Les plusieurs
- Klausinski
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Les plusieurs
Dans la série : « je m’interroge sur des tournures qui m’ont toujours jusque-là semblé naturelles », l’expression « les plusieurs + substantif » vient de se signaler à mon esprit.
Apparemment, le moyen français pouvait dire « les plusieurs » pour « la plupart » mais ce n’est pas l’objet de ma question.
Il m’arrive quelquefois d’écrire « les plusieurs aspects de telle chose » pour « les nombreux aspects », et ce n’est qu’aujourd’hui que la formule me semble critiquable.
L’expression vous choque-t-elle ? Vous semble-t-elle d’un emploi familier, courant, littéraire ou vous paraît-elle tout à fait fautive ?
Apparemment, le moyen français pouvait dire « les plusieurs » pour « la plupart » mais ce n’est pas l’objet de ma question.
Il m’arrive quelquefois d’écrire « les plusieurs aspects de telle chose » pour « les nombreux aspects », et ce n’est qu’aujourd’hui que la formule me semble critiquable.
L’expression vous choque-t-elle ? Vous semble-t-elle d’un emploi familier, courant, littéraire ou vous paraît-elle tout à fait fautive ?
Dernière modification par Klausinski le dim. 09 août 2015, 16:56, modifié 1 fois.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
- Klausinski
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Vous avez raison : « les différents aspects » convient parfaitement. On pourrait également écrire : « les divers aspects ».
Ainsi j’employais, sans m’en rendre compte, une expression qui peut choquer, qui paraît ou qui est fautive.
J’ai trouvé quelque chose chez Grevisse, un simple exemple sans autre commentaire que « combinaison inusitée » :
« Il suffit d’écouter la poésie […] pour que s’y fasse entendre une polyphonie et que tout discours s’avère s’aligner sur les plusieurs portées d’une partition. » (Lacan, Écrits I, p. 261)
Cela dit, je n’ai jamais lu Lacan et je ne vois pas où j’ai pu emprunter une telle tournure.
Ainsi j’employais, sans m’en rendre compte, une expression qui peut choquer, qui paraît ou qui est fautive.
J’ai trouvé quelque chose chez Grevisse, un simple exemple sans autre commentaire que « combinaison inusitée » :
« Il suffit d’écouter la poésie […] pour que s’y fasse entendre une polyphonie et que tout discours s’avère s’aligner sur les plusieurs portées d’une partition. » (Lacan, Écrits I, p. 261)
Cela dit, je n’ai jamais lu Lacan et je ne vois pas où j’ai pu emprunter une telle tournure.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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- Klausinski
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Le lien fonctionne à condition que, une fois sur la page de Google, on clique, sur « chercher des livres ».
Je suis content, Marco, que vous ne trouviez pas l’expression choquante. Cependant, ce n’est pas sur l’expression archaïque « les plusieurs » (signifiant « la plupart ») que je m’interroge mais sur l’expression « les plusieurs » comme locution déterminative :
- les plusieurs moyens d’arriver
- les plusieurs significations
- les plusieurs aspects
Google livres donne bien des résultats, mais les exemples sont sujets à caution. J’aimerais au moins avoir l’autorité d’un bon auteur ou la condamnation d’un linguiste.
J’ai posé la question aux bibliothécaires de la BPI, ils ont un service dédié à ce genre de choses (l’Académie trancherait mais sans donner de justifications). Je vous tiendrai au courant. En attendant, je continue à chercher.
Je suis content, Marco, que vous ne trouviez pas l’expression choquante. Cependant, ce n’est pas sur l’expression archaïque « les plusieurs » (signifiant « la plupart ») que je m’interroge mais sur l’expression « les plusieurs » comme locution déterminative :
- les plusieurs moyens d’arriver
- les plusieurs significations
- les plusieurs aspects
Google livres donne bien des résultats, mais les exemples sont sujets à caution. J’aimerais au moins avoir l’autorité d’un bon auteur ou la condamnation d’un linguiste.
J’ai posé la question aux bibliothécaires de la BPI, ils ont un service dédié à ce genre de choses (l’Académie trancherait mais sans donner de justifications). Je vous tiendrai au courant. En attendant, je continue à chercher.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
Oui, Klausinski, j’avais bien compris ce sur quoi vous vous interrogez. J’essaie à nouveau de donner le lien précis, cette fois en partant de Google France : ici. Dans ce livre, il est également question de les plusieurs + N [=nom]. Mais ce tour n’a pas survécu…
- Klausinski
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Ah ! J’ai trouvé quelque chose sur Google Livres :
J’allais écrire : il est comme Théophile Gautier, il cherche les tours archaïsants mais corrects, il se soucie de la grammaire, — j’allais dire cela quand j’ai eu l’idée de chercher sur Google livres au nom de Théophile Gautier. Voici ce que j’en ai tiré. Dans une traduction de Heinrich Heine, il écrit :
« l nous montre clairement et distinctement, comme dans un panorama colossal, les plusieurs centaines de villes, bourgs et villages, situés pour la plupart au nord, et tout autour, les montagnes, les forêts, les rivières, les plaines à perte de vue […]»
EDIT : Oui, Marco. Le tour semble affecté et archaïsant. Mallarmé, de plus, n’est pas une autorité pour ce qui concerne la langue académique ; mais tout de même !…Mallarmé, dans sa correspondance, a écrit :Comprends donc mon silence : j’ai environ vingt lettres à écrire par mois, ou trente. Je les remets chaque jour ; ce sont des plaies qu’il faut rouvrir. Sans compter qu’une lettre me fait horreur de ma plume, et que je ne la reprends plus, pendant les plusieurs jours qui suivent, pour mes compositions littéraires.
J’allais écrire : il est comme Théophile Gautier, il cherche les tours archaïsants mais corrects, il se soucie de la grammaire, — j’allais dire cela quand j’ai eu l’idée de chercher sur Google livres au nom de Théophile Gautier. Voici ce que j’en ai tiré. Dans une traduction de Heinrich Heine, il écrit :
« l nous montre clairement et distinctement, comme dans un panorama colossal, les plusieurs centaines de villes, bourgs et villages, situés pour la plupart au nord, et tout autour, les montagnes, les forêts, les rivières, les plaines à perte de vue […]»
Dernière modification par Klausinski le mar. 30 nov. 2010, 22:03, modifié 1 fois.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
Je trouve, JR, que parler de fautif est exagéré : Grevisse parle de « combinaison inusitée » et des écrivains du calibre de Mallarmé et Gautier ont employé cette tournure, que je perçois (mais c’est personnel) comme raffinée, justement parce qu’inusuelle.
D’autre part, si l’on devait condamner des expressions sur le seul fait qu’elles pourraient être vues comme pléonastiques, alors on devrait également considérer comme fautif « les nombreux » (« les » contient déjà l’idée de « nombreux »).
Un autre tour que j’aime bien est celui qui combine le démontratif ce et l’adjectif possessif : cette mienne passion, ce sien tourment.![[sourire] :)](./images/smilies/icon_smile.gif)
D’autre part, si l’on devait condamner des expressions sur le seul fait qu’elles pourraient être vues comme pléonastiques, alors on devrait également considérer comme fautif « les nombreux » (« les » contient déjà l’idée de « nombreux »).
Un autre tour que j’aime bien est celui qui combine le démontratif ce et l’adjectif possessif : cette mienne passion, ce sien tourment.
![[sourire] :)](./images/smilies/icon_smile.gif)
- Klausinski
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Cette expression m’ayant toujours paru naturelle, quoique un peu littéraire, je ne peux qu’abonder dans le sens de Marco. Mais il est intéressant de connaître l’avis de chacun, de voir que personne ne réagit de la même manière à un vocable, à un tour langagier. Je vais répéter une opinion déjà formulée sur ce forum, mais je me convaincs chaque jour un peu plus que l’appréciation de la beauté ou de la laideur d’un terme repose en grande partie sur l’habitude et sur les préjugés. Une expression fautive est-elle employée par une personne qu’on admire, on se convainc de sa pertinence, de son efficacité, on trouve toutes les raisons du monde pour la porter aux nues. A-t-on appris, a-t-on lu que telle formule ne se « disait pas », on ne peut plus la supporter, et quand, voyant tout le monde la prononcer comme si de rien n’était, jusqu’aux gens que l’on respecte le plus, on veut se montrer tolérant et concéder que ce qui nous rebutait n’a rien de si monstrueux, c’est encore avec les plus grandes précautions du monde et avec des mines dégoûtées. Je suis également victime de ces préjugés. Je sais fort bien que, depuis les Rectifications orthographiques, on peut écrire « naître » sans accent circonflexe, mais non, cela me paraît disgracieux, « naitre » est nu sans son chapeau. On ne se corrige pas facilement de ces sortes de préventions. Certaines sont ancrées dans notre personnalité, ou du moins on se plaît à le croire. Le mieux est peut-être de retourner à ses livres pour s’ouvrir à d’autres voix, à d’autres vues et à d’autres vies, et se rendre compte que la beauté s’offre à nous par plusieurs chemins, même, parfois, sous la forme de « les plusieurs ». :D
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Voilà une grande vérité, si je puis employer ce terme. Dès qu’on essaie d’introduire, par exemple l’équivalent d’un anglicisme, la masse des locuteurs dira : « Oh ! que c’est moche ! », et c’est une réaction naturelle, dans le langage. Tout ce à quoi on n’est pas habitué sonne bizarre, et du coup, on le rejette. Mais il faut aussi se dire que tout terme nouveau doit avoir son temps d’incubation, avant d’être jugé, souvent, comme dit Klausinski, par préjugé, et non de manière objective.Klausinski a écrit :...je me convaincs chaque jour un peu plus que l’appréciation de la beauté ou de la laideur d’un terme repose en grande partie sur l’habitude et sur les préjugés.
- JR
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Je parle de fautif parce que c'est l'impression que j'éprouve instinctivement. J'admets que "les plusieurs" peut être une manière d'insister sur une quantité supérieure à 1. L'utilisation par des écrivains reconnus d'un mot ou d'une tournure particulière n'en garantit pas la parfaite correction : une expression inusitée, et même fautive, peut être un moyen d'attirer l'attention, ou de donner un sens différent. Au demeurant, "les plusieurs centaines" me trouble moins, dans la mesure où plusieurs associé à centaines donne une évaluation grossière d'un nombre de choses, comme on pourrait dire "le demi-millier".Marco a écrit :Je trouve, JR, que parler de fautif est exagéré : Grevisse parle de « combinaison inusitée » et des écrivains du calibre de Mallarmé et Gautier ont employé cette tournure, que je perçois (mais c’est personnel) comme raffinée, justement parce qu’inusuelle.
D’autre part, si l’on devait condamner des expressions sur le seul fait qu’elles pourraient être vues comme pléonastiques, alors on devrait également considérer comme fautif « les nombreux » (« les » contient déjà l’idée de « nombreux »).
Pour ma part, je fais une différence entre "plusieurs" (plus d'un) et "nombreux" (beaucoup).
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L’ignorance est mère de tous les maux.
François Rabelais
François Rabelais