L'abandon de la forme interrogative

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Invité

L'abandon de la forme interrogative

Message par Invité »

Dans le prolongement de la "maladie du est-ce-que", on ne peut que constater dans le langage parlé de nos contemporains l'abandon total de toute forme interrogative classique avec une avalanche de :
tu vas où ? tu fais quoi ? etc...
Il est vrai qu'une langue évolue dans le temps mais n'est-ce point là une forme de décadence grammaticale largement répandue ?
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Perkele
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Message par Perkele »

"Tamalou" n'est pas mal non plus, dans le même genre. :D
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Il ne s'agit pas là d'une évolution, mais d'une régression, d'un appauvrissement. Je ressens une certaine affliction à dresser ce triste constat, comme toutes les personnes tant soit peu respectueuses de la langue.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Message par Invité »

Oui mais qu'entend-on par "respect" ?
Doit-on décider qu'à partir d'un moment t dans le temps, il sera interdit à une langue d'évoluer ?
J'ai bien peur que le français soit condamné dans ce cas.
Aussi chère me soit-elle, j'ai bien conscience que cette langue est très difficile à maîtriser et exclut, dans sa forme actuelle, une part croissante de ses locuteurs supposés...
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Jacques
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Message par Jacques »

C'est effectivement une langue complexe, et pour ma part je ne prétends pas la maîtriser parfaitement, loin de là. Mais l'abandon de la forme négative n'est pas une évolution. La forme négative existe dans les autres langues. Il est vrai qu'en anglais et en allemand, par exemple, elle se passe de NE, et se construit avec la forme affirmative à laquelle on ajoute un mot de négation : ich habe / I have = j'ai. Ich habe nicht / I have not = je n'ai pas. La double négation est propre au français, et dire « j'ai pas » est un popularisme considéré comme fautif. Jadis on disait facilement « je n'ai » ; s'il fallait en revenir à la négation simple, c'est cette forme qu'il faudrait adopter : observez une autre langue latine, l'espagnol ; on dit no tengo, no soy, no comprendo.
Conclusion : si l'on doit supprimer une des deux négations, c'est la seconde et non la première. L'évolution ne peut se faire de façon anarchique.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Message par Invité »

Je ne suis pas d'accord, Jac, car si en effet le raccourci négatif avait tendance à se faire avec la première négation,
ce qui était nettement plus joli à entendre, je l'accorde, elle manquait d'expressivité, et c'ets selon moi pour cela qu'elle a dégénéré :
"ne" n'est capable d'aucune variation sémantique, alors qu'aujourd'hui, on perçoit les nuances en disant :
"je suis plus là*, je suis pas là*, je suis rien*",
précisément parce que la grammaire a rangé tous les types de négation dans le même tiroir.
D'où l'utilisation de la seconde négation et non de la première, pour marquer la nuance.

Malgré tout, il me semble que le sujet était lancé sur l'oubli à l'oral de la post-position du sujet attribuée à l'interrogation, non ? ;)
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Jacques
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Message par Jacques »

Vos arguments méritent d'être pris en compte. Cependant notez que la première négation utilisée seule est plus élégante que la seconde. Attention, rien n'a pas une valeur négative. Rien signifie quelque chose, dans de nombreuses constructions comme : des petits riens où il est substantif – avez-vous jamais rien vu de tel ? = avez-vous déjà vu quelque chose de tel ? Je suis incapable de rien vous dire (de vous dire quelque chose)... C'est justement son association avec la première négation qui le rend négatif : Robert le définit comme « un auxiliaire de ne dans les phrases négatives ». Il n'est donc pas négation par sa valeur propre.
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Message par Invité »

quand il est dit pas Independant
l'abandon total de toute forme interrogative

je dirais plutôt, au contraire, qu'elle a tendance à se multiplier

exemple
1- Où vas-tu? (1ère forme classique)
2- Où tu vas?
3- Où est-ce que tu vas?
4- Tu vas où?

Hypothèse: Le langage parlé est très riche en possibilités. En fait ce qui compte c'est l'intonation. L'inflexion de la voix qui s'élève dans l'aigu dans la fin de phrase, c'est elle qui marque l'interrogation, l'étonnement, la question.
En fait à l'oral n'importe quelle phrase peut devenir interogative, il suffit de bien la prononcer.
Par horreur de la redondance, la langue va conserver qu'une seule marque d'interrogation, celle qui chante. Et voilà pourquoi l'inversion sujet verbe n'est plus nécessaire et donc s'omet.
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Jacques
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Message par Jacques »

amourdedelicetorgue nous fournit une réponse qui éclaire un aspect de la question. Je voudrais plus directement répondre, Lazi, à vos objections concernant les prétendues variantes de PAS : j'ai expliqué que rien est un mot positif, il en est de même pour plus. Plus est un adverbe synonyme de davantage, une quantité supérieure. Robert nous explique qu'il est comparatif quand il est précédé de pas, non, ne, avec valeur négative : quand vous dites elle n'est plus là, cela équivaut à elle n'est désormais pas là (littéralement elle n'est pas davantage là) ; je n'en peux plus, avec le verbe sous-entendu, je n'en peux [faire] plus ; nous n'avons plus de pain, nous n'avons désormais pas de pain.
Plus n'est jamais substitué à pas, simplement cette seconde négation pas est supprimée, nous en revenons à la forme ancienne avec la négation simple, la première, le NE.
Il n'y a donc aucune variante de PAS.
Il est exact que, dans les langues germaniques, ich bin nicht (en allemand), I am not (en anglais), jag är inte (en suédois) se traduit littéralement par « je suis pas ». Mais la conception syntaxique et, j'oserais dire, l'esprit de la langue ne se conçoivent pas de la même manière que dans nos langues latines : l'espagnol utilise la première négation, l'italien je pense aussi (Marco, Arianna ?), le français faisait de même avant l'apparition de la double négation.
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Perkele
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Message par Perkele »

Dans leurs livres d'école (français langue étrangère) mes petites filles apprennent des tournures telles que : j'ai plus faim ; il est pas venu ; nous sommes pas habillés...
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Anonyme

Message par Anonyme »

Ayant seulement survolé rapidement ce fil, je n'ai pas très bien saisi pourquoi on est passé d'une question sur les formes interrogatives à un débat sur la négation avec ou sans ses deux composantes.

Entendu récemment dans la bouche d'un présentateur du "J.T." : Est-ce que la question est-elle pas de... Belle synthèse des deux problèmes !!!
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Claude
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Message par Claude »

Vous me faites penser à Coluche dans son sketche : « Alors ! Est-ce que le schmilblick est-il vert ? »
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Jacques
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Message par Jacques »

Coluche avait simplement parodié les tics des personnes qui venaient poser les questions. C'était pareil dans l'émission du même genre, La Chose : est-ce que la choses est-elle ronde ?
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Claude
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Message par Claude »

La Chose... Oh oui ! Nostalgie quand tu reviens...
Ensuite il y a eu le Tirlipot, verbe à découvrir ; c'était sur la même station radiophonique, à la même heure que la Chose et présentée par le même animateur et son même remplaçant.
STOP ! J'arrête ma digression. (merci à tous de m'avoir écouté :lol: )
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Pour revenir à l'interrogation et à la perversion de sa forme classique, je voudrais soulever le problème de l'interrogation indirecte ; on entend de plus en plus, dans la bouche de certains jeunes, la forme de l'interrogation directe sans inversion intégrée à la subordonnée ; par exemple :
- interrogation directe « il fait quoi ? »
- interrogation indirecte « je sais pas il fait quoi »
C'est évidemment une tendance simplificatrice, une créolisation de la langue, mais je trouve ça particulièrement hideux.
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