint-Jacques.
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Jacques
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Message par Jacques »

C'est ce qui m'a égaré ; je croyais trouver quelque chose dans les S.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Perkele
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Message par Perkele »

Ce ne serait pas la seule coquille qui serait dans le Robert...
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Il n'ira toutefois jamais, je crois, jusqu'à la confusion entre le Robert et le robert ! (Claude l'a dit : c'est la fin de la semaine.)
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