Joncher

[Jacques-André-Albert]

Un autre mésemploi* que j'ai à nouveau rencontré hier soir, c'est celui de joncher. Il s'agissait des cadavres de chouettes effraies qui jonchent le bord des routes. Ce n'est pas le cas, heureusement pour cet oiseau, même si on en rencontre un de temps en temps. Le vrai sens de joncher, c'est « recouvrir en grand nombre le sol ».

*J'emploie spontanément ce mot de mésemploi, et j'apprends dans le dictionnaire qu'il est vieilli. Je ne vois pas pourquoi on devrait mettre aux oubliettes un mot correct et facilement compréhensible.

[Perkele]

J'ai, effectivement du mal à m'imaginer une jonchée de cadavres de chouettes sur l'entière longueur d'une route.

[Leclerc92]

Je ne savais pas que ces malheureuses bêtes étaient si nombreuses à trouver la mort sur les routes :

Le goudron de nos routes est incrusté des chairs d'animaux que l'imprudence ou la malchance a envoyés contre des véhicules lancés trop vite pour eux.
Les naturalistes savent déjà qu'au palmarès de l'hécatombe animale, la chouette effraie arrive largement en tête. En 2012, les cadavres de 125 individus ont été dénombrés sur les seules routes des Deux-Sèvres. Et 120 depuis le début de cette année 2013.
[...]
Juste après la chouette effraie, c'est le hérisson qui tapisse nos macadams.

https://www.lanouvellerepublique.fr/deu ... maux-morts
Les journalistes sont visiblement adeptes d'une certaine dramatisation par le biais du vocabulaire, si bien que ce "joncher" ne m'étonne qu'à moitié. Ce verbe a le tort, de toute façon, d'être par nature imprécis. Il faudrait définir précisément une densité minimale de jonchée !

[Perkele]

Lorsqu'une cérémonie est organisée en mon honneur, j'exige que la jonchée ne laisse point apparoître le sol.

[Jacques-André-Albert]

Je ne savais pas que ces malheureuses bêtes étaient si nombreuses à trouver la mort sur les routes

Pour vous donner une idée, je viens de récapituler les observations de chouettes effraies mortes sur les routes de Deux-Sèvres en 2020 : elles s'élèvent au nombre de 138. Mais ça, c'est ce qui a été dénombré par les observateurs, qui ne vont pas forcément partout.

[Jacques-André-Albert]

Ce verbe a le tort, de toute façon, d'être par nature imprécis. Il faudrait définir précisément une densité minimale de jonchée !

Je ne suis pas tout à fait d'accord : l'idée de joncher, c'est d'abord de recouvrir le sol. On en est très, très loin dans le sujet qui nous occupe. C'est bien plutôt un mésemploi qu'une exagération.

[Leclerc92]

Je suis d'accord pour trouver que l'emploi de "joncher" dans l'exemple qui nous occupe est grotesque.
Néanmoins, je crois que les dictionnaires sont en retard d'une définition, car il y a longtemps que le sens de "joncher" n'est plus vraiment recouvrir le sol, mais presque simplement celui d'être à terre/d'avoir été mis par terre. Si cela supposait naguère un nombre de choses ou de corps relativement important (quoique vague), il y a quand même belle lurette qu'on employait l'expression sans que le sol fût véritablement recouvert, caché à la vue. Aujourd'hui, on trouve même des emplois comme :
-Quelques éclats de vitre jonchaient le sol poudreux, mais il ne subsistait aucune trace de Dulles.
-Trois chaises jonchaient le sol, renversées sur le côté, autour d'une table brisée en deux.
-Elle saisit un vase intact qui jonchait le sol et le replaça sur le meuble télé.
- Un tapis de plus en plus épais jonchait le sol.
-Un peu plus loin, le corps immobile de Luna jonchait le sol.

[Claude]

Lorsqu'une cérémonie est organisée en mon honneur, j'exige que la jonchée ne laisse point apparoître le sol.

Sol tapissé de pétales de roses ?

[Jacques-André-Albert]

Dans joncher, il y a normalement une notion de quantité en un endroit.
Au passage, quand j'étais enfant, nous jouions ave mon grand-père au jonchet, devenu depuis le mikado. On lâchait des bâtonnets d'os en vrac sur le tapis de jeu et il fallait les enlever un à un sans faire bouger les autres.

[Perkele]

Lorsqu'une cérémonie est organisée en mon honneur, j'exige que la jonchée ne laisse point apparoître le sol.

Sol tapissé de pétales de roses ?

Nécessairement

[Perkele]

Je suis d'accord pour trouver que l'emploi de "joncher" dans l'exemple qui nous occupe est grotesque.
Néanmoins, je crois que les dictionnaires sont en retard d'une définition, car il y a longtemps que le sens de "joncher" n'est plus vraiment recouvrir le sol, mais presque simplement celui d'être à terre/d'avoir été mis par terre. Si cela supposait naguère un nombre de choses ou de corps relativement important (quoique vague), il y a quand même belle lurette qu'on employait l'expression sans que le sol fût véritablement recouvert, caché à la vue. Aujourd'hui, on trouve même des emplois comme :
-Quelques éclats de vitre jonchaient le sol poudreux, mais il ne subsistait aucune trace de Dulles.
-Trois chaises jonchaient le sol, renversées sur le côté, autour d'une table brisée en deux.

Une liberté prise, peut-être, parce que nous ne savons plus conjuguer le verbe gésir ?

[Claude]

« Tapisser » que j'ai employé involontairement dans mon précédent message concernant la cérémonie organisée en l'honneur de Perkele n'est-il pas un synonyme de « joncher » dans son sens d'origine ?

[Perkele]

Si ce n'est qu'on peut tapisser les murs, mais pas les joncher, du moins il me semble.

[Leclerc92]

[...]
-Quelques éclats de vitre jonchaient le sol poudreux, mais il ne subsistait aucune trace de Dulles.
-Trois chaises jonchaient le sol, renversées sur le côté, autour d'une table brisée en deux.

Une liberté prise, peut-être, parce que nous ne savons plus conjuguer le verbe gésir ?

Je n'y ai pas pensé, mais c'est très possible. "Jonchait", dans son acception élargie moderne, est souvent synonyme de "gisait sur".

[Perkele]

Et n'oublions pas qu'au départ il s'agissait de jonc qu'on répandait sur le sol pour protéger de la boue ou de la poussière les pieds des personnes honorées ce jour là.

Il me semble qu'on jonchait également le sol des maisons d'herbes odorantes, sol qui n'était souvent fait que de terre tassée.