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Les faux amis du vocabulaire français
Revenant sur la condamnation de "sanctionner quelqu'un" par l'Académie, je dois dire à la réflexion que la position de l'Académie est bien intransigeante. Il me paraît normal que, puisque "sanctionner" a pris le sens de "punir", il en admette les deux constructions : on peut punir une faute et on peut punir quelqu'un. Pourquoi en irait-il différemment de "sanctionner" ?
Du reste, Girodet reconnaît (sans l'encourager toutefois) le sens actuel : sanctionner un délit, un coupable. Jean-Paul Colin ne bronche pas non plus et cite cet exemple de Camus, qui figure dans le Petit Robert : « sanctionner une faute, qqun [...] Les pénalités très graves qui sanctionnaient ce genre d'entreprises. » J'ai cru un instant que Camus nous exonérait de tout péché, mais en replaçant la phrase dans son contexte (La Peste), je vois que "entreprise" ne désigne pas une société mais une action ! Camus n'a donc point "fauté". Il n'empêche que le péché, quand péché contre l'Académie il y a, m'apparaît finalement véniel.
Mais me direz-vous peut-être, pourquoi utiliser le lourd "sanctionner" dans le sens de "punir" ? Ne peut-on se contenter de "punir", voire "châtier" (pour "quelqu'un")? Si, sûrement, mais la richesse d'une langue réside aussi dans le nombre de ses synonymes ou quasi-synonymes.
Du reste, Girodet reconnaît (sans l'encourager toutefois) le sens actuel : sanctionner un délit, un coupable. Jean-Paul Colin ne bronche pas non plus et cite cet exemple de Camus, qui figure dans le Petit Robert : « sanctionner une faute, qqun [...] Les pénalités très graves qui sanctionnaient ce genre d'entreprises. » J'ai cru un instant que Camus nous exonérait de tout péché, mais en replaçant la phrase dans son contexte (La Peste), je vois que "entreprise" ne désigne pas une société mais une action ! Camus n'a donc point "fauté". Il n'empêche que le péché, quand péché contre l'Académie il y a, m'apparaît finalement véniel.
Mais me direz-vous peut-être, pourquoi utiliser le lourd "sanctionner" dans le sens de "punir" ? Ne peut-on se contenter de "punir", voire "châtier" (pour "quelqu'un")? Si, sûrement, mais la richesse d'une langue réside aussi dans le nombre de ses synonymes ou quasi-synonymes.
Les articles des journaux sur le bon usage tendent parfois à pousser le bouchon un peu trop loin, pressés qu’ils sont de trouver quelque chose à dire pour nous culpabiliser ! Ainsi dans l’article déjà cité plus haut, on nous prie de ne pas confondre « associable » et « insociable ». Franchement, qui a déjà confondu ces deux mots ?
Voilà ce qu’on nous dit :
http://www.cnrtl.fr/definition/associable
est seulement « qui peut être associé ». Contrairement à ce que suggère le journaliste, le sens de «sociable, qui vit ou peut vivre en société» n’est pas un sens actuel, mais un sens du mot en ancien français quand il est apparu (attestation de 1355 dans le TLFi) !
J’ai l’impression que le journaliste ou le pigiste trop rapide aurait peut-être voulu parler de « asocial » qui existe bel et bien et est plus ou moins synonyme de « insociable », moins utilisé.
Voilà ce qu’on nous dit :
Mais « associable » n’est même pas dans le dictionnaire de l’Académie et le sens qu’il a dans le TLFi● Associable, insociable
Non seulement nous confondons les deux termes mais en plus, deux termes au sens diamétralement opposé: comme le suggère le préfixe «-in», «insociable» désigne «qui n'est pas capable de relations aimables ou agréables avec ses semblables». Le mot est issu du latin insociabilis, «qu'on ne peut associer à, incompatible». Quelqu'un d'«associable» est, au contraire, celui «qui peut être associé», «sociable, qui vit ou peut vivre en société».
http://www.cnrtl.fr/definition/associable
est seulement « qui peut être associé ». Contrairement à ce que suggère le journaliste, le sens de «sociable, qui vit ou peut vivre en société» n’est pas un sens actuel, mais un sens du mot en ancien français quand il est apparu (attestation de 1355 dans le TLFi) !
J’ai l’impression que le journaliste ou le pigiste trop rapide aurait peut-être voulu parler de « asocial » qui existe bel et bien et est plus ou moins synonyme de « insociable », moins utilisé.
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Re: Les faux amis du vocabulaire français
Lu comme titre d'une vidéo :
"Le président ukrainien Limoges deux de ses collaborateurs"
"Le président ukrainien Limoges deux de ses collaborateurs"
Re: Les faux amis du vocabulaire français
Encore une blague de correcteur automatique, assortie d'un manque de relecture.
Cela dit, Limoges et limoger ne sont pas tout à fait des faux amis ; ils sont parents !
Cela dit, Limoges et limoger ne sont pas tout à fait des faux amis ; ils sont parents !
- Perkele
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Re: Les faux amis du vocabulaire français
Et je ne suis pas entièrement convaincue que, traditionnellement, dans cette région du monde, ce soit à Limoges qu'on assignait à résidence les hauts fonctionnaires démis de leur fonction.
On les tchernobylisait, peut-être ?
On les tchernobylisait, peut-être ?
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Re: Les faux amis du vocabulaire français
Il s'agit moins d'une tradition que d'un événement ponctuel qui a suffi pour créer le néologisme :
https://www.cnrtl.fr/definition/limoger ... n%C3%A9ral.Étymol. et Hist. 1916 (340einf., août ds Esn. Poilu); 1922 (Proust, Temps retr., p. 733); 1934 subst. limogé « celui qui a été limogé » (L. Daudet, loc. cit.). Dér. de Limoges, ville du centre de la France, où le généralissime Joffre assigna à résidence les officiers d'état-major qu'il avait relevés de leur commandement au début de la première guerre mondiale (v. Esnault, Notes compl. Poilu).
- Perkele
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Re: Les faux amis du vocabulaire français
Vous avez raison !
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Re: Les faux amis du vocabulaire français
J'ai proposé en privé voici une vingtaine d'années à un conseiller municipal de Limoges la création d'un musée des généraux limogés. Il a cru à une plaisanterie de mauvais goût.
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- Inscription : mer. 04 sept. 2024, 16:01
Re: Les faux amis du vocabulaire français
Salut !
Alors, sur cette histoire de « joie pure et sans mélange », ça me rappelle tous ces petits trésors de la langue qu’on utilise sans trop se poser de questions ! Perso, j’aime bien imaginer que cette expression appuie justement la force du ressenti, comme une joie si intense qu’elle éclipse tout le reste – un truc pur dans le sens de « sans parasite », si vous voyez ce que je veux dire ! Et quand on parle de Mme de La Fayette, c’est sûr qu’elle devait bien peser chaque mot… L’expression semble effectivement plus poétique qu'un simple pléonasme, comme si le « sans mélange » venait en écho pour ajouter une sorte d’éclat à cette joie.
Alors, sur cette histoire de « joie pure et sans mélange », ça me rappelle tous ces petits trésors de la langue qu’on utilise sans trop se poser de questions ! Perso, j’aime bien imaginer que cette expression appuie justement la force du ressenti, comme une joie si intense qu’elle éclipse tout le reste – un truc pur dans le sens de « sans parasite », si vous voyez ce que je veux dire ! Et quand on parle de Mme de La Fayette, c’est sûr qu’elle devait bien peser chaque mot… L’expression semble effectivement plus poétique qu'un simple pléonasme, comme si le « sans mélange » venait en écho pour ajouter une sorte d’éclat à cette joie.
- Perkele
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Re: Les faux amis du vocabulaire français
Bienvenue Louisachyra ![[sourire] :)](./images/smilies/icon_smile.gif)
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Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
- Uranie
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Re: Les faux amis du vocabulaire français
Entièrement d'accord avec cette analyse que je trouve subtile.Louisachyra a écrit : ↑jeu. 31 oct. 2024, 21:35 Alors, sur cette histoire de « joie pure et sans mélange », ça me rappelle tous ces petits trésors de la langue qu’on utilise sans trop se poser de questions ! Perso, j’aime bien imaginer que cette expression appuie justement la force du ressenti, comme une joie si intense qu’elle éclipse tout le reste – un truc pur dans le sens de « sans parasite », si vous voyez ce que je veux dire ! Et quand on parle de Mme de La Fayette, c’est sûr qu’elle devait bien peser chaque mot… L’expression semble effectivement plus poétique qu'un simple pléonasme, comme si le « sans mélange » venait en écho pour ajouter une sorte d’éclat à cette joie.
"Les exceptions à la règle sont la féerie de l'existence." (Marcel Proust)
"Connaître sert beaucoup pour inventer." (Mme de Staël)
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