L'auteur y expose la nécessité d'être compris en utilisant des mots usuels
le souvenir d'une époque où le peuple créait l'usage, quand il n'était pas encore soumis aux incongruités des journalistes et des publicitairesIl faut aussi que ceux qui prétendent à l'éloquence fassent leur première étude de la valeur des mots et de la pureté des dictions, pour savoir celles dont ils se peuvent servir, et celles qui doivent être rejetées comme n'étant plus en usage. Car c'est une des premières règles que donnent les maîtres de cette profession, d'éviter comme un écueil toutes les paroles inusitées, et de les considérer pour être de la nature des pièces de monnaie, dont il ne se faut jamais charger si elles n'ont cours, et que le peuple ne les reçoive.
On y voit que les variations, les modes et l'usure qui affectent le langage avaient déjà coursOr il est besoin d'y prendre garde d'autant plus attentivement, que n'y ayant rien de variable à l'égal de ce peuple, à qui tous les sages ont donné la souveraine juridiction des langues,
L'auteur prône la simplicité et la clarté dans le choix des motsles mots changent si souvent, que les feuilles des arbres ne tombent plus ordinairement, selon le dire du poète latin. Que si vous usez d'un terme trop ancien, on dit que vous affectez encore la nourriture du gland, après l'usage des blés et de tant de bonnes viandes. S'il est trop nouveau, on le compare à un fruit qui n'est pas encore mûr, et qui pour cela ne peut plaire à cause de son amertume. S'il est étranger, vous voilà tombé dans le plus grand de tous les vices qu'on peut reprocher à un orateur, qui est la barbarie.
En conclusion,J'ai quelquefois médité d'où pouvait procéder cette grande aversion contre celles qui ne sont pas dans le commerce ordinaire, l'école ayant fait un crime si capital de s'en servir... Mais je crois que la principale raison se doit prendre de ce qu'Aristote a fort bien remarqué en quelque lieu de ses Topiques, que toute diction inusitée ne peut éviter qu'elle ne porte avec soi de l'obscurité. Car puisque nous ne parlons et n'écrivons que pour être entendus, d'où vient que la première perfection de l'oraison consiste en ce point d'être claire et intelligible, il s'ensuit que son principal défaut procédera de l'ambiguïté s'il s'y en trouve, comme il ne se peut faire autrement, quand nous nous servirons de termes peu connus.
La clarté, la nécessité d'être compris sont les principes de base de la langue française telle qu'elle a été codifiée au XVIIè siècle, et la facilité avec laquelle on lit ces lignes vieilles de presque quatre cents ans est une illustration de la véracité de ces principes.C'est donc avec grande raison, qu'on les défend si expressément, puisqu'ils semblent s'opposer aux intentions de l'art et faire la guerre à la nature, celle-ci ne nous ayant donné la langue, et l'autre mis la plume en la main, que pour expliquer nettement et faire comprendre facilement nos intentions.