Que ne

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Yeva Agetuya
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Que ne

Message par Yeva Agetuya »

Bonsoir.

Comment analyseriez-vous grammaticalement ce "que ne" ?
  • Que ne suis-je la fougère
    Où, sur la fin d'un beau jour,
    Se repose ma bergère
    Sous la garde de l'amour ?
    Que ne suis-je le zéphyr
    Qui rafraîchit ses appas,
    L'air que sa bouche respire,
    La fleur qui naît sous ses pas ?


Je ne le trouve pas ici :

https://fr.wiktionary.org/wiki/que

Et je n'arrive pas à en faire un synonyme de "pourquoi ne". Le ton est plus impératif.
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Islwyn
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Message par Islwyn »

Mais n'est-ce pas justement l'équivalent littéraire de « pourquoi » ?

Qu'avais-tu besoin de lui en parler ?

Olivier et Roland, que n'êtes-vous ici ? (Victor Hugo)

Que ne le disiez-vous ?
Quantum mutatus ab illo
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Astragal
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Message par Astragal »

Je l'ai trouvé dans d'autres dictionnaires (Robert, Larousse, Littré), ils indiquent que que ne est un adverbe interrogatif.
Le Robert a écrit :Que ne…, servant, dans la langue littéraire, à l'expression du regret, du reproche, de la surprise… (→ Pourquoi* ne… pas; aussi 1. Froid, cit. 1).
Je suppose que l'on pourrait remplacer Que ne suis-je la fougère par Pourquoi ne suis-je pas la fougère.
C’est très bien. J’aurai tout manqué, même ma mort. (Edmond Rostand, Cyrano de Bergerac)
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

Dans ce que ne, je vois, pour ma part, le que et le ne.
Que pronom interrogatif, employé avec une valeur adverbiale et ne adverbe de négation
Que suis-je la bruyère... (que... c.-à-d. pourquoi suis-je... ?)
Que ne suis-je... ? (que ne c.-à-d. pourquoi ne suis-je pas... ?)

Je distinguerais le que ne précédent du que ne suivant : Fuis, que je ne t'attrape !
Je verrais alors dans ce dernier cas le que ne... comme une conjonction avec le sens de de peur que introduisant, après la proposition principale (Fuis), une proposition de but.

Ce sont là mes réflexions, éclairées par ma grammaire Gaston Cayrou...
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Le Robert DHLF indique :
Que adverbe se rencontre d'abord dans une proposition interrogative avec le sens de « pourquoi» (v. 980), puis également dans une interrogation indirecte (v. 1135).
Lorsque « que » vaut « pourquoi », c'est donc un adverbe interrogatif et le verbe qu'il introduit est à l'indicatif. Dans « Fuis, que je ne t'attrape ! », que vous proposez, Bernard_M, « que » amène un subjonctif : « que je ne t'attrape » signifie pour vous comme pour moi « pour que je ne t'attrape pas ». On a l'habitude de parler aussi de subordonnée de but après « de peur que », mais cela me gêne toujours un peu et, pour le moins, les deux locutions conjonctives de subordination ne me paraissent pas toujours interchangeables.
Comme vous, Yeva Agetuya, je ressens « Que ne l'as-tu dit plus tôt ? », quand la phrase est produite à notre époque, comme marquant une plus grande autorité que « Pourquoi ne l'as-tu pas dit plus tôt ? ». Mais je ne crois pas que l'on puisse voir pour autant autre chose que des adverbes dans « que » et « ne ».
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Yeva Agetuya
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Message par Yeva Agetuya »

Astragal a écrit :Je l'ai trouvé dans d'autres dictionnaires (Robert, Larousse, Littré), ils indiquent que que ne est un adverbe interrogatif.
Le Robert a écrit :Que ne…, servant, dans la langue littéraire, à l'expression du regret, du reproche, de la surprise… (→ Pourquoi* ne… pas; aussi 1. Froid, cit. 1).
Je suppose que l'on pourrait remplacer Que ne suis-je la fougère par Pourquoi ne suis-je pas la fougère.
Voyez-vous, à cause de cet aspect de regret, je verrais bien un couplet en écho commençant par :

Puissé-je être la fougère....

Dès lors, je ne vois pas comment interpréter en "pourquoi ?" ce "Que ne suis-je ?"
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

« Que ne suis-je la fougère ? », « Pourquoi ne suis-je pas la fougère ? », « Puissé-je être la fougère », « Ah, si (seulement) j'étais la fougère ! » ont pour moi le même sens. Je trouve d'ailleurs qu'il s'agit plus d'un souhait que d'un regret. Mais on sait que l'un et l'autre sont proches, en particulier lorsque le souhait est considéré comme irréalisable.
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

TLFi :
♦ [Dans une prop. interr. introd. par que au sens de «pourquoi»] Si tu souffrais, que n'ouvrais-tu ton âme? Si tu aimais, que ne le disais-tu? (Musset,Confess. enf. s., 1836, p.361).Renan est passé ici. Que ne nous a-t-il laissé quelques strophes de sa méditation! (Barrès,Cahiers, t.11, 1914, p.15):
2. Que n'y a-t-il, pensais-je avec envie, une âme compatissante qui, pareillement, fasse remonter le pain de vie jusqu'au pauvre prisonnier! Toepffer,Nouv. genev., 1839, p.115.
La formule sert à indiquer l'irréel du passé ou l'irréel du présent ; dans le premier cas, elle emporte avec elle une nuance de regret, dans le second soit du regret soit de l'espoir.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Je découvre votre texte, Leclerc92, au moment de publier le mien.
Bernard_M a écrit :Je distinguerais le que ne précédent du que ne suivant : Fuis, que je ne t'attrape !
Je verrais alors dans ce dernier cas le que ne... comme une conjonction avec le sens de de peur que introduisant, après la proposition principale (Fuis), une proposition de but.
Je ne crois pas que l'on puisse dire « Fuis, de peur que je (ne) t'attrape ! » Pour s'en convaincre, on peut comparer cette phrase à « J'ai fui, de peur qu'il (ne) m'attrape », où la personne qui fuit raconte elle-même sa fuite et exprime sa crainte d'être attrapée. Or l'impératif de deuxième personne n'est employé la plupart du temps que par une autre personne que celle à qui il s'adresse, comme le montre « Viens ici, que je soigne ton bobo » : le bobo sera soigné par celle ou celui qui dit « Viens ici » et non par celle ou celui qui doit venir.

Dans « Fuis, que je ne t'attrape », « que je ne t'attrape » s'oppose à « que je t'attrape », qui ne comporte pas de négation. On connaît d'ailleurs « Attends un peu, que je t'attrape ! », où « Attends » s'oppose à « Fuis ».

« De peur que je t'attrape » a le même sens que « de peur que je ne t'attrape », où « ne » est explétif.

La subordonnée introduite par « de peur que » (de peur de) ou « de crainte que » (de crainte de) exprime pour moi au moins autant la cause que le but. Je cherche en vain la différence entre « J'ai fui parce que j'avais peur d'être attrapé », « J'ai fui par peur d'être attrapé » et « J'ai fui de peur d'être attrapé ».
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit :TLFi :
♦ [Dans une prop. interr. introd. par que au sens de «pourquoi»] Si tu souffrais, que n'ouvrais-tu ton âme? Si tu aimais, que ne le disais-tu? (Musset,Confess. enf. s., 1836, p.361).Renan est passé ici. Que ne nous a-t-il laissé quelques strophes de sa méditation! (Barrès,Cahiers, t.11, 1914, p.15):
2. Que n'y a-t-il, pensais-je avec envie, une âme compatissante qui, pareillement, fasse remonter le pain de vie jusqu'au pauvre prisonnier! Toepffer,Nouv. genev., 1839, p.115.
La formule sert à indiquer l'irréel du passé ou l'irréel du présent ; dans le premier cas, elle emporte avec elle une nuance de regret, dans le second soit du regret soit de l'espoir.
Quelles merveilles, ces phrases que vous citez !
Je crains que les mères, par exemple, susceptibles de dire à leur adolescent « Si tu souffres, que n'ouvres-tu ton âme ? Si tu aimes, que ne le dis-tu ? » soient rares aujourd'hui !
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Yeva Agetuya
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Message par Yeva Agetuya »

https://fr.wiktionary.org/wiki/quin#Latin

Je découvre le latin quin et je suis tenté d'y voir une étymologie directe.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Ah, effectivement ! On lit en tout cas dans le Gaffiot, à l'entrée quin : ... quin tu urges istam occasionem ? CIC. Fam. 7, 8, 2, que ne tires-tu parti de cette occasion ?...
CIC. Fam. signifie CICÉRON, Lettres familières.
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Quin est même directement donné comme que ne, comment ne dans les dictionnaires et glossaires anciens.
https://books.google.fr/books?id=QvI9AA ... &q&f=false
https://books.google.fr/books?id=-9ycVm ... &q&f=false
Cela a pu influencer le tour français, mais je ne pense pas qu'on puisse parler d'étymologie directe. Je ne crois pas que "quin" (dans le sens qui nous intéresse) fît partie du vocabulaire usuel des conquérants romains ; "que ne" est également en français un tour du registre soutenu.
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Yeva Agetuya
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Message par Yeva Agetuya »

Mais "qui ne" pourrait être une réfection populaire sur "quin."

Et alors on aurait plus facilement un "que ne".

D'ailleurs, en matière de langue populaire, je trouve "qu'est-ce que tu fais ?" bien plus compliqué qu'un "que fais-tu ?".

Nous aurions dû avoir un "que tu fais ?", non ?
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

1) Je ne comprends pas. "Qui ne" est-il ou a-t-il été employé dans le sens de "pourquoi" ?
2) Je pense que l'inversion verbe-sujet est toujours plus compliquée, pour la plupart des gens, que la non inversion. D'où la préférence populaire pour "Qu'est-ce que tu fais", voire "Tu fais quoi ?" à "Que fais-tu ?".
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