Quant au second, c'est juste une phrase :Depuis le matin, je t'ai suivie à la trace, une peur instinctive accrochée au ventre, je t'ai observée, surveillée. Fruit de tes entrailles, les miennes me tenaillaient. Nous n'avons rien fait d'autre. Que voir des gens. Nous n'avons pas bouclé les valises. Tu as appelé quelqu'un. Par téléphone. J'étais à côté de toi. Prends soin de ma fille. S'il m'arrive quelque chose. Tu as dit ça. Tranquillement. En me regardant. Tu ne m'avais rien demandé. Je ne t'avais rien demandé. De semblable. Tu me regardais. Sans me voir. Tu m'ignorais. Tu étais où, loin de moi, ça, c'est sûr, mais où. Je ne veux pas que l'on prenne soin de moi.
J'ai de l'affection pour cette femme, dont le récit est bouleversant, mais je suis étonnée de voir que des éditeurs acceptent de publier de tels textes. Il me semble que de mon temps, même à l'école primaire, on exigeait une meilleure utilisation de la ponctuation et une meilleure syntaxe.Sur le moment j'ai cru qu'il m'avait entendue, je me rappelle, précisément, ses mots, il était révolté, j'ai toujours su qu'il y avait quelque chose de bizarre, m'a-t-il dit, je comprends enfin pourquoi je ne sais rien de mon père, pourquoi chez ma tante, celle qui m'a élevé, la soeur de ma mère, il n'y a aucune photo de mon père, pourquoi, lorsque je l'interrogeais, elle devenait hystérique, elle se mettait à pleurer, j'ai fini par renoncer, par ne plus en parler, c'est comme si je n'étais pas étonné maintenant, mais pourquoi ne m'avoir rien dit, c'est ignoble, je comprends enfin pourquoi je n'ai rien su de lui, rien de vous, ma famille, rien de la Yougoslavie, pourquoi je ne vous ai découverts que l'année dernière, je comprends pourquoi mon père n'est pas dans le même tombeau que ma mère, je changerai cela, je le jure.
Peut-on appeler cela un style ? À mes yeux, cela ressemble plus à de la maladresse ou à de la négligence qu'à un style, surtout que cette façon d'écrire compromet l'intelligibilité du texte.
Passons à un exemple tiré d'un livre qui a été récompensé. L'auteur, un journaliste et écrivain qui n'en est pas à son coup d'essai, est considéré comme l'un des meilleurs écrivains suisses de sa génération.
Certaines parties du texte laissent supposer que l'auteur a une certaine capacité à s'exprimer. Alors pourquoi ne pas soigner son écriture ?Une piste rudimentaire relie le village à a ville. Distante de cinquante kilomètres. De temps à autre une jeep l'emprunte. Elle s'arrête au milieu du village. Dans un nuage de poussière. Des militaires descendent. Le fusil sur l'épaule. Le visage luisant de transpiration. Ils vont dans la case de mon père. Les Reines leur donnent à boire et à manger. Les plus jeunes, parfumées au soumaré, les cheveux ornés de perles multicolores, restent dans la case jusqu'au soir. Moi et les autres on colle notre oreille aux fenêtres. On entend des cris bizarres. Des couinements de chauve-souris. Le soir tombe. Comme on éloigne les mouches à glup, les Reines nous chassent avec des touffes d'orties. Enfin, les militaires sortent. Le fusil à la main. L'uniforme débraillé. Ils remontent dans leur vieille Land Rover. Les yeux brillants. Emmenant avec eux d'autres femmes du village. Et la voiture repart comme elle est arrivée. Dans un bruit effroyable de pistons. On revoit rarement les femmes aux épaules garnies de chapelets de soumaré.
Cette manière de découper les phrases m'énerve tellement que ce sujet aurait sa place dans les indignations. C'est à vous décourager de lire des ouvrages récents.