Être la proie

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Jacques-André-Albert
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Être la proie

Message par Jacques-André-Albert »

Une faute grossière, ce matin, dans ce journal régional :

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Les lieux ont été pendant longtemps la proie à des inondations, notamment en raison d’infiltrations venues des plafonds. 
.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Assurément. Je me demande quelle expression voisine le journaliste devait avoir en tête lorsqu'il a utilisé la préposition "à". Probablement "être en proie à. .."
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

La phrase que vous citez, Jacques-André-Albert, me paraît, de fait, très perfectible. « Pendant longtemps » y est pléonastique, le Larousse définissant ainsi « longtemps » : Pendant un long espace de temps. Les infiltrations, quant à elles, étaient dans les plafonds, elles n'en venaient pas. En ce qui concerne « être la proie à », vous l'avez dit, Leclerc92, il y a éventuellement confusion avec « être en proie à », dont le complément qualifie toutefois les souffrances d'une personne, en aucun cas des phénomènes comme les inondations. Peut-être le journaliste pensait-il aussi à « exposés (ou : sujets) à des inondations ».
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

Eh eh, la chasse aux pléonasmes continue ! :wink: Voir ce vieux fil :
http://www.achyra.org/francais/viewtopic.php?t=3235
Les avis sont partagés. Je ne suis pas gêné par ce pléonasme, admissible et très usuel. On retrouve un peu la même discussion que dans le fil sur les pléonasmes.
Dans le cas particulier de votre exemple, je me demande même si l'on ne peut pas voir une petite nuance de sens entre
Les lieux ont été longtemps sujets à des inondations,
et
Les lieux ont été pendant longtemps sujets à des inondations.
Dans la première phrase, c'est peut-être la fréquence des inondations sur une longue période de temps qui me vient à l'esprit. Dans la seconde, c'est peut-être bien la durée des inondations qui est d'abord en cause. Mais je doute que ces distinctions soient universellement ressenties.
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Leclerc92 a écrit : Mais je doute que ces distinctions soient universellement ressenties.
En tout cas, pas par moi !
Je pense que nous devons être soucieux de simplicité. Qui pourrait expliquer la différence entre « Longtemps j'ai cru au père Noël » et « Pendant longtemps j'ai cru au père Noël » ? Elle me paraît inexistante. J'essaie d'appliquer la formule de BOILEAU « Ce qui se conçoit bien s'énonce clairement », à laquelle j'ajoute «, brièvement et simplement ».
Leclerc92
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Message par Leclerc92 »

D'accord avec Boileau, qui s'est bien gardé d'ajouter "brièvement et simplement" ! :wink:
La simplicité, on peut admettre qu'elle soit généralement opportune, cela va de soi, mais la brièveté n'est pas nécessairement une qualité en toutes circonstances. Au demeurant, je ne crois pas que l'adjonction de deux syllabes (celles de "pendant") change fondamentalement la brièveté d'un discours !
Mais revenons à la phrase que nous examinions et replaçons-là dans son contexte. J'avais cru qu'il était question des récentes inondations. Point du tout, il s'agit de la remise en état de vastes sous-sols occupé depuis plusieurs années :
Mais cet acte prévoit surtout que la Ville récupère la pleine propriété des espaces en sous-sols, soit environ 2.000 m² qui sont inoccupés depuis la refonte de la place en 2006-2007 « et ce serait dommage de les laisser sans objet », a expliqué le maire hier soir. Les lieux ont été pendant longtemps la proie à des inondations, notamment en raison d’infiltrations venues des plafonds. Mais d’importants travaux d’assèchement ont été menés et la collectivité peut désormais envisager de leur donner une nouvelle affectation. Un architecte a même d’ores et déjà travaillé sur le sujet.
https://www.lanouvellerepublique.fr/nio ... 52008b4b23
Il me semble ici que "pendant longtemps" a exactement le sens que lui fixe le Dictionnaire de l'Académie :
Pendant longtemps, durant longtemps, pendant une longue période dans le passé.
http://cnrtl.fr/definition/academie9/longtemps//0
C'est la neuvième édition, celle en cours, du Dictionnaire, mais la précédente contenait déjà un exemple : Il a demeuré pendant longtemps dans cette ville.
Je suis bien d'accord qu'on pourrait se contenter de dire "longtemps" tout court dans cet exemple comme dans la phrase examinée, mais je ne suis pas convaincu que l'on y gagne quoi que ce soit, à part deux petites syllabes de rien du tout.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Il me semble que longtemps, bien qu'adverbe, garde un peu, dans l'usage, sa valeur de groupe nominal. C'est ce qu'on peut percevoir dans les nombreuses tournures où il apparaît :
- plus ou moins longtemps = un temps plus ou moins long.
- depuis longtemps = depuis un long temps.
- pendant long temps = id
- ne pas en avoir pour longtemps.
L'équivalent de cette dernière locution est : ce ne sera pas long, où l'adjectif représente le temps.
Il me semble qu'on perçoit presque toujours le sens du temps long en utilisant l'adverbe. N'oublions pas que la forme liée « longtemps » n'a succédé officiellement qu'en 1835 à « long-temps ».

On peut remarque, à ce propos, dans Google, que les courbes de long-temps et longtemps s'inversent à cette date, mais que l'adverbe s'est quand même écrit assez tôt d'un seul mot...
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Il y a longtemps (!) que Larousse, je l'ai dit, définit longtemps ainsi : Pendant un long espace de temps (mot mis en gras par moi). Je ne vois pas ce que je pourrais ajouter.

Quant à BOILEAU, Leclerc92, vous vous avancez sans doute beaucoup à affirmer qu'il se serait « bien gardé » d'ajouter "brièvement et simplement". Je croyais avoir insisté sur le fait que cet ajout était de moi. « Bien se garder » signifie qu'il y aurait pensé et aurait jugé cela insensé. Rien ne vous le prouve, de même que rien ne me prouve le contraire : une seule question vaut alors, celle de savoir si « brièvement » et « simplement », aujourd'hui, nous paraissent ou non à peu près conformes à l'esprit de la citation. Autrement dit : la clarté est-elle plutôt contenue généralement dans la brièveté et la simplicité ou dans la longueur et la complication ?
André (G., R.)
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Message par André (G., R.) »

Nous avons peut-être omis de signaler une autre confusion contenue dans Les lieux ont été pendant longtemps la proie à des inondations. « Être la proie » se dit, mais son complément est introduit par « de ». Il s'emploie beaucoup au sens figuré : être la proie d'un pervers narcissique.
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