Le cas est assez embarrassant. La question n'est pas nouvelle.
L'Express s'interrogeait déjà en 1979 ! Avec un peu de patience, l'Académie devrait dire son mot, puisque le dictionnaire en cours s'arrête à "promesse". Peut-être aura-t-elle la bonté de dire un mot du participe passé. La difficulté n'existe pas qu'au participe passé féminin,
puée, comme vous le croyez, mais déjà au participe passé masculin
pué. En effet, jusqu'à présent, l'Académie dit que le verbe
puer ne se conjugue pas à tous les temps et n'a pas de participe passé. Ce qui règle la question ! Mais Littré n'est pas de cet avis. C'est que le verbe
puer a une histoire intéressante et compliquée. On a longtemps hésité entre
puer et
puir pour l'infinitif, et la conjugaison du présent de l'indicatif a longtemps été
je pus, tu pus, il put. Mais petit à petit, le verbe s'est régularisé dans sa conjugaison et l'Académie aura sûrement à en tenir compte. Pour l'instant, la régularisation de
puer n'est pas achevée, et le fait qu'il est devenu un peu inconvenant ne contribue pas à le voir employer dans des tournures grammaticales recherchées et attestées par écrit.
Alors, accordera-t-on ou n'accordera-t-on pas ?
Si l'on considère un verbe proche,
empester (
il empeste le vin), le participe passé féminin
empestée existe bel et bien. Ne pourrait-on pas écrire :
"l'odeur de vin qu'il a empestée toute la journée"? Cela ne me choque pas vraiment.
Les grammairiens qui considèrent que les verbes olfactifs sont des verbes à complément d'objet interne ne nous incitent-ils pas aussi à accorder :
"la vie qu'il a vécue, la langue qu'il a parlée" n'appellent-ils pas aussi
"l'odeur de vinasse qu'il a puée toute la journée" ? J'avoue que cela me choque pourtant. Mais c'est surtout la construction passive qui choque (au contraire du verbe "empester"), pas seulement l'accord.
D'un autre côté, on peut préférer assimiler cette construction aux verbes de mesure ou de prix, tels que
coûter, valoir, vivre, peser, marcher, courir... Ce qui rapproche notamment ces constructions, c'est qu'on peut y remplacer le complément par un adjectif :
je sens le vin, je sens mauvais, je pèse 100 kilos, je pèse lourd, ça coûte 100 francs, ça coûte cher. Or ces verbes connaissent le participe passé, tantôt invariable, tantôt variable. Je rappelle
la règle pour ceux-ci :
Ces verbes ont la particularité d'être intransitifs au sens propre (donc pas d'accord du participe passé). Il sont alors accompagnés de compléments circonstanciels, à ne pas confondre avec des cod :
- les trois mille francs que cet achat m'a coûté... (combien m'a-t-il coûté ?)
- la somme que cette robe a valu...
- les dix grammes que cette lettre a pesé...
- les vingt minutes que j'ai couru, marché...
- les quarante années que j'ai vécu...
Mais aussi transitifs au sens figuré (accord du participe passé, si cod placé avant) :
- les efforts que ce travail a coûtés...
- les compliments que cette robe m'a valus...
- les dangers que j'ai courus...
- les belles années que j'ai vécues...
Est-ce que "puer" pourrait s'aligner aussi sur ces règles ?
Voilà, je ne résous rien, je me contente de suggérer quelques pistes de réflexion.
Mon sentiment intime est que "puée" n'existe pas encore dans l'usage, mais qu'il pourrait apparaître dans une évolution du verbe.