Perles d'inculture 3

[Jacques]

Lu dans un quotidien connu sur Internet :
Ainsi donc, il s'est trouvé des "magistrats" français pour inculper C. L., voulant la clouer au mur de la vindicte populaire.
(il est précisé que magistrats est entre guillemets parce qu'il ne s'agit pas de vrais magistrats mais de parlementaires).
Voilà bien un exemple typique de l'effet de manche qui, s'appuyant sur une phrase ronflante, aboutit à un couac ridicule.
Commençons par VINDICTE : t. de Jurisprudence. Il ne s'emploie que dans cette locution : La vindicte publique, La poursuite d'un crime au nom de la société. (Académie française).
Robert dit la même chose et ne reconnaît pas d'autre sens.
Il y a donc erreur quand, dans la langue courante, on le prend comme synonyme de réprobation, colère, indignation.
Vindicte populaire est déjà une impropriété puisque, d'après les dictionnaires, le mot est toujours associé à publique.
Mais j'aimerais qu'on me précise le sens de « clouer au mur de la vindicte », cela me fait penser à ces phrases grotesques du genre Le char de l'État navigue sur une mine, Ce sabre est le plus beau jour de ma vie, Le cœur qui bat sous la casquette du paysan vaut bien le cerveau qui pense dans la culotte du zouave ou, comme citait récemment Claude, Ces territoires où la main de l'homme n'a jamais mis le pied.

[André (G., R.)]

« Clouer au mur de la vindicte populaire » me paraît également ridicule. D'ailleurs l'auteur de cette phrase ne crée-t-il pas, avec clouer au mur, une expression impropre mêlant des éléments de coller au mur et de clouer au pilori ?
Toutefois, outre vindicte publique, vindicte populaire est accepté par Larousse, tandis que le Robert DHLF s'en tient à l'expression vindicte du peuple.

[Jacques]

Le mot vindicte apparaît seulement dans la 4e édition (1762) du dictionnaire de l'Académie : Terme de Jurisprudence. Il ne se dit qu'en cette phrase, La vindicte publique, pour dire, La poursuite d'un crime. En France, la vindicte publique n'appartient qu'aux Gens du Roi.
Avant on ne trouve que vindicatif, « animé d'un désir de vengeance ».
On pourrait épiloguer sur l'adjectif populaire, « du peuple », alors que publique découle de « qui se fait au nom du peuple » [mais est exercée par des « gens du roi » et non par le peuple], mais le jeu ne vaut pas la chandelle. C'est un petit glissement.
Vous avez raison, il y a là un mariage qui mélange deux expressions, comme dans le jeu des proverbes recollés :
– Quand on veut noyer son chien il faut le boire
– Quand le vin est tiré on dit qu'il a la rage
C'est une amusette assez plaisante, mais dans la relation ou le commentaire d'un fait d'actualité cela prend une allure de méli mélo ou de « comme dirait ma concierge ». On pourrait encore lui appliquer l'expression chère à vos parents :D

[Jacques]

Cet échange prenant des chemins de traverse, j'ai scindé en reportant vers Stylistique et littérature les proverbes recollés qui éclipsaient le sujet d'origine.
Nous pourrons ainsi poursuivre les discussions de part et d'autre.

[Jacques]

Lu sur Internet :
Le président de XXX a reconnu avoir cru en un faux passage pornographique du livre de ZZZ diffusé sur Twitter.
La confusion entre croire à et croire en est devenue un sport national, le second étant couramment utilisé dans un sens impropre.
Il suffit d'un peu d'attention pour se rappeler que croire en c'est avoir la foi dans une puissance supérieure, Dieu, la Providence ou le Destin* sous une forme personnifiée, être persuadé de son existence ainsi que de ses capacités à conduire la destinée. Croire à quelque chose c'est le considérer comme vrai.
* c'est pourquoi je mets des majuscules
Croire en quelqu'un, par extension du premier sens, c'est être convaincu de ses capacités et de sa réussite future ou de celle de ses entreprises.
Si monsieur ¤¤¤ président de XXX s'est laissé berner par un faux texte auquel il apportait du crédit, c'est qu'il croyait à ce texte.

[André (G., R.)]

Une partie de la population francophone, la catholique pratiquante, serait impardonnable de commettre cette erreur, habituée qu'elle est à réciter le Credo :

Je crois en Dieu,
le Père tout-puissant,
créateur du ciel et de la terre ;
et en Jésus-Christ,
son Fils unique, notre Seigneur,
...
Je crois en l’Esprit-Saint,
à la sainte Eglise catholique,
à la communion des saints,
à la rémission des péchés,
à la résurrection de la chair,
à la vie éternelle.

[Jacques]

Excellent rappel des nuances. Nous l'avons, je pense, tous appris dans notre enfance.

[Jacques-André-Albert]

La confusion entre croire à et croire en est devenue un sport national, le second étant couramment utilisé dans un sens impropre.

D'une façon générale, c'est le sens précis des prépositions qui semble échapper à nombre de nos concitoyens ; il suffit d'écouter la radio ou la télévision pour le constater presque quotidiennement.

[Jacques]

Oui, c'est d'ailleurs un phénomène semblable à celui qui fait confondre mettre à jour et mettre au jour.

[Jacques]

Il y a des choses qui agacent, parce qu’elles sont du domaine de l’impropriété et qu’elles se développent. Pourquoi les mauvais emplois s’imposent-ils avec une telle facilité ? Relevé sur Internet :
Dans un courrier recommandé adressé à ses têtes de liste dans les huit secteurs de la ville, et que cinq d'entre eux avaient reçu mardi 9 septembre...
Dans son courrier, le rapporteur H. P. rappelle les règles…

Qu’est-ce qui peut bien susciter cet engouement pour le mot courrier venu indûment remplacer lettre ?
COURRIER : 1. Anciennt. Messager rapide qu'on envoyait porter une nouvelle, une dépêche, une lettre, une instruction, un message.
2. Véhicule ou navire servant à transporter des lettres, des journaux, etc.
3. Singulier collectif. L'ensemble des lettres, des journaux, etc., transportés par voie terrestre, maritime ou aérienne. Spécialt. L'ensemble des lettres reçues ou envoyées par une personne ou une collectivité. Porter son courrier à la poste. Se faire adresser son courrier à une boîte postale. Signer son courrier. Attendre l'heure du courrier.
CONCLUSION : courrier ne peut en aucun cas être synonyme de lettre. On n’envoie pas un courrier à quelqu’un.

[Jacques-André-Albert]

Entendu parler, ce soir, aux informations de France 2, d'une personne travaillant pour une ONG gouvernementale. Je ne ferai aucun commentaire, ce serait désobligeant.

[Jacques]

C'est une des meilleures de l'année !
L'auteur ne sait visiblement pas ce qu'est une ONG.

[Claude]

Il vaut mieux en rire qu'en pleurer.

[Jacques]

Lu sur Internet :
66% des deux roues déclarent se sentir moins en sécurité sur les routes. Et pourtant, la moitié d'entre eux reconnaît avoir une conduite dangereuse.
Ce n’est peut-être pas grand-chose, mais cela démontre bien que les gens qui parlent ou écrivent par profession ne se soucient pas de la qualité du langage qu’ils utilisent.
Les écrivaillons médiatiques sont les champions de l’à-peu-près.
– Quand la moitié, le quart, ou n’importe quelle autre fraction au singulier, désigne une quantité mathématiquement exacte, le singulier est préférable, bien que le pluriel soit admis.
– En revanche, s’il s’agit d’un nombre approximatif, d’une estimation comme c'est le cas ici, le pluriel est obligatoire, et le singulier fautif.
Évidemment, je ne suis pas en train de faire un cours, les membres du forum sont au fait de ces subtilités, et je n’ai ici de leçons à donner à personne.
Je m’indigne seulement de la désinvolture de ces personnages qui n’ont aucun respect pour leurs lecteurs, et qui prennent en outre la responsabilité de faire école en propageant par l’exemple un mauvais usage. Une astuce pourtant simple pourrait éviter le mal : il suffit d’appliquer le pluriel dans tous les cas.

[Jacques-André-Albert]

Désinvolture ou incertitude ? J'ai l'impression que, dans le doute, ils appliquent strictement l'accord grammatical.