La tournure "Et de..."
- Klausinski
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La tournure "Et de..."
Je me demande d'où vient la tournure "Et (sujet) de + infinitif", quand la préposition "de" n'est impliquée par aucun verbe. La plupart du temps, on trouve cette tournure en début de phrase, comme ici : "Le professeur leur demanda de se lever. Et Bertrand de répondre : 'On n'est pas des pantins.'"
Je viens de créer cet exemple car il est très difficile d'en trouver avec google ; c'est cependant une expression que je vois souvent. Je me demande si cette tournure s'est répandue par l'influence de la fameuse énallage de La Fontaine : "Ainsi dit le Renard ; et flatteurs d'applaudir." Avez-vous des informations sur cette tournure ? Est-elle correcte, aujourd'hui ?
J'aimerais aussi savoir quel sens vous donnez à cette expression. Pour moi, elle permet de souligner soit une immédiateté de l'action par rapport à celle qui précède, soit un degré d'intensité (cela se dit-il ?) un peu plus élevé...
Je viens de créer cet exemple car il est très difficile d'en trouver avec google ; c'est cependant une expression que je vois souvent. Je me demande si cette tournure s'est répandue par l'influence de la fameuse énallage de La Fontaine : "Ainsi dit le Renard ; et flatteurs d'applaudir." Avez-vous des informations sur cette tournure ? Est-elle correcte, aujourd'hui ?
J'aimerais aussi savoir quel sens vous donnez à cette expression. Pour moi, elle permet de souligner soit une immédiateté de l'action par rapport à celle qui précède, soit un degré d'intensité (cela se dit-il ?) un peu plus élevé...
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
Ayant abordé cette tournure l'année dernière, rencontrée dans un texte de latin, je suis à peu près en mesure de vous répondre : c'est un infinitif de narration. Je pense pour ma part, mais c'est uniquement une supposition, qu'elle exprime les deux choses dont vous parlez, l'immédiateté de l'action et son intensité : par exemple, "Et les spectateurs d'applaudir" comporte pour moi une notion d'enthousiasme et d'immédiateté.
Elle est toujours correcte, et parfois employée dans les journaux ou les romans.
Elle est toujours correcte, et parfois employée dans les journaux ou les romans.
Qu'il est sombre, le rire amer des grandes eaux !
Leconte de Lisle
Leconte de Lisle
J’ai trouvé ceci dans Grevisse (9ème édition, § 750, 3) :
Instinctivement, j’y verrais une ellipse verbale, du style « Et filles et garçons [commencèrent] de courir… » (le fait qu’on employait à en ancien français peut suggérer également des verbes tels que se mettre à, se prendre à, etc.).Dans des propositions affirmatives se rapportant au passé et commençant généralement par et, pour exprimer une action se déclenchant vivement, et conséquence d’une autre action qui précède : c’est l’infinitif dit « historique » ou « de narration » ; il est toujours au présent, toujours introduit par de (§ 922, 3°) et presque toujours accompagné d’un sujet [voir l’Hist.] […].
Précédé de or et de de avec l’article défini, l’infinitif servait à exprimer une exhortation pressante : Mi fil, or del HASTER ! [Mon fils, hâte-toi donc !] […]. – C’est peut-être ce tour qui est à l’origine de notre infinitif de narration (mais on admet plus généralement que l’infinitif de narration appartient à la catégorie des phrases nominales, sans verbe personnel. – L’infinitif de narration s’est développé au XVe siècle ; considéré comme familier au XVIIe siècle, il passe aujourd’hui pour élégant et pour un peu recherché. – À noter qu’il a pu autrefois être introduit par à : El bon prestre À soy retirer…
- Klausinski
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- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
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Eh bien, je ne m'attendais pas à une réponse aussi rapide et aussi précise. Je vous remercie vivement tous les deux. Ca faisait longtemps que je me demandais d'où venait cette expression.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
Marco, une petite précision "technique", si vous permettez: cet extrait de Grévisse, vous l'avez vous-même retapé ou bien vous avez fait un "copier-coller"? Mais alors, y a-t-il une édition électronique du Grévisse?
(... dont je suis peut-être le seul à ignorer l'existence... Excusez ma question si elle est naïve
)
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Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet (Courteline)
- Jacques
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Je ne connais pas SAMPA, et je n'ai jamais réussi à assimiler l'alphabet phonétique, alors j'ai recours à la méthode de Littré, qui utilisait simplement les caractères romains classiques avec une graphie simplifiée comprise de tout le monde. Pour Grevisse je prononce gré, et je crois que que tout le monde en fait autant
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Comme Klausinski il y a onze ans, je m'interrogeais récemment sur l'infinitif précédé de de dans des passages comme « Elle annonça une distribution de bonbons. Et les enfants de se précipiter vers elle ».
Dans l'intervention de Marco, une phrase de vieux français citée par Grevisse, Mi fil, or del HASTER, m'a d'abord semblé être de l'espagnol !
Et j'ignorais encore tout à l'heure ce qu'était une énallage : merci, Klausinski.
Vous arrive-t-il d'employer cet infinitif précédé de de et de son « sujet » ? Je crois qu'il m'est déjà arrivé d'y recourir à l'écrit.
Dans l'intervention de Marco, une phrase de vieux français citée par Grevisse, Mi fil, or del HASTER, m'a d'abord semblé être de l'espagnol !
Et j'ignorais encore tout à l'heure ce qu'était une énallage : merci, Klausinski.
Vous arrive-t-il d'employer cet infinitif précédé de de et de son « sujet » ? Je crois qu'il m'est déjà arrivé d'y recourir à l'écrit.