J’ignorais que la règle générale avec ‘avoir’ avait été carrément inventée… Pour ce qui est de l’italien, ce n’est pas tout à fait exact : s’il est vrai que par le passé l’accord était fréquent lorsque le COD précède, il est aussi vrai que cela n’a jamais vraiment constitué une règle rigide : il s’accordait aussi lorsque le COD était placé après (il a toujours régné une grande liberté en la matière). Quant à aujourd’hui, l’accord avec le COD antéposé est extrêmement littéraire, pour ne pas dire suranné.Des règles peu respectées
Même dans les cas où l’accord en genre apparaît à l’oral, on observe fréquemment, dans la langue contemporaine, que les règles n’en sont pas observées, notamment pour l’accord du participe passé avec un complément d’objet direct antéposé. On entend très souvent : *les règles que nous avons enfreint ou *les fautes que nous avons commis, au lieu des formes régulières enfreintes et commises.
Une règle artificielle
La règle de l’accord du participe passé avec le complément d’objet direct antéposé est l’une des plus artificielles de la langue française. On peut en dater avec précision l’introduction ; c’est le poète Clément Marot qui l’a formulée en 1538. Marot prenait pour exemple la langue italienne, qui a, depuis, partiellement renoncé à cette règle.
Un problème politique ?
Il s’en est fallu de peu que la règle instituée par Marot ne fût abolie par le pouvoir politique. En 1900, un ministre de l’Instruction publique courageux, Georges Leygues, publia un arrêté qui « tolérait » l’absence d’accord. Mais la pression de l’Académie fut telle que le ministre fut obligé de remplacer son arrêté par un autre texte qui, publié en 1901, supprime la tolérance de l’absence d’accord, sauf dans le cas où le participe est suivi d’un infinitif ou d’un participe présent ou passé : les cochons sauvages que l’on a trouvé ou trouvés errant dans les bois.
Ces gens qui inventèrent certaines règles eussent mieux fait de se taire et de laisser l’usage se régler tout seul, en énonçant une norme qui fût le fruit réel de la tendance évolutive de la langue.