Syntaxe simplifiée et style « petit-nègre »

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Jacques
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Syntaxe simplifiée et style « petit-nègre »

Message par Jacques »

C'est devenu une habitude fort répandue que d'accoler deux substantifs sans aucun mot de liaison, en contravention avec les règles de la syntaxe française. Je crois avoir déjà parlé de séances photo, huile moteur, test ADN etc. qui sont ancrés dans le langage courant, ainsi que de cet artisan qui disait fabriquer des caisses bois et sortir « quatre cents caisses bois mois ».
Une perle dans ce genre est ce que je viens de découvrir sur un site Internet où l'on présente un logiciel : « En plus des protections, vous bénéficiez de toutes les fonctionnalités produit ».
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Message par Invité »

Vous avez raison Jac, j'ai moi-même utilisé l'expression village monde, il y a aussi le plateau repas, le bouquet satellite, et j'en passe. Il faut s'y faire à mon avis, c'est "incontournable" dans le langage courant.
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Jacques
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Message par Jacques »

Plateau repas ne me dérange pas, peut-être parce qu'il n'y a guère de possibilité de dire autrement. C'est un plateau (sous-entendu garni) qui « fait repas », ce mot repas se comprenant non seulement des aliments proprement dits, mais aussi des couverts et du contenu du plateau, et pourquoi pas ? du plateau lui-même avec tout ce qu'il offre. Alors que « huile moteur » est incongru, parce qu'il s'agit d'huile à moteur, qu'une « caisse bois » est une caisse en bois, qu'une « séance photos » est une séance de photos. J'espère que vous percevez la nuance, parce que c'est difficile à exprimer.
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JR
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Message par JR »

Franchement, je suis moins exigeant : il y a bien quelques abus dans les exemples cités, mais j'ai tendance à classer tout ça parmi les mots composés : plateau-repas, huile-moteur, etc. . .
L’ignorance est mère de tous les maux.
François Rabelais
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Jacques
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Message par Jacques »

Non, il y a des règles qui font qu'un mot est composé ou ne l'est pas. Pomme de terre est un nom composé parce que ce terme est figé, de même que presqu'île ou arc-en-ciel, ou bête à bon Dieu, ou porte-parapluie, porte-bagage. Un mot composé est un terme composé de deux ou plusieurs éléments qui doivent toujours être ensemble pour désigner un objet ou un concept spécifique. Ils ne peuvent pas être dissociés. Un mot composé fonctionne comme un mot simple. Quand vous dites huile moteur, il n'y a pas de lien qui oblige ces deux mots à rester ensemble en toutes circonstances : il y a de l'huile à salade, à moteur, de l'huile de vidange... La préposition indique la destination du produit. Dans cet horrible « séance photos » il n'y a pas de mot composé, mais deux mots séparés dont le rapport doit être marqué par une préposition ; on peut avoir une séance de pose, une séance de cinéma, une séance d'essayage, comme on a une séance de photos. Le second mot est complément du premier ; dans un mot composé il n'y a pas de complément. Une séance de photos c'est comme une foule de gens, le cas grammatical est le même.
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Diomède
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Message par Diomède »

J'aurais tendance à être plus indulgent pour séance photo que pour les autres exemples cités, je ne saurais pas trop dire pourquoi. Mais une caisse bois... on aura tout vu...
Qu'il est sombre, le rire amer des grandes eaux !
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Perkele
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Message par Perkele »

... et surtout quatre cents caisses bois mois. :lol:
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Diomède a écrit :J'aurais tendance à être plus indulgent pour séance photo que pour les autres exemples cités, je ne saurais pas trop dire pourquoi. Mais une caisse bois... on aura tout vu...
C'est subjectif. Même si les fautes sont équivalentes dans le domaine du style ou de la syntaxe, il y en a qui choquent plus que d'autres.
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Frédounet

Message par Frédounet »

Le plus grave problème de cette langue qui n'est plus du français est le fait qu'elle perde son but même : se faire comprendre. Peut-être vaudrait-il mieux revenir au langage des signes, carrément, au lieu de prétendre user d'une langue qui n'en est plus une.
Pourquoi se parler, si les interlocuteurs sont incapables de se comprendre ? Pourquoi un Chinois me parlerait-il ? Je n'ai aucune notion de cette langue.
J'exagère à peine, malheureusement.
Voici quelques exemples, ne se limitant pas aux suppressions de mots :
- tableaux reçus : cela signifie-t-il les tableaux que j'ai reçus, ou bien les tableaux récapitulant les reçus ?
- micro : dois-je comprendre microphone, microscope, micro ordinateur ?
- portable : est-ce un téléphone, un micro ordinateur ? Et d'ailleurs un téléphone que l'on peut transporter chez soi d'une pièce à l'autre n'est pas un "portable" !
- giratoire : adjectif ? Substantif ?
- C D I : au bureau où je travaille, cela peut signifier "centre de documentation et d'information" (autrefois une bibliothèque de lycée) ou bien "contrat à durée indéterminée". Quand je demande que l'on prononce l'ensemble des mots, au lieu du sigle. on me rétorque que je cherche midi à 14 h, et que j'ai l'art d'embrouiller tout le monde.
Ben voyons ! (Je suis en colère). Et quand, en pleine réunion il y a un quiproquo à cause de l'équivoque : "Mais cet enseignant est en CDI, voyons ! - Oui, c'est ce que je dis ! - C'est impossible, il enseigne les math ! - Et alors ? - Eh bien, la documentation, cela n'a rien à voir !" etc.) à qui reproche-t-on de ne pas avoir repris mon supérieur hiérarchique en pleine séance pour mettre en évidence son erreur ? Je vous laisse deviner.
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Jacques
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Message par Jacques »

Bien que n'étant plus un « actif » je me trouve souvent confronté à cette incompréhension, et parmi vos exemples, le plus caractéristique est micro. Je me demande toujours de quel micro il s'agit. Et pour les sigles à sens doubles ou multiples, nous avions à la Bourse l'OPA (offre publique d'achat, je vous fais grâce des détails techniques de cette opération financière), alors qu'un ami qui était dans la police parlait lui aussi d'OPA (officier de police adjoint). Il y a aussi, en jargon informatique, le proc (microprocesseur) ; mais un proc c'est aussi un procureur de la République (ou du roi chez nos amis belges).
Un peu moins de paresse donnerait davantage de clarté et de compréhension.
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Frédounet

Message par Frédounet »

Effectivement. Il s'agit de paresse, mais aussi d'ignorance.
Les personnes s'exprimant mal se figurent que seule la signification qu'ils connaissent existe. Donc ils ne font pas l'effort de dire correctement ce dont il s'agit.
Le pire est que, lorsque le malentendu vient d'eux, ils prétendent que c'est l'autre qui ne comprend rien. Tout simplement parce que "l'autre" en question a un tout petit peu plus de connaissances et de culture que celui qui s'est mal exprimé : "J'ai sérié les questions, qui étaient sans ordre. - Mais non, on dit "J'ai cerné la question"."

Un autre exemple type est celui d'un de mes anciens collègues. Disons que son enfance difficile constitue une circonstance atténuante. Un jour où j'expliquais que j'étais obsédée par mon travail, il m'a dit que je ne connaissais pas le sens de l'adjectif "obsédé", et que cela signifiait "avoir des idées fixes sur le plan sexuel". Le même collègue, lors d'un concours, m'a dit que l'énoncé de math était faux, car il indiquait : "Supposons que le prix soit réduit à 40 % ..." Mon collègue a indiqué dans sa copie que la phrase était incorrecte, car l'expression consacrée était "réduit de 40%". Et il a fait l'exercice en considérant une réduction de 40% au lieu de 60%.

Autre exemple : sur nos documents de travail il est traditionnel (si j'en écris davantage, on me reproche de trop écrire) d'écrire en style télégraphique. Entre autres choses, nous enregistrons des informations dans des fichiers. Nous devons écrire au crayon "enregistrer" sur le document qu'il faut "saisir". Jusque là, rien que de très logique, me direz-vous. Oui, sauf quand un collègue, pour lequel l'orthographe est la science des ânes, écrit "enregistré". On ne sait donc jamais si le document est "à enregistrer", ou bien "a été enregistré".

Les "petits mots" retrouvent là toute leur importance.

J'arrête là, je me fais du mal, n'est-ce pas ?

Mal s'exprimer est le père de tous les maux, à l'instar de l'oisiveté, ne pensez-vous pas ?
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Jacques
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Message par Jacques »

Je constate que votre point de vue rejoint étroitement le mien, je vous approuve sur tous ces points ainsi que sur votre conclusion, car j'ai le mêrme sentiment. Dans le même ordre d'idées, l'absence des accents ou cédilles sur les majuscules où ils sont obligatoires crée parfois des ambigüités. Ainsi en va-t-il de ce bâtiment qui affichait PALAIS DES CONGRES. Et je vais citer une anecdote parfaitement authentique. Je ne pouvais m'empêcher de sourire lorsque je passais devant le pavillon d'un artisan proche de chez moi, et qui avait mis une pancarte indiquant, avec son nom : MACONNERIE GENERALE.
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Invité

Message par Invité »

Excellents vos exemples Jac!

"Le palais des congres", je n'y avais pas pensé, j'aime beaucoup, c'est frais, marin, ça sent la pêche et la tranche de thon.

Quant à Fredounet, on vous sent au bord de la déprime, courage, nous vous apportons notre soutien sans réserve!

et le mot "mot valise" vous l'acceptez?
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JR
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Message par JR »

Vous rejoignez là un des principaux motifs de mon intérêt pour ce site.
En fait, nous arrivons à une situation où - je caricature à peine - ce qu'on dit n'a aucune importance, l'interlocuteur recréant ( et comprenant ) ce que nous sommes censés avoir eu l'intention de dire selon le contexte :? .
Dans ces conditions, tenir un discours original devient difficile :cry: .
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Jacques
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Message par Jacques »

JR a écrit :Vous rejoignez là un des principaux motifs de mon intérêt pour ce site.
En fait, nous arrivons à une situation où - je caricature à peine - ce qu'on dit n'a aucune importance, l'interlocuteur recréant ( et comprenant ) ce que nous sommes censés avoir eu l'intention de dire selon le contexte :? .
Dans ces conditions, tenir un discours original devient difficile :cry: .
Je ne vous suis pas du tout, et je me demande si vous êtes ironique ou sérieux. Expliquez-vous.
Ce qu'on dit n'a aucune importance ? Nous ne sommes pas dans le même registre. Éclairez notre lanterne, de grâce.
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