Signaler les fautes ou pas

[Leclerc92]

Lu sur un portail Internet ce matin :

Reprendre les fautes de français des autres, c'est malpoli
Le dernier épisode de la télé-réalité américaine 90 Day Fiancé a provoqué un tollé sur les réseaux sociaux. Erika et Stephanie, qui forment l'un des couples du show, se sont disputées par textos. Durant la séquence, Stephanie a jugé bon de reprendre sa petite amie sur son orthographe. Une manie qui se révèle plus pernicieuse et mesquine qu'il n'y paraît, surtout dans un contexte de dispute.

Vous croyez sûrement bien faire lorsque vous reprenez quelqu'un qui fait une faute de français. Mais agissez-vous pour les bonnes raisons ? Selon cet article du Guardian, il est malvenu voire impoli de souligner les fautes d'orthographe si on n'est ni professeur·e ni parent. Donc dans le cadre d'une dispute comme celle des deux jeunes femmes, il aurait mieux valu s'abstenir.

D'une part, parce c'est une façon d'écraser la personne en la ridiculisant. Ça n'ajoute pas d'intérêt à la conversation. D'autre part, cela montre que l'intérêt est porté à la forme et pas au fond du propos. Slate.com a publié un article en 2013 pour théoriser le concept de «language bully». Le problème n'est pas d'en savoir plus, mais d'«utiliser ce savoir pour humilier et embarrasser les autres», expliquait alors le journaliste Matthew Malady.

Bien sûr, il n'est pas toujours nécessaire de se retenir de corriger quelqu'un. Tout dépend du contexte et de la manière dont on le fait. Si l'on est prof ou parent, corriger un enfant n'est pas malpoli.

Pour les autres cas, mieux vaut laisser place à l'appréciation personnelle de la situation. Reprendre quelqu'un qui ne parle pas très bien français et qui vous demande de l'aider est acceptable. De même, dans le cadre professionnel, un employeur ou une employeuse est susceptible de demander à ses salarié·es de prendre garde à leur langage pour éviter de véhiculer une mauvaise image de la société.

De manière générale, avant de reprendre qui que ce soit sur son expression, il est important de veiller à la qualité de la sienne. Il faut ensuite s'assurer que les raisons pour lesquelles on souhaite reprendre la personne sont valables. Enfin, utilisez les mots justes pour ne pas blesser.

Vous arrive-t-il de signaler des fautes à des personnes de votre entourage en dehors de vos enfants ?

[Marco]

En effet, il faut faire très attention, être diplomate et évaluer au cas par cas s’il est judicieux de le faire.

Pour ma part, j’ai signalé une erreur sur un panneau routier à la police (riverains excepté pour riverains exceptés), et deux jours après, les deux panneaux (de part et d’autre de la route) ont été changés et on m’a remercié d’avoir signalé la faute.

J’ai également écrit à la rédaction du journal télévisé de la Suisse romande il y a quelques semaines au sujet de l’emploi erroné d’une expression (les travaux sont à bout touchant pour les travaux touchent à leur fin, où il y a confusion et croisement entre toucher à sa fin et arriver au bout), et la présentatrice m’a remercié et a fait son mea culpa.

[Claude]

[...]
Vous arrive-t-il de signaler des fautes à des personnes de votre entourage en dehors de vos enfants ?

Ma réponse est identique à celle de Marco :

En effet, il faut faire très attention, être diplomate et évaluer au cas par cas s’il est judicieux de le faire.

[Perkele]

Je ne signale leurs fautes qu'à ceux qui e l'ont explicitement demandé.

[Leclerc92]

Cela doit arriver rarement que quelqu'un dans notre entourage demande qu'on lui signale ses fautes, en dehors d'étrangers qui apprennent notre langue peut-être. Ça ne m'est jamais arrivé et je ne signale jamais les fautes sauf si celui qui les commet est, je le sais, fin connaisseur de notre langue et appréciera d'être remis dans le droit chemin, parfois après une sérieuse discussion voire des doutes. La dernière fois que je l'ai fait, c'est avec un cousin de mon âge, ancien professeur de français, esprit toujours ouvert et curieux, et qui me parlait de la "gente féminine" ; je me suis permis de lui signaler mais j'ai senti qu'il doutait de ce que j'affirmais et je n'ai pas insisté trop.
En dehors de l'entourage, il y a des cas où signaler une faute est plus courant : beaucoup de gens écrivent aux médias pour leur signaler leurs bévues.
Le cas des forums de langue est un cas un peu spécial. Il est certain que tout ce qui est coquille ou analogue n'a pas à être signalé ; du reste les modérateurs les corrigent souvent spontanément ou les signalent discrètement à leur auteur. En revanche, certaines fautes méritent, à mon avis, d'être discutées si la discussion a une portée pédagogique, si cela soulève un point de langue intéressant ; sur un forum de langue, on se doit d'être exemplaire, si l'on peut. Mais là encore, et même plus qu'ailleurs, la diplomatie est de rigueur ; c'est un exercice compliqué, voire dangereux.

[Yeva Agetuya]

J'ai tendance à signaler aux commerçants les fautes qu'ils font sur leurs affiches en vitrine.

Récemment, un Asiatique vendait des légumes cuits "accompagnés du riz."

Mais j'ai été une fois pris en défaut par l'employée d'une boîte d'intérim qui a sorti son dictionnaire qui était sous le comptoir (car elle devait avoir l'habitude). Et j'ai appris qu'à la différence d'"accord" "acompte" ne prenait qu'un seul c.

[Perkele]

J'ai tendance à signaler aux commerçants les fautes qu'ils font sur leurs affiches en vitrine.

Vous me faites penser à notre instituteur qui avait toujours dans sa poche un chiffon et une craie qui lui servaient à corriger les ardoises des maraîchers sur le marché.

[Didier Pautard]

En ce qui me concerne, dans la vie réelle, je signale des fautes uniquement à mon entourage immédiat (femme, enfants), sur le ton de la discussion.
Dans Wikipédia, je corrige massivement les fautes d'orthographe, de grammaire, et plus généralement les fautes de français, parce que je pense que laisser des fautes dans Wikipédia ne donne pas une bonne image de l'encyclopédie. C'est aussi dans l'intérêt des lecteurs, pour qu'ils ne commettent pas eux-mêmes des fautes par mimétisme. Dans Wikipédia, corriger les fautes dans les articles préserve l'anonymat des personnes. Par contre, je m'interdis de faire remarquer à un contributeur les fautes qu'il commet dans une page de discussion, parce que c'est humiliant. Pour les fautes de français (ou disons les difficultés), je m'appuie sur les recommandations de l'Académie française, de l'OQLF, ou de différents sites en ligne. Le fait que je m'appuie sur les recommandations de l'Académie française m'a valu quelquefois des critiques acerbes, remettant en cause notamment la légitimité de l'Académie française sur son manque de compétence linguistique, d'où la discussion que j'ai ouverte hier sur FNBL.

[jarnicoton]

Selon cet article du Guardian, il est malvenu voire impoli de souligner les fautes d'orthographe si on n'est ni professeur·e ni parent.

C'est même l'exercice illégal du professorat !

Envers les journalistes la question de la politesse ne se pose pas. Ils sont d'une négligence inexcusable quand ils sortent des fautes d'enfant.
Le pis est qu'ils récidivent : cela semble indiquer que leurs confrères ont une si haute idée de la liberté du journaliste qu'ils estimeraient l'enfreindre en corrigeant les fautifs, car il n'est pas exagéré de parler de fautifs dans un métier de la parole ou de l'écriture.

[Leclerc92]

Je tombe sur cet article : « Les chercheurs affirment que les personnes qui soulignent constamment les fautes d’orthographe sont des imbéciles. »
Il s'agit de la reprise, sous forme de pseudo mise à jour récente, d'un article de 2018, qui reprenait une rengaine déjà chantonnée en 2016 ou dans les années suivantes comme ici ou là.
On apprend que les fanatiques de la grammaire sont probablement atteints du SPG, le syndrome de pédanterie grammaticale !
Tout cela nous ramène vite au grammar nazi, cher aux Anglo-Saxons, le nazi de la grammaire, évoqué par Hippocampe il y a plus de dix ans :
viewtopic.php?p=72426#p72426

[Hippocampe]

Comment diable fais-tu, Leclerc92, pour exhumer ce vieux message ?

[Uranie]

A propos de fautes, deux anecdotes.

J'ai dit un jour à une amie "J'ai été en Autriche". Elle me corrige et me dit : "Je suis allée".
Je parle avec l'un de mes élèves (en cours particulier, pas devant la classe !) et je dis : "par contre". Il me reprend (poliment, avec un rire dans l'œil) : "Madame, on dit "en revanche".

Vexée comme un pou, je me jette sur mes bouquins.

Il semblerait que désormais "j'ai été en..." soit accepté. Quant à par contre / en revanche, l'affaire remonterait à Rousseau (qui utilise par contre) et Voltaire (qui utilise en revanche).

Qu'en pensez-vous ?

[Perkele]

Comment diable fais-tu, Leclerc92, pour exhumer ce vieux message ?

Il est très fort !

[Perkele]

A propos de fautes, deux anecdotes.

J'ai dit un jour à une amie "J'ai été en Autriche". Elle me corrige et me dit : "Je suis allée".
Je parle avec l'un de mes élèves (en cours particulier, pas devant la classe !) et je dis : "par contre". Il me reprend (poliment, avec un rire dans l'œil) : "Madame, on dit "en revanche".

Vexée comme un pou, je me jette sur mes bouquins.

Il semblerait que désormais "j'ai été en..." soit accepté. Quant à par contre / en revanche, l'affaire remonterait à Rousseau (qui utilise par contre) et Voltaire (qui utilise en revanche).

Qu'en pensez-vous ?

J'ai lu que Voltaire serait mêlé à l'affaire, mais je n'ai jamais compris pourquoi si ce n'es qu'en revanche serait malvenu dans un cas semblable à celui-ci : "Son père est revenu du front en 18, en revanche son mari et son fils sont mort en 40."

[Yeva Agetuya]

J'ai dit un jour à une amie "J'ai été en Autriche". Elle me corrige et me dit : "Je suis allée".

En fait, "je suis allé en Autriche" et donc ensuite j'y fus.

Donc "j'ai été en Autriche" à un moment et cela sous-entend que j'y suis allé.