de guerre lasse
- Jacques-André-Albert
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La recherche dans les livres recensés par Google ne laisse pas paraître d'occurrence avant le milieu du dix-neuvième siècle, ce qui infirmerait votre hypothèse, André (G., R.).
Néanmoins, cet ouvrage de 1869 mentionns une forme masculine ancienne « lasse » qui aurait subsisté dans l'expression qui nous occupe.
Néanmoins, cet ouvrage de 1869 mentionns une forme masculine ancienne « lasse » qui aurait subsisté dans l'expression qui nous occupe.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
C'est parce que, par erreur, la recherche s'est faite dans le corpus en anglais !Jacques-André-Albert a écrit :La recherche dans les livres recensés par Google ne laisse pas paraître d'occurrence avant le milieu du dix-neuvième siècle, ce qui infirmerait votre hypothèse, André (G., R.).
En français, l'expression est bien entendu plus ancienne :
https://books.google.com/ngrams/graph?c ... se%3B%2Cc0
Je n'ai pas recherché la date d'apparition la plus ancienne, mais je suis tombé par hasard sur ce passage de votre ami Alcofribas :
Je suis las de guerre : las de sayes et hoquetons.
https://books.google.fr/books?id=sv5yNs ... &q&f=false
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Merci, JAA. À vrai dire, Google et le Robert DHLF ne voient pas la première occurrence de « de guerre lasse » à la même date (« v. 1750 » pour le DHLF). Et je trouve convaincantes les explications fournies par le Courrier de Vaugelas : « lassé de la guerre » me paraît être la meilleure interprétation de « de guerre lasse », un léger phénomène de lamartinisme (influence, fautive, du genre de « guerre » sur l'adjectif) n'étant pas exclu pour autant.
Au moment de publier cela, je vois que vous m'avez devancé, Leclerc92.
Au moment de publier cela, je vois que vous m'avez devancé, Leclerc92.
- Jacques-André-Albert
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Confirmé par Google.André (G., R.) a écrit :Merci, JAA. À vrai dire, Google et le Robert DHLF ne voient pas la première occurrence de « de guerre lasse » à la même date (« v. 1750 » pour le DHLF).
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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- Jacques-André-Albert
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« De guerre las » est plausible à côté de « las de guerre », de même que nous avons « il faut savoir raison garder » pour « il faut savoir garder raison ». Ces inversions étaient courantes en ancien français, et peut-être même en moyen français, il faudrait rechercher.Leclerc92 a écrit : Je n'ai pas recherché la date d'apparition la plus ancienne, mais je suis tombé par hasard sur ce passage de votre ami Alcofribas :
Je suis las de guerre : las de sayes et hoquetons.
https://books.google.fr/books?id=sv5yNs ... &q&f=false
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Je crois pouvoir être plus catégorique que vous : « de guerre las » et « las de guerre » se sont probablement dits à égalité, je tends même à penser que le premier fut plus usité que le second à un moment donné.Jacques-André-Albert a écrit :« De guerre las » est plausible à côté de « las de guerre », de même que nous avons « il faut savoir raison garder » pour « il faut savoir garder raison ». Ces inversions étaient courantes en ancien français, et peut-être même en moyen français, il faudrait rechercher.
Mots mis en gras par moi.Leclerc92 a écrit :En français, l'expression est bien entendu plus ancienne
La question se pose peut-être de savoir si cette évidence, pour vous, en est une pour tous les télépapoteurs...
Dernière modification par André (G., R.) le sam. 19 août 2017, 13:06, modifié 1 fois.
- Islwyn
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La première attestation de de guerre lasse semble se trouver dans les Mémoires de Saint-Simon, vers 1750, et Grevisse l'explique par une sorte d'hypallage, qui consiste à attribuer à un mot de la phrase ce qui s'applique logiquement à un autre mot de la même phrase.
(Grevisse, Le bon usage, § 224 HI de l'éd. en ligne que je n'arrive pas à copier)
(Grevisse, Le bon usage, § 224 HI de l'éd. en ligne que je n'arrive pas à copier)
Quantum mutatus ab illo
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Cette explication que vous vouliez fournir, Islwyn, serait apparemment proche de la deuxième éventualité considérée par Jacques. En réalité, à relire son texte, j'ai davantage l'impression d'une quatrième proposition.
Mais sous le lien on trouve finalement plutôt une confirmation de la première hypothèse : il est plus vraisemblable que la graphie lasse représente une survivance de la prononciation [lAs] de l'adjectif masc..
Mais sous le lien on trouve finalement plutôt une confirmation de la première hypothèse : il est plus vraisemblable que la graphie lasse représente une survivance de la prononciation [lAs] de l'adjectif masc..
- Jacques-André-Albert
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Certaines expressions figées ne sont plus comprises, au point qu'on débat sur leur origine et leur orthographe (je pense à « bat son plein » et « autant / au temps pour moi »). La perception d'un adjectif lasse épithète de guerre a pu aider à maintenir la forme « lasse » jusqu'à nos jours.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Il est bien curieux que Grevisse ne se pose pas la question du sens exact de « de » pour l'hypothèse de l'hypallage. Le Larousse illustre cette figure de style par un passage de Victor HUGO : Ce marchand accoudé sur son comptoir avide. Personne ne contestera, en effet, que l'avidité concerne davantage le marchand que le comptoir !Islwyn a écrit :Grevisse l'explique par une sorte d'hypallage, qui consiste à attribuer à un mot de la phrase ce qui s'applique logiquement à un autre mot de la même phrase.
Mais alors il faudrait m'expliquer, j'insiste, ce que signifie une expression comme « de guerre, tout laisser tomber », puisqu'on dit « De guerre lasse, Monique a tout laissé tomber ». Dans le passage d'HUGO le déplacement d' « avide » vers « Ce marchand » ne nuit pas à l'intelligibilité (Ce marchand avide accoudé sur son comptoir), il n'en va pas de même pour « lasse » : « De guerre, Monique, lasse, a tout laissé tomber » n'a aucun sens.
Puisque nous sommes un samedi d'août, pourquoi ne pas apporter un brin de fantaisie, et rappeler la mémoire du colonel Hubert de Guerrelasse, dont Pierre Dac s'est fait le biographe ( https://fr.wikipedia.org/wiki/Bons_baisers_de_partout ).
J'espère que l'on me pardonnera cette irruption de loufoquerie dans une discussion sérieuse. À l'époque, "exilé" à Zurich, c'était un peu mon lien avec la langue française vivante.
J'espère que l'on me pardonnera cette irruption de loufoquerie dans une discussion sérieuse. À l'époque, "exilé" à Zurich, c'était un peu mon lien avec la langue française vivante.
Pas nécessairement. Mais tous ceux qui fréquentent assidûment le français classique et l'étymologie acquièrent une sorte de "flair" qui leur permet de reconnaître assez vite l'âge vraisemblable d'une expression : ici, la forme même de l'expression suggère qu'elle doit être ancienne.André (G., R.) a écrit :Mots mis en gras par moi.Leclerc92 a écrit :En français, l'expression est bien entendu plus ancienne
La question se pose peut-être de savoir si cette évidence, pour vous, en est une pour tous les télépapoteurs...
André (G., R.) a écrit :Merci, JAA. À vrai dire, Google et le Robert DHLF ne voient pas la première occurrence de « de guerre lasse » à la même date (« v. 1750 » pour le DHLF).
Google permet de remonter un peu plus avant, en 1731, dans ce curieux livre, Esprit des conversations agréables, ou Nouveau mélange de pensées choisies, de François Gayot de Pitaval :Islwyn a écrit :La première attestation de de guerre lasse semble se trouver dans les Mémoires de Saint-Simon, vers 1750
Le père l'abandonna de guerre lasse, la mère ne se rendit pas si-tôt.
On trouve aussi l'expression dans le Journal de Dangeau, en septembre 1715, mais l'édition tardive du journal ne permet pas d'assurer que l'expression était bien là à l'origine :
Tout aussitôt, on se sépara de guerre lasse.
En revanche, on ne trouve à cette époque ni "las de guerre" ni "lasse de guerre". Pas plus que "de guerre las" d'ailleurs, dont je ne trouve les premiers exemples qu'un siècle plus tard, ce qui laisse penser à une hypercorrection !
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Or vous avez cité, en haut de cette page, la phrase « Je suis las de guerre : las de sayes et hoquetons* » mise par RABELAIS (1494-1553) dans la bouche d'Alcofribas.Leclerc92 a écrit :En revanche, on ne trouve à cette époque ni "las de guerre" ni "lasse de guerre". Pas plus que "de guerre las" d'ailleurs, dont je ne trouve les premiers exemples qu'un siècle plus tard, ce qui laisse penser à une hypercorrection !
* Les sayes (ou saies) et les hoquetons étaient des sortes de manteaux portés par les hommes d'armes.
- Islwyn
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Tenez ! La petite biographie que Wikipédia consacre au duc de Saint-Simon nous apprend qu'ilLeclerc92 a écrit :Journal de Dangeau, en septembre 1715, mais l'édition tardive du journal ne permet pas d'assurer que l'expression était bien là à l'origine :
Tout aussitôt, on se sépara de guerre lasse.
« lit le Journal de Dangeau, l'annote et, à partir de 1739, rassemble ses notes et s’attelle à la rédaction de ses Mémoires proprement dit. Il achève leur rédaction en 1749, les faisant s’arrêter à la mort du Régent, en 1723. »
Quantum mutatus ab illo
Précisément, ce n'est pas la même époque. Je ne trouve pas trace de cette expression dans les deux siècles qui suivent, avant que naisse "de guerre lasse".André (G., R.) a écrit :Or vous avez cité, en haut de cette page, la phrase « Je suis las de guerre : las de sayes et hoquetons* » mise par RABELAIS (1494-1553)Leclerc92 a écrit :En revanche, on ne trouve à cette époque ni "las de guerre" ni "lasse de guerre". Pas plus que "de guerre las" d'ailleurs, dont je ne trouve les premiers exemples qu'un siècle plus tard, ce qui laisse penser à une hypercorrection !