Aller pour, être pour
Aller pour, être pour
Que pensez-vous de la formule aller pour ?
J'allais pour sortir, quand le téléphone a sonné.
Vous semble-t-elle avoir sa place dans la langue écrite du roman ?
L'auteur du manuscrit que je lis et corrige en ce moment pense qu'elle appartient à un registre soutenu mais démodé ; quant à moi, c'est le contraire, elle m'évoque un parler populaire et peu instruit.
Le Grevisse ne mentionne aucune de ces nuances, mais cite des exemples puisés dans des romans, et indique que "ce tour est fréquent dans les indications scéniques".
Je trouverais plus élégant de dire :
J'allais sortir, quand le téléphone a sonné. ou :
Je m'apprêtais à sortir, quand le téléphone a sonné.
(Il faudrait aussi remplacer "quand" par "lorsque" mais c'est une autre question).
J'allais pour sortir, quand le téléphone a sonné.
Vous semble-t-elle avoir sa place dans la langue écrite du roman ?
L'auteur du manuscrit que je lis et corrige en ce moment pense qu'elle appartient à un registre soutenu mais démodé ; quant à moi, c'est le contraire, elle m'évoque un parler populaire et peu instruit.
Le Grevisse ne mentionne aucune de ces nuances, mais cite des exemples puisés dans des romans, et indique que "ce tour est fréquent dans les indications scéniques".
Je trouverais plus élégant de dire :
J'allais sortir, quand le téléphone a sonné. ou :
Je m'apprêtais à sortir, quand le téléphone a sonné.
(Il faudrait aussi remplacer "quand" par "lorsque" mais c'est une autre question).
Je trouve dans le TLFi :
Aller pour + inf. s’emploie pour marquer une action qu’on se dispose à faire dans l’immédiat mais qui n’est pas sûre d’aboutir. Elle va pour sortir (P. VALÉRY, Mon Faust, 1945, III, 7).
Cette tournure, pour moi, a une allure littéraire. Voici quelques exemples trouvés avec Google Livres.
Une de ces lettres fut égarée, et le jour même où tout joyeux j’allais pour chercher et reprendre mon frère... il était mort. (Revue des deux mondes)
…j'allais pour me coucher, lorsque j'entendis marcher dans le petit corridor au bout duquel était ma chambre, on s’arrêta à ma porte… (Eugène Sue, Les mystères de Paris, 1844)
…tous deux passèrent dans la tourelle et y restèrent jusqu’à minuit et demi ; alors je déshabillai le Roi, et comme j’allais pour lui rouler les cheveux, il me dit: « Ce n’est pas la peine… » (Mémoires particuliers pour servir à l’histoire de fin du règne de Louis XVI, 1823)
Aller pour + inf. s’emploie pour marquer une action qu’on se dispose à faire dans l’immédiat mais qui n’est pas sûre d’aboutir. Elle va pour sortir (P. VALÉRY, Mon Faust, 1945, III, 7).
Cette tournure, pour moi, a une allure littéraire. Voici quelques exemples trouvés avec Google Livres.
Une de ces lettres fut égarée, et le jour même où tout joyeux j’allais pour chercher et reprendre mon frère... il était mort. (Revue des deux mondes)
…j'allais pour me coucher, lorsque j'entendis marcher dans le petit corridor au bout duquel était ma chambre, on s’arrêta à ma porte… (Eugène Sue, Les mystères de Paris, 1844)
…tous deux passèrent dans la tourelle et y restèrent jusqu’à minuit et demi ; alors je déshabillai le Roi, et comme j’allais pour lui rouler les cheveux, il me dit: « Ce n’est pas la peine… » (Mémoires particuliers pour servir à l’histoire de fin du règne de Louis XVI, 1823)
- Klausinski
- Messages : 1295
- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
- Localisation : Aude
J’éprouve le même sentiment que vous, Anne. Je ne crois pas que cette tournure soit fautive, et Marco semble bien nous prouver qu’elle ne l’est pas, mais elle ne me paraît pas d’un registre soutenu. Grevisse en donne pourtant des exemples d’auteurs recommandables.
Folle ! alla pour dire l’abbé, – mais il s’arrêta devant ce mot cruel (Barbey d’Aur., Prêtre marié, Pl., p. 1125).
Chatterton va pour répondre, puis y renonce (Vigny, Chatt., II, 4)
Le grammairien précise même, ailleurs, que « les verbes intransitifs construisent ordinairement l’infinitif de but sans préposition, mais acceptent pour quand on veut marquer qu’il s’agit d’une simple intention ». Entre autres exemples, celui-ci, tiré de Balzac : Il vint pour saluer la jeune fille ; mais en ce moment même […] (Ursule Mirouët, Garnier, 1944, p. 285).
Folle ! alla pour dire l’abbé, – mais il s’arrêta devant ce mot cruel (Barbey d’Aur., Prêtre marié, Pl., p. 1125).
Chatterton va pour répondre, puis y renonce (Vigny, Chatt., II, 4)
Le grammairien précise même, ailleurs, que « les verbes intransitifs construisent ordinairement l’infinitif de but sans préposition, mais acceptent pour quand on veut marquer qu’il s’agit d’une simple intention ». Entre autres exemples, celui-ci, tiré de Balzac : Il vint pour saluer la jeune fille ; mais en ce moment même […] (Ursule Mirouët, Garnier, 1944, p. 285).
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)
- Jacques-André-Albert
- Messages : 4645
- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
- Localisation : Niort
Je ne crois pas que « aller pour » soit un tour populaire ; à mon avis, Anne fait une confusion avec « être pour », qui, lui, est plutôt populaire : « j'étais pour sortir, quand je l'ai vu passer ».
[Après vérification dans TLFI et Littré, je retire mon allégation, qui était d'ailleurs modéré d'un « plutôt »]
[Après vérification dans TLFI et Littré, je retire mon allégation, qui était d'ailleurs modéré d'un « plutôt »]
- Madame de Sévigné
- Messages : 687
- Inscription : ven. 09 oct. 2009, 22:50
- Localisation : Nantes
- Jacques-André-Albert
- Messages : 4645
- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
- Localisation : Niort
Et également « elle est après faire sa toilette », que Littré rectifie en « elle est après à faire sa toilette ». Je ne vois pas cette tournure dans le TLFI ; elle est pourtant courante dans la langue classique. Elle est présente dans la 8è édition du dictionnaire de l'Académie, mais condamnée par certains auteurs :Madame de Sévigné a écrit :Je ressens la même chose que Jacques, Anne et klausinski, sans m'expliquer vraiment pourquoi.
Peut-être parce que ce sont les mêmes personnes que j'entends dire : "-Elle est à manger, elle est à faire sa toilette." au lieu de : "-Elle est en train de manger, elle est en train de faire sa toilette."
Macé (la politesse de la langue française) : « Après devant un infinitif, pour dénoter une action présente et continue, est de stile bas : je suis après à les achever.»
Alcide de Saint-Maurice (Remarques sur les principales difficultés, 1672) : « Il est après à faire cela ou de faire cela. Ces façons de parler sont du menu peuple. Dites : il est occupé à faire cela ; il est en estat ou sur le point de faire cela. »
Dernière modification par Jacques-André-Albert le sam. 19 févr. 2011, 12:05, modifié 2 fois.
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Nos réactions ne se situent pas sur le plan de la littérature, des emplois faits par des auteurs connus, ou des exemples donnés par des lexicographes de renom. Elles sont purement instinctives, non raisonnées, spontanées. C'est le « j'aime pas ça » du chérubin devant sa pitance.
Si je vous dis que je n'aime pas les épinards, vous pourrez me démontrer scientifiquement leurs vertus, leurs bienfaits pour la santé, je vous croirai volontiers mais cela ne me les fera pas aimer.
Ici c'est la même chose.
Si je vous dis que je n'aime pas les épinards, vous pourrez me démontrer scientifiquement leurs vertus, leurs bienfaits pour la santé, je vous croirai volontiers mais cela ne me les fera pas aimer.
Ici c'est la même chose.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Jacques-André-Albert
- Messages : 4645
- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
- Localisation : Niort
Aller pour faire est d'un emploi courant dans le corpus écrit numérisé par Google.
Merci à tous pour vos réponses.
Je retiens qu'aller pour est une tournure correcte qu'on rencontre souvent dans la littérature, mais également qu'à cause de sa ressemblance avec certaines tournures populaires elle laisse un léger malaise à la majorité d'entre nous.
L'auteur du manuscrit, cité plus haut, fera son choix en tenant compte de nos avis.
Je retiens qu'aller pour est une tournure correcte qu'on rencontre souvent dans la littérature, mais également qu'à cause de sa ressemblance avec certaines tournures populaires elle laisse un léger malaise à la majorité d'entre nous.
L'auteur du manuscrit, cité plus haut, fera son choix en tenant compte de nos avis.
- Jacques-André-Albert
- Messages : 4645
- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
- Localisation : Niort
être pour
Je découvre sur cette page que la tournure « être pour » dans le sens d' être sur le point de est littéraire. Moi qui croyais que c'était une expression populaire...
« J'étais pour sortir quand il est arrivé. »
« J'étais pour sortir quand il est arrivé. »
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
Re: Aller pour, être pour
Je me suis permis de fusionner ce sujet dans le fil de 2011 qui portait sur "aller pour" mais abordait aussi déjà "être pour".
La BDL écrit :
La BDL écrit :
Ce type de construction est courant en français québécois, mais il ne lui est pas propre. Des grammairiens ont relevé des attestations des périphrases être pour ou venir pour suivies d’un infinitif au sens de « se disposer à » dès le XVIe siècle, en moyen français. Le tour être pour a été critiqué par certains grammairiens à la fin du XVIIe siècle. Il semble toutefois que ces condamnations n’aient pas empêché son usage. On le trouve d’ailleurs consigné, sans marque, dans la dernière édition du Dictionnaire de l’Académie française au sens d’« être sur le point de ». L’exemple donné, Il était pour partir quand je suis arrivée, n’est pas sans rappeler son emploi au Québec. Ces mêmes constructions ont également été relevées dans les parlers de diverses régions de France (Ouest, Picardie, Franche-Comté, Midi).
- Perkele
- Messages : 12915
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
- Localisation : Deuxième à droite après le feu
Re: être pour
Je n'ai jamais entendu cette tournure.Jacques-André-Albert a écrit : ↑jeu. 24 juin 2021, 18:42 Je découvre sur cette page que la tournure « être pour » dans le sens d' être sur le point de est littéraire. Moi qui croyais que c'était une expression populaire...
« J'étais pour sortir quand il est arrivé. »
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
- Jacques-André-Albert
- Messages : 4645
- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
- Localisation : Niort
Re: Aller pour, être pour
Ma mère, née dans l'ouest parisien, l'utilisait fréquemment.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
- Claude
- Messages : 9173
- Inscription : sam. 24 sept. 2005, 8:38
- Localisation : Décédé le 24 août 2022. Humour et diplomatie. Il était notre archiviste en chef.