Il faut sauver la langue française !

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André (G., R.)
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Il faut sauver la langue française !

Message par André (G., R.) »

C'est le titre d'un article de mon quotidien. Je ne peux pas ne pas le proposer ici.

Entretien
« Arrêtez le massacre ! » C'est le coup de gueule que pousse Jean Maillet, un amoureux de la langue française, auteur de plusieurs jeux et livres sur le sujet, qui a longtemps travaillé avec Bernard Pivot. Il s'indigne avec passion et humour.

Qui massacre le français ?
Tout le monde ! Et notamment les élites, les politiques, les journalistes, tous ceux qui devraient en avoir une parfaite maîtrise.

Et c'est grave ?
Oui, parce que lorsque l'on écorche la langue, on écorche la pensée. Lorsque l'on ne s'exprime pas avec suffisamment de précision, elle s'étiole, se réduit. Les échanges s'appauvrissent. Le français dépérit, c'est un grand corps malade.

D'où viennent les attaques ?
Déjà, de l'anglais ! Nous sommes envahis. Certains anglicismes sont légitimes, lorsque le mot correspondant à l'objet n'existe pas : scanner, sandwich. Mais sinon pourquoi dire coach, et pas entraîneur ? Low cost, plutôt que bon marché ? Ceci dit, l'anglais est constitué aux deux tiers de mots venant du français...

Vous relevez des pléonasmes, des redondances. Ça fait rire. Ou pleurer...
Oui, dans le genre « prévoir à l'avance » ; « exporter à l'étranger » ; « cohabiter ensemble ». Et le fameux « au jour d'aujourd'hui » que beaucoup trouvent chic... Il y a aussi les problèmes de syntaxe, les barbarismes, les liaisons malheureuses...

Mais le français n'est-il pas trop compliqué ?
Il est précis, riche ! Une langue est constituée du vocabulaire actif, celui que l'on emploie, et du vocabulaire passif, qui tombe dans les oubliettes. Alors, c'est dommage de pourrir le peu de vocabulaire actif qui nous reste.

Vous êtes contre la féminisation de certaines professions. Ce n'est pas un peu rétrograde ?
On féminise souvent n'importe comment. Les mots en « teur », par exemple, font leu féminin en « toresse ». On ne dit pas « la docteure », mais « la doctoresse ». Et parfois, féminiser porte à confusion. Si vous parlez de la « ministre ». Lorsque vous dites « C'est la meilleure ministre du gouvernement », vous voulez dire que c'est la meilleure des femmes ministres, ou la meilleure de tout le gouvernement ? Cela prête à confusion.

Mais une langue, ça évolue ?
Oui, mais il faut lui éviter d'aller dans le mauvais sens. Sans stigmatiser les instituteurs, l'enseignement a des progrès à faire. Il faut aussi veiller à ce que la langue que vous utilisez soit le plus proche de ce que vous avez à dire. Surtout chacun doit être vigilant.
F. P.
Arrêtez le massacre, éd. de l'Opportun, 283 pages, 18 €
À lire aussi : De quel amour blessée, Alain Borer, Gallimard


Quelques remarques de détail.
Il me semble que voir en anglais deux tiers de mots venant du français est exagéré. Une bonne précision en la matière est difficile, parce qu’on peine parfois à faire la différence entre des mots anglais clairement empruntés au français et d’autres dont on ne sait trop s’ils sont passés du latin à l’anglais par l’intermédiaire du français. J’ai lu plus d’une fois que la moitié des mots de l’anglais viendraient du français.
Jean MAILLET ne considère pas le sens normal de « docteur », titre universitaire, il semble ignorer que « doctoresse » tombe en désuétude et n’a jamais été que synonyme de « femme médecin ». À propos de « la ministre » il ne signale pas qu’on lève facilement l’ambigüité contenue dans « C’est la meilleure ministre du gouvernement » en disant, y compris s’agissant d’une femme, « C’est le meilleur ministre du gouvernement ».
« Sans stigmatiser les instituteurs, l'enseignement a des progrès à faire » me semble contenir une anacoluthe. Ou alors serait-ce l’enseignement qui stigmatise les instituteurs ? :lol:
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

À l'échelle d'un individu, le vocabulaire actif, c'est effectivement celui qu'il utilise dans toutes les circonstances de sa vie ; le vocabulaire passif, c'est celui qu'il comprend sans l'utiliser. Le vocabulaire actif varie, bien sûr, d'une personne à l'autre, et c'est l'ensemble des stocks individuels de vocabulaire actif qui nous permet de nous comprendre. Mais l'écrit est un conservatoire du vocabulaire, et des mots rares sont toujours accessibles si on s'en donne la peine. Pour un mot, sortir de l'usage ce n'est pas obligatoirement tomber dans les oubliettes.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

J'ai failli faire un commentaire sur ce point à la fin de mon intervention ! Il aurait été inférieur au vôtre et, du fait de mon accord avec l'essentiel de ce que dit M. MAILLET, j'ai hésité, puis décidé de m'abstenir.
Dernière modification par André (G., R.) le mar. 09 déc. 2014, 10:09, modifié 1 fois.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

En matière de langue, un redressement est toujours possible, surtout quand la langue en question bénéficie d'un enseignement systématique reposant sur une longue tradition et un corpus écrit riche en qualité, en diversité et en volume. Mais pour cela, il faut une prise de conscience des élites et une volonté de faire de la langue une priorité dans l'enseignement, les médias et la communication officielle.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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