dû, due

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Bernard_M
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dû, due

Message par Bernard_M »

Si les règles que j'ai apprises n'ont pas changé et si je ne commets pas d'erreur, Devoir (mais non redevoir), mouvoir (mais non émouvoir, ni même promouvoir) ont pour participes passés respectifs dû et ayant dû, et mû et ayant mû (mais pour le féminin et le pluriel, on écrira due, dus, dues et mue, mus, mues).
En examinant ces deux participes passés, il me vient deux questions pour lesquelles ma grammaire ne me donne aucune indication :
  1. Quelle est l'explication de l'accent circonflexe sur dû et sur mû, alors que pour des verbes comme savoir ou voir, aucun accent ne vient embellir le participe passé ?
  2. D'autres verbes présentent-ils cette particularité ?
Et puisque l'on parlait récemment de paradoxe, en voici un auquel les observations précédentes me font penser.
- Dis-donc, Denis, à Noël, cette dinde-t'est-elle due ?
- Oui ! A Noël, un tel don est un dû !
- Indu ? un tel don ? Est indu ce qui n'est pas dû. Donc si cette dinde est indue, elle te vient cependant d'un don dû !
:wink:
Dernière modification par Bernard_M le sam. 05 sept. 2009, 18:40, modifié 1 fois.
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Perkele
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Message par Perkele »

:? ça marche moins bien quand on ne prononce pas les UN comme les IN...
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Marco
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Re: dû, due

Message par Marco »

Bernard_M a écrit :Quelle est l'explication de l'accent circonflexe sur dû et sur mû, alors que pour des verbes comme savoir ou voir, aucun accent ne vient embellir le participe passé ?
En ce qui concerne , le circonflexe sert à distinguer le participe passé de l’article partitif ou de la préposition articulée (acheter du pain, etc.) ; dès le moment où suit un ‘e’ ou un ‘s’, la distinction n’a plus raison d’être et le circonflexe disparaît. Sans doute que l’on peut appliquer le même raisonnement à mû/mu (lettre grecque). Il y a aussi cru de croire et crû de croître.
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Jacques
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Message par Jacques »

Permettez-moi une légère correction : cette dinde t'est-elle due ?
Pour l'accent, voici ce que j'ai trouvé dans la première édition du Dictionnaire de l'Académie (1694) :

Deu, ou Dû, üe. part.
On dit prov. Chose promise est chose dûë.
. s. m. Ce qui est dû. Je redemande mon dû. j'ay fait saisir sa terre pour la seureté de mon dû.
Il sign. aussi, Le devoir, ce à quoy on est obligé. C'est le dû de ma charge. pour le dû de ma conscience.
Dûement. adv. D'une maniere convenable à ce qui se doit, selon la raison, selon les formes. Il a esté dûement adverti. il a esté dûement atteint & convaincu. cette procedure a esté bien dûement faite. il est bien & dûement pourveu de cette charge, de ce Benefice. Ne se dit guere qu'en Pratique.
Indeu, ou Indû, üe. adj. Qui est contre ce qu'on doit, contre la raison. A heure induë. induë vexation. N'est guere en usage qu'en ces deux phrases.

Il régnait déjà au XVIIe siècle une certaine confusion en matière d'accents. Et selon ce qu'explique Marco, il n'y avait pas de raison d'en mettre un à indu. Mais à l'époque l'orthographe n'était pas fixée.
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Marco
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Message par Marco »

Et la logique de la « distinction pour ne pas confondre » s’effondre (:D) avec plu, qui est indifféremment le participe passé de plaire et de pleuvoir... :roll:
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Jacques
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Message par Jacques »

Ce qui nous ramène au livre Zéro faute publié par François de Closets, journaliste à la Télévision française, qui s'est expliqué récemment devant l'un de ses confrères : lui qui eut tant de mal à assimiler l'orthographe dénonce l'anarchie et les stupidités de notre façon d'écrire ; il citait entre autres imbécile avec un seul L et imbécillité avec deux, qui ont d'ailleurs fait l'objet de régularisations en 1990, régularisations qui, comme toutes les tentatives de réforme, n'ont guère obtenu de succès.
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Bernard_M
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Re: dû, due

Message par Bernard_M »

Marco a écrit :[...] , le circonflexe sert à distinguer le participe passé de l’article partitif ou de la préposition articulée (acheter du pain, etc.)[...].
Je connais cette explication qui ne me satisfaisait qu'à moitié ; confondre un participe passé avec un article ou une proposition me surprend. Je pense qu'il y a peut-être une autre raison qui expliquerait, elle aussi, le circonflexe de mû.

A la lumière du message de 2:03 pm de Jacques, cela ne pourrait-il pas avoir pour origine le besoin de traduire le son "u" à partir de l'orthographe Deu ?
Jacques, n'y aurait-il pas, dans le dictionnaire de l'Académie (1694), les mêmes types d'orthographe pour Meu, Mû, üe ?
Jacques a écrit :Permettez-moi une légère correction : cette dinde t'est-elle due ?
Bien vu, Jacques ! Je corrige.
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Marco
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Message par Marco »

Dans Le bon usage (14ème édition, § 808 a, H2) il est dit :

Cet accent s’est perpétué jusqu’à nos jours pour éviter des homographies dans et crû, mais sans raison dans .

Il est précisé juste avant que ce circonflexe marquait la chute du ‘e’ dans les formes anciennes.
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

marco a écrit :Cet accent s’est perpétué jusqu’à nos jours pour éviter des homographies dans dû et crû
Là je suis d'accord. Il y a un risque de confusion entre les participes passés de croître et de croire, et l'accent pour éviter l'homographie est dûment autorisé.
Marco a écrit :[...] Il est précisé juste avant que ce circonflexe marquait la chute du ‘e’ dans les formes anciennes.
Eh bien, ce peut être là l'explication ...
En regardant à dûment dans mon Petit Robert, je lis : dûment (Deü, XIVe; de due, p.p.f. de devoir)
Dernière modification par Bernard_M le sam. 05 sept. 2009, 19:54, modifié 1 fois.
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Jacques
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Re: dû, due

Message par Jacques »

Bernard_M a écrit : Jacques, n'y aurait-il pas, dans le dictionnaire de l'Académie (1694), les mêmes types d'orthographe pour Meu, Mû, üe ?
La récolte est fort maigre, je n'ai que ceci :

Meu, üe. part. Il a les sig. de son verbe.
Nous ne sommes pas plus avancés, mais on peut supposer que l'accent circonflexe a été mis pour remplacer eu.
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Marco
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Message par Marco »

Sans « peut-être », puisque c’est la fonction du circonflexe de marquer la chute d’une lettre (ou, dans d’autres cas, la prononciation). Mais nous voyons bien, en définitive, le caractère en bonne partie arbitraire de l’orthographe, qui ne distingue pas Il a plu toute la nuit de Ce livre m’a plu.
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Bernard_M
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Message par Bernard_M »

Jacques, la récolte, bien que maigre, semble cependant bien confirmer la chute du «e» et son remplacement par le «^».
Merci à vous pour les recherches et à Marco pour les explications sur le rôle du circonflexe.
En conclusion, dans le cas qui nous intéresse, je retiens :
- le remplacement du e par le «^», qui devient en quelque sorte la bonne à tout faire en ayant remplaçé aussi le «s» (pâté, château, bête, chrême, puîné, huître, (*) hôpital, etc.) ,
- ainsi que l'arbitraire de l'orthographe comme le mentionne fort justement Marco.

(*) J'allais mettre pupitre : eh bien ! non. Bien qu'il vienne de pepistre (1467), il n'a pas eu droit au «^». L'arbitraire sans doute...
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Jacques
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Message par Jacques »

François de Closets a raison : notre orthographe est parsemée d'absurdités, et le seul moyen est d'apprendre par cœur puisqu'on ne peut dégager aucune règle, et que même lorsqu'il y en a il se trouve toujours quelque exception ; à l'école, nous récitions toujours : « Règle : ...... Exception(s) : xxxxxxxx ».
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Marco
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Message par Marco »

Pour pupitre, on peut encore comprendre l’absence de circonflexe, vu que c’est le latin pulpitum. La forme pepistre (de l’église) « meuble fait d’un plan incliné, propre à poser des livres; lutrin », datant de 1357, pourrait être due à une analogie avec registre ou alors être une forme régionale ; nous voyons que quelques années plus tard (1374) est attestée la forme pulpite, plus conforme au latin. (Informations tirées du TLFi.)

Toujours sur le circonflexe, mon nouveau Grevisse mentionne les formes et chez Racine… Ma foi, nous en revenons à ce que dit Jacques, l’orthographe est une convention pas toujours justifiable étymologiquement et, pour notre bonheur ou notre malheur – selon le point de vue –, difficile à modifier.
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