Le pot au lait
Le pot au lait
Que pensez-vous des liaisons dans les expressions incluant le mot « Pot » ?
- Pour certaines, il me semble qu’elles ne peuvent se passer de liaison :
« Pot au feu », « Pot au lait »… je suppose que cela est dû à la succession du son « O » qui demande une liaison pour faciliter la prononciation et la compréhension.
- Pour la plupart, cela me semble délicat :
« Pot à crayons », « Pot à fleur », « Pot à confiture »
- Et pour d’autres, cela me semble inconcevable :
« Pot à Tisane » ou mieux « Pot à thé »
Pourtant, ces expressions ne devraient-elles pas être régies par la même règle de prononciation, puisqu’elles ont la même construction ?
- Pour certaines, il me semble qu’elles ne peuvent se passer de liaison :
« Pot au feu », « Pot au lait »… je suppose que cela est dû à la succession du son « O » qui demande une liaison pour faciliter la prononciation et la compréhension.
- Pour la plupart, cela me semble délicat :
« Pot à crayons », « Pot à fleur », « Pot à confiture »
- Et pour d’autres, cela me semble inconcevable :
« Pot à Tisane » ou mieux « Pot à thé »
Pourtant, ces expressions ne devraient-elles pas être régies par la même règle de prononciation, puisqu’elles ont la même construction ?
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Pot à crayons, pot à confitures etc. sont des créations éphémères, que l'on invente pour exprimer un état, un fait...
Pot-au-feu et pot au lait sont des noms composés, le premier avec des traits d'union, le second sans. C'est probablement ce « bloc sémantique » qui a fait que l'usage leur applique la liaison. Mais vous avez peut-être aussi raison d'émettre cette hypothèse avec le son O, la liaison empêche alors le hiatus et facilite la prononciation.
Je n'affirme rien, ce sont juste des suppositions qui me semblent logiques.
Pot-au-feu et pot au lait sont des noms composés, le premier avec des traits d'union, le second sans. C'est probablement ce « bloc sémantique » qui a fait que l'usage leur applique la liaison. Mais vous avez peut-être aussi raison d'émettre cette hypothèse avec le son O, la liaison empêche alors le hiatus et facilite la prononciation.
Je n'affirme rien, ce sont juste des suppositions qui me semblent logiques.
Dernière modification par Jacques le lun. 07 janv. 2008, 9:41, modifié 1 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Hélas ! Et en revanche, on en met là où il n'en faut pas : un nandicapé, les zandicapés par exemple.
Le mal n'est pas nouveau. Aux environs de 1960, un chansonnier, Pierre-Jean Vaillard, avait déjà fait remarquer ce phénomène, et conçu un texte où il accumulait ces fautes de non-liaison si je puis dire :
« Quand 'on 'est 'amoureux, on 'a en soi deux 'hommes ; quand 'on 'aime on 'est fort et on 'est un 'enfant ; on 'est même plus 'enfant qu'un 'enfant de dix 'ans, ça saute aux 'yeux en somme... »
Le mal n'est pas nouveau. Aux environs de 1960, un chansonnier, Pierre-Jean Vaillard, avait déjà fait remarquer ce phénomène, et conçu un texte où il accumulait ces fautes de non-liaison si je puis dire :
« Quand 'on 'est 'amoureux, on 'a en soi deux 'hommes ; quand 'on 'aime on 'est fort et on 'est un 'enfant ; on 'est même plus 'enfant qu'un 'enfant de dix 'ans, ça saute aux 'yeux en somme... »
Dernière modification par Jacques le sam. 12 janv. 2008, 12:28, modifié 1 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Cela me fait penser à un texte humoristique du duo Chevalier-Laspales. A la différence du chansonnier que vous évoquez, ces comiques se sont amusés à appuyer une liaison que l'on pourrait qualifier de dérangeante pour l'oreille.
"On en a chacun un"
Les deux premières sont habituelles ; mais ils usent de la dernière, plus imprévue, pour combler une bonne minute de leur sketch (chacun n'un).
Je crois que la plaisanterie populaire joue définitivement un rôle dans nos hésitations et nos possibles erreurs de langage, à l'écrit comme à l'oral..
Mais comme le souligne Perkele, il m'est déjà arrivé de parler en omettant volontairement une liaison pourtant légitime, pour la seule raison de vouloir être bien compris de mon interlocuteur et de ne pas prêter à rire.
"On en a chacun un"
Les deux premières sont habituelles ; mais ils usent de la dernière, plus imprévue, pour combler une bonne minute de leur sketch (chacun n'un).
Je crois que la plaisanterie populaire joue définitivement un rôle dans nos hésitations et nos possibles erreurs de langage, à l'écrit comme à l'oral..
Mais comme le souligne Perkele, il m'est déjà arrivé de parler en omettant volontairement une liaison pourtant légitime, pour la seule raison de vouloir être bien compris de mon interlocuteur et de ne pas prêter à rire.
- Klausinski
- Messages : 1295
- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
- Localisation : Aude
Pour continuer avec les textes amusants, il existe une chanson de Jérémie Kisling qui va jusqu'à l'absence d'élision, absence qui semble refléter la maladesse et la timidité du personnage dans ses relations amoureuses.
Parfois je la épouse en rêve
De le bout de les doigts
Je la enlève
Mais quand mes mains sont proches de les siennes
Mes mains de ours
Je ai la allure de une baleine,
De une baleine de eau douce.
Parfois je la épouse en rêve
De le bout de les doigts
Je la enlève
Mais quand mes mains sont proches de les siennes
Mes mains de ours
Je ai la allure de une baleine,
De une baleine de eau douce.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
Avec cette discussion, voilà que j'en viens à penser à Rimbaud et son poème tant connu "Ma bohème" et ce vers tout aussi fameux :
"Mon paletot aussi devenait idéal"
Je n'ai pas étudié ce poème.
Ainsi, je me demande si la liaison entre les deux mots en gras fut choisie par le poète, puisqu’elle n’est pas des plus harmonieuses ? Ou bien est-ce une négligence clairement affichée ? Je n'ose croire à un effet de style.
"Mon paletot aussi devenait idéal"
Je n'ai pas étudié ce poème.
Ainsi, je me demande si la liaison entre les deux mots en gras fut choisie par le poète, puisqu’elle n’est pas des plus harmonieuses ? Ou bien est-ce une négligence clairement affichée ? Je n'ose croire à un effet de style.
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Normalement, il me semble qu'on ne fait pas de liaison après paletot, d'autant qu'il y a là un effet des moins euphonique avec ce « to-to ». Mais si on ne la fait pas, on tombe dans un hiatus assez désagréable. Notre poète ardennais aurait dû se méfier de cette chausse-trape et construire son vers autrement.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Rimbaud connaissait très bien la prosodie classique et dans Ma Bohème il s’en distancie volontairement. Voyez également la coexistence, dans ce sonnet, de termes familiers (crevées, paletot, culotte, élastiques, souliers, pied) et nobles (féal, amours splendides, Muse, lyre, cœur). Les enjambements et de nombreux effets de rupture soulignent ici l’idée du voyage vers l’ailleurs, voyage symbolique vers de nouveaux horizons poétiques.
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Mais que pensez-vous de cette liaison ou de ce hiatus avec paletot ? Que l'on choisisse l'un ou l'autre, il y a quelque chose qui heurte l'oreille. Croyez-vous que l'allitération due à la liaison apporte ici une harmonie euphonique ? Elle prête surtout à rire.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
C'est ce que j'entendais par négligence clairement affichée, car je ne doute pas de l'érudition de Rimbaud. Votre remarque sur le mélange de mots familiers et soutenus est intéressante, et la notion de voyage poétique, qui fait votre conclusion, laisse songeur.Marco a écrit :Rimbaud connaissait très bien la prosodie classique et dans Ma Bohème il s’en distancie volontairement.
Pour ce qui est de la liaison "paletot aussi", j'ai entendu plusieurs lectures de ce poème, avec et sans la liaison. A choisir, j'avoue préférer la liaison, aussi étrange soit-elle...
C’est justement le but, la naïveté « calculée » de certaines images, la fraîcheur, la fantaisie des errances de l’adolescent. Cette liaison est une sorte de touche d’humour ; Rimbaud ne voulait pas d’un vers classique calibré et parfait, et ce n’est pas la seule dérogation à la prosodie traditionnelle (par exemple la coupe inusuelle de l’alexandrin au vers 3). C’est peut-être aussi une allusion au monde enfantin. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’un choix médité : rien n’est laissé au hasard.
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
En somme, vous voulez souligner que Rimbaud a volontairement placé cette sorte d'équivoque euphonique par une volonté humoristique. D'autres auteurs, et non des moindres, ont placé çà et là dans leurs œuvres des facéties, parfois même un peu lestes ou carrément salaces.
Nous avions déjà évoqué ici l'astuce de Hugo dans Booz endormi, où il fabrique un nom biblique pour trouver une rime qui lui faisait défaut :
Tout reposait dans Ur et dans Jerimadeh
...............................................
Brillant à l'occident, et Ruth se demandait
...............................................
Mais combien de lecteurs ont découvert le clin d'œil : Jerimadeh = j'ai rime à dait ?
N'oublions pas aussi que c'est à Vaugelas que nous devons ceci :
J'appelle un chat un chat, et Rollet un fripon. Et là on frôle le pornographique.
Nous avions déjà évoqué ici l'astuce de Hugo dans Booz endormi, où il fabrique un nom biblique pour trouver une rime qui lui faisait défaut :
Tout reposait dans Ur et dans Jerimadeh
...............................................
Brillant à l'occident, et Ruth se demandait
...............................................
Mais combien de lecteurs ont découvert le clin d'œil : Jerimadeh = j'ai rime à dait ?
N'oublions pas aussi que c'est à Vaugelas que nous devons ceci :
J'appelle un chat un chat, et Rollet un fripon. Et là on frôle le pornographique.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Je me permets d'insérer le poème pour une meilleur visualisation
Ma bohème
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !
Marco, la coupe particulière de certains vers est effectivement frappante. L'avant-dernier n'est pas mal non plus dans le genre désarticulé. Les sentiments de jeunesse et de vagabondage sont bien restitués par cette écriture typique.
Ma bohème
Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh ! là ! là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !
Mon unique culotte avait un large trou.
- Petit-Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse.
- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou
Et je les écoutais, assis au bord des routes,
Ces bons soirs de septembre où je sentais des gouttes
De rosée à mon front, comme un vin de vigueur ;
Où, rimant au milieu des ombres fantastiques,
Comme des lyres, je tirais les élastiques
De mes souliers blessés, un pied près de mon coeur !
Marco, la coupe particulière de certains vers est effectivement frappante. L'avant-dernier n'est pas mal non plus dans le genre désarticulé. Les sentiments de jeunesse et de vagabondage sont bien restitués par cette écriture typique.