Effacer un tableau
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Effacer un tableau
Quelqu'un qui s'est fait une réputation en participant à des jeux télévisés portant sur les mots et la langue dénonce une formule en usage dans les établissements d'enseignement, où l'on parle d'effacer le tableau.
D'après son raisonnement, auquel j'ai adhéré pendant bien des années, ce n'est pas le tableau qu'on efface mais ce qui est écrit dessus : ce tableau, on le nettoie.
J'ai récemment découvert la rhétorique et suis tombé sur le chapitre métonymie (metônumia, « changement de nom»). Il y est dit que le phénomène, entre autres formes, permet de prendre le contenant pour le contenu, lorsqu'on dit « J'ai fini mon assiette », « Nous avons bu une bouteille de soda », « Il a utilisé tout le pot de peinture ». C'est évidemment le contenu de l'assiette, de la bouteille ou du pot qui est en cause, et non le récipient. La métonymie permet quantité d'autres transferts de nom sur lesquels je passe. Je pense donc qu'elle autorise ce même transfert dans le cas évoqué, pour dire qu'on a effacé un tableau.
D'après son raisonnement, auquel j'ai adhéré pendant bien des années, ce n'est pas le tableau qu'on efface mais ce qui est écrit dessus : ce tableau, on le nettoie.
J'ai récemment découvert la rhétorique et suis tombé sur le chapitre métonymie (metônumia, « changement de nom»). Il y est dit que le phénomène, entre autres formes, permet de prendre le contenant pour le contenu, lorsqu'on dit « J'ai fini mon assiette », « Nous avons bu une bouteille de soda », « Il a utilisé tout le pot de peinture ». C'est évidemment le contenu de l'assiette, de la bouteille ou du pot qui est en cause, et non le récipient. La métonymie permet quantité d'autres transferts de nom sur lesquels je passe. Je pense donc qu'elle autorise ce même transfert dans le cas évoqué, pour dire qu'on a effacé un tableau.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Klausinski
- Messages : 1295
- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
- Localisation : Aude
La métonymie est une des façons qu'ont les langues d'évoluer. On cite souvent l'exemple du mot bureau. Voici ce qu'en dit Wikipédia :
Ainsi, le mot bureau a évolué par métonymie, de la pièce de bure au meuble qu'elle couvrait, puis à la pièce contenant ce meuble (métonymie-synecdoque). Aujourd'hui, nul ne songe à la bure quand il entend parler d'un bureau.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Cet exemple caractéristique du bureau nous avait été donné à l'école primaire, et m'est toujours resté. Toutefois, je ne verrais pas là une métonymie, mais plutôt un phénomène de contamination, comme celui qui, partant de la colline de l'Aréopage, a fait donner ce nom à l'ensemble des membres du tribunal qui y siégeait. Mais après tout, la métonymie ne serait-elle pas cousine de la contamination ? La rhétorique la définit ainsi : attirance exercée par un terme sur un autre auquel il est associé. Il y a semble-t-il une parenté certaine.
Donc, vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'on « efface » bien le tableau.
Donc, vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'on « efface » bien le tableau.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Klausinski
- Messages : 1295
- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
- Localisation : Aude
Je suis tout à fait d'accord. On efface le tableau, on noircit un cahier, on boit un verre, on traîne ses guêtres, on voit des « voiles au loin descendant vers Harfleur », etc. etc.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
- Claude
- Messages : 9173
- Inscription : sam. 24 sept. 2005, 8:38
- Localisation : Décédé le 24 août 2022. Humour et diplomatie. Il était notre archiviste en chef.
Ne m'en veuillez pas mais il s'agit là d'une synecdoque et non d'une métonymieKlausinski a écrit :...on voit des « voiles au loin descendant vers Harfleur »
![[clin d'oeil] :wink:](./images/smilies/icon_wink.gif)
![[idée] :idea:](./images/smilies/icon_idea.gif)
Pour être franc, en cherchant des exemples de métonymie, je suis tombé sur ceci, dernier alinéa avant les exemples.
Je ne suis pas sûr de mémoriser très longtemps cette figure de rhétorique
![[pleure] :cry:](./images/smilies/icon_cry.gif)
- Klausinski
- Messages : 1295
- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
- Localisation : Aude
Ah ! Je n'ai pas dit qu'il s'agissait également de métonymie, mais je citais des exemples de ce que Jacques appelle la contamination. Du reste, je ne suis pas vraiment d'accord avec l'article de Wikipédia. Pour moi, la synecdoque est une sous-partie de la métonymie et ne lui est donc pas opposée.
La chose est expliquée en détails ici :
http://abardel.free.fr/glossaire_stylis ... cdoque.htm
La chose est expliquée en détails ici :
http://abardel.free.fr/glossaire_stylis ... cdoque.htm
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
- JR
- Messages : 1301
- Inscription : mer. 29 nov. 2006, 16:35
- Localisation : Sénart (décédé le 15 mai 2013)
- Contact :
Et ce n'est pas tout !Klausinski a écrit :Ainsi, le mot bureau a évolué par métonymie, de la pièce de bure au meuble qu'elle couvrait, puis à la pièce contenant ce meuble (métonymie-synecdoque). Aujourd'hui, nul ne songe à la bure quand il entend parler d'un bureau.
Le "bureau", c'est aussi un groupe de gens dirigeant une association.
Dans une prochaine association que je créerai, je demanderai aux membres du bureau de porter une robe de bure : ainsi, la boucle sera bouclée.
L’ignorance est mère de tous les maux.
François Rabelais
François Rabelais
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Chapeau ! la synecdoque est bien un cas de métonymie, qui fait prendre une partie pour un tout. L'exemple typique est celui, justement, de l'expression « faire de la voile », en réalité du bateau à voile. On la classe en rhétorique dans les figures de contigüité : les cuivres pour les ustensiles de cuisine ou les instruments de musique en cuivre, les flots pour une étendue d'eau, la mer, l'océan *, trouver un toit pour trouver une maison...Claude a écrit :Ne m'en veuillez pas mais il s'agit là d'une synecdoque et non d'une métonymieKlausinski a écrit :...on voit des « voiles au loin descendant vers Harfleur ». Je vous épate, hein ?
![]()
* Revenons à Victor Hugo déjà cité avec Oceano nox :
L'ouragan de leur vie a pris toutes les pages,
Et d'un souffle il a tout dispersé sur les flots.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Klausinski
- Messages : 1295
- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
- Localisation : Aude
Mais vous avez bien débusqué le mot de l'année, Claude, puisque vous nous poussez tous à nous interroger dessus.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Ah bien voilà qui me fait plaisir. On ne peut remettre en cause la qualité de ce vaste réservoir de connaissances, mais en ce qui concerne la langue proprement dite, nous devrions nous montrer circonspects et nous tourner davantage vers les spécialistes reconnus. Pour ma part j'en ai deux qui ont ma préférence, le Bordas des difficultés, et le Dictionnaire historique de la langue française de Robert. N'excluons quand même ni Littré, ni l'Académie, voire le TLF, mais à des titres différents.Claude a écrit :Vous êtes bien aimable !
Je crois que Jacques a raison quand il dit que Wikipédia a surtout une vocation encyclopédique.Klausinski a écrit :...Du reste, je ne suis pas vraiment d'accord avec l'article de Wikipédia.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Métonymie
Bonjour,Jacques a écrit :Cet exemple caractéristique du bureau nous avait été donné à l'école primaire, et m'est toujours resté. Toutefois, je ne verrais pas là une métonymie, mais plutôt un phénomène de contamination, comme celui qui, partant de la colline de l'Aréopage, a fait donner ce nom à l'ensemble des membres du tribunal qui y siégeait. Mais après tout, la métonymie ne serait-elle pas cousine de la contamination ? La rhétorique la définit ainsi : attirance exercée par un terme sur un autre auquel il est associé. Il y a semble-t-il une parenté certaine.
Donc, vous êtes d'accord avec moi pour dire qu'on « efface » bien le tableau.
Quant à une utilisation de ce genre de figure de style pour rendre, dans un contexte particulier, un texte plus riche et plus recherché, je suis d'accord. Néanmoins, dans les exemples que, plus haut cités j'ai vu citer, je ne le suis plus, si cela devient courant j'entends.
Je pense qu'il est plus clair, plus simple de laisser les choses telles qu'elles sont, où telles qu'elles doivent l'être. Ainsi, je n'aime pas du tout boire un verre, mais j'aime boire de l'eau qui, sera bue dans un verre car c'est plus civilisé dirons-nous...
C'est un compromis à la logique de la langue que nous faisons-là ! en agissant de la sorte, et à toute sa clarté tant défendue.
En sortant de la métonymie, je constate ailleurs des expressions devenues courantes qui me posent problèmes, et ce pour une raison simple, c'est que l'on peut être en présence d'une phrase identique, mais, qui dans différents contextes voudra dire la même chose : ça favorise les distorsions cognitives * que je haïs tant ! C'est pour cela par exemple - bien que je ne le fais pas - que je pourrais dire : « je regarde une émission de télévision ( en pouvant ajouter son titre ) », ce qui, pour moi ne sera pas pareil que de regarder la télévision, ou l'écran de télévision... L'exemple ici peut prêter à sourire, car il ne semble pas engager à première vue de contraintes graves, mais dans d'autres exemples, que je n'ai pas en tête, ce peut être tout à fait différent.
Donc pour finir. La langue est précise, son usage tout autant ; ce sont, je pense, ces petites choses qui accumulées lui font perdre tout sa finesse et sa subtilité tant apprécié des amoureux de la rhétorique.
* Terme utilisé pour désigner cette problématique quand ce que dit le locuteur est mal interprété par l'interlocuteur.
- Perkele
- Messages : 12915
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
- Localisation : Deuxième à droite après le feu
Re: Métonymie
En l'occurrence, je considère toujours que c'est moi qui me suis mal exprimée. :DAbinitio a écrit : ...quand ce que dit le locuteur est mal interprété par l'interlocuteur.
Bienvenue Abinitio !
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.