Clore ou clôturer ?

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Pha
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Clore ou clôturer ?

Message par Pha »

Re-bonjour à tous,

après une longue absence qui n'est due à rien d'autre qu'un problème technique de connexion, je reviens sur ce forum si plaisant avec une question : comment départager le sens (qui semble très proche) des verbes clore et clôturer ?

Dans les dictionnaires, on trouve :
pour clôturer : mettre en place une clôture, terminer, mettre fin
pour clore : placer une clôture, finir, mettre un terme.

merci à tous, je suis ravi de revenir :D
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Jacques
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Message par Jacques »

À l'origine : clôturer c'est fermer physiquement, entourer d'une clôture. Clore c'est mettre fin à. D'où nous concluons que l'on clôture un champ, une propriété, un terrain, un espace. Que l'on clôt une séance, une réunion.
Le Larousse des pièges et difficultés, dans une édition récente, estime que l'emploi très répandu de clôturer dans ce dernier sens a force d'usage et doit permettre qu'on l'admette, d'autant que clore est un verbe défectif. Il note toutefois que, dans une langue très surveillée, on préfèrera des formules comme mettre fin à, mettre un terme. Il signale que clôturer se dit aussi pour une simple fermeture comme clôturer un passage (alors qu'il s'agit de poser un barrage, une barrière, une porte, et non une clôture) ; on peut aussi bien dire fermer, barrer l'accès, poser une barrière.
Je me méfie de Larousse, qui a depuis longtemps une tendance à la permissivité. Libre à vous de choisir si vous préférez son laxisme ou la rigueur.
Il n'est tout de même pas difficile de parler juste, en disant :
– il a clôturé son champ
– nous avons clos la séance
– l'accès à cette impasse a été barré.
Il signale que les comptes rendus boursiers mentionnent des valeurs qui ont clôturé à la baisse ou à la hausse. Cela signifie simplement que les gens qui établissent ces comptes rendus suivent le train des barbarismes et impropriétés à la mode. Du temps où j'étais dans le milieu on ne le disait pas, il y avait cette formule : Le saint-Gobain termine en baisse, en hausse ; parfois aussi Péchiney termine à la hausse, à la baisse.
Et j'ajouterai que nous sommes, nous aussi, ravis de votre retour.
Dernière modification par Jacques le mar. 02 août 2011, 11:15, modifié 2 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
codrila

Message par codrila »

C'est seulement par métonymie , extension de sens, que clore a pris le sens de "mettre fin à". Clôturer était plus précis : fermer par une clôture tandis que clore signifie en premier lieu "fermer".
Nous retrouvons ce sens premier grâce à son participe passé adjectivé: une porte close, des yeux mi-clos, la dame à la licorne en son jardin clos.

Alors, lorsqu'il s'agit d'un terrain, d'un espace, la différence sémantique est minime; le substantif "un clos" c'est un terrain fermé par une clôture .
L'extension de sens ne me semble pas illicite pour clôturer si elle est permise pour clore, si ce n'est qu'il y a alors deux synonymes . Pourquoi pas?
Pha
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Message par Pha »

Merci de votre réponse; cependant, outre le Larousse (que je n'ai pas consulté), d'autres dictionnaires donnent à clore le sens très concrêt de fermer et à clôturer le sens abstrait pour parler d'une séance ou d'une réunion que l'on termine.

Par ailleurs, le verbe clore n'existe visiblement pas à tous les temps et tous les modes.
je clos une réunion peut-il se dire : la réunion que j'ai *close* ?
et si nous sommes plusieurs, dirons-nous : nous *closons* la réunion.

je pense qu'il y a des nuances qui m'échappent !
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Jacques
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Message par Jacques »

J'ai répondu à cette question : au participe passé on dit clos ou close. Vous pouvez donc dire la séance que nous avons close. Aux temps où il n'existe pas on dit mettre un terme ou mettre fin à : Nous mettrons fin à la séance à 23 heures.
Le juge, c'est l'Académie française. Et voici ce quelle dit :
CLÔTURER v. tr. XVIIIe siècle. Dérivé de clôture.
Enclore, entourer d'une clôture. Clôturer une prairie. Ce verbe n'a pas d'emploi figuré. Dans le sens de terminer, on ne doit pas employer clôturer mais clore ou des périphrases telles que mettre fin à, mettre un terme à. Clore un débat, une séance, un congrès.

C'est clair, me semble-t-il. Entre l'avis de l'Académie et celui des dictionnaires d'usage, quand il y a désaccord je me range aux recommandations de l'Académie.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Pha
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Message par Pha »

Effectivement, suivons les recommandations de l'Académie, c'est toujours plus sage!
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Jacques
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Message par Jacques »

Pha a écrit :Effectivement, suivons les recommandations de l'Académie, c'est toujours plus sage!
C'est un choix personnel. L'Académie n'admet pas non plus que clore soit utilisé dans le sens physique de mettre une clôture. Elle signale l'emploi métonymique réfléchi : il s'est clos, c'est-à-dire il s'est enfermé dans sa propriété en s'entourant d'une protection.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Desiderius

Message par Desiderius »

Jacques a écrit :L'Académie n'admet pas non plus que clore soit utilisé dans le sens physique de mettre une clôture. Elle signale l'emploi métonymique réfléchi : il s'est clos, c'est-à-dire il s'est enfermé dans sa propriété en s'entourant d'une protection.
Quelque chose doit m'échapper. L'Académie dit pour clore :
2. Entourer, enclore, environner de murs, de fossés, de haies, etc. Clore un jardin, un parc. Clore un parc à bestiaux.
N'est-ce pas le sens de mettre une clôture ?
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Jacques
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Message par Jacques »

J'ai pris à tort le mot clôture dans le sens qu'on lui donne couramment aujourd'hui : un entourage de fils de fer barbelés ou de grillage.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

Je pense que clore peut s'employer dans tous les cas où il s'agit de fermer ou enfermer, aux sens concrets ou abstraits. C'est clôturer qui ne doit normalement être utilisé qu'au sens concret de fermer ou enfermer par une clôture.
codrila

Message par codrila »

Toujours est-il que cet emploi au sens figuré de "clôturer " n'est pas nouveau, contrairement à ce qu'on pourrait croire et ne nous vient , en fait, pas d'un usage inconscient de gens ignares mais de la langue spécialisée .

Jean -Jacques Féraud le signalait déjà en 1785, dans son Dictionnaire raisonné et critique de la langue française.
Il signale que le terme était usité dans le monde de la justice , des notaires. Il dit :" On ne l'emploie qu'au Palais". exemple: " clôturer un inventaire ". Il ajoute seulement" l'Académie ne le met pas".
À cette époque , il n'y a pas d'opposition farouche de l'Academie, ce n'est simplement pas répertorié dans le dictionnaire d'alors,peut-être aussi car d'un emploi limité .

Si recourir à l'Academie est sage en cas de doute, s'en servir comme argument d'autorité qui nous dispenserait de réfléchir par nous-mêmes serait contreproductif .

Peut -être est-ce parce que clore avait pris le sens de terminer que les juristes d'alors ont éprouvé le besoin d'un terme plus fort, indiquant non seulement que la tâche a été menée à bien, donc terminée , mais qu'on y met alors, en quelque sorte des scellés , une barrière , clôture , qu'on ne pourra plus rien y changer , pour éviter des contestations futures de personnes se considérant comme ayant-droit, par exemple.
Clore n'aurait alors pas eu un sens aussi précis .
est d'ailleurs cet argument qu'avancent certains linguistes en faveur de cet emploi.
Il n'empêche que dire qu'une valeur a clôturé à la baisse ou à la hausse me semble également impropre. Ce qui caractérise l'activité boursière , c'est l'évolution permanente de ces valeurs. La bourse cesse ses activités à un moment , on dresse un état provisoire de ces valeurs qui seront différentes deux jours plus tard. En somme, rien n'est clos ( sauf une séance de la Bourse) et rien n'est clôturé, non plus. Inepte...
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Jacques
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Message par Jacques »

codrila a écrit : Il n'empêche que dire qu'une valeur a clôturé à la baisse ou à la hausse me semble également impropre. Ce qui caractérise l'activité boursière, c'est l'évolution permanente de ces valeurs. La bourse cesse ses activités à un moment , on dresse un état provisoire de ces valeurs qui seront différentes deux jours plus tard. En somme, rien n'est clos (sauf une séance de la Bourse) et rien n'est clôturé, non plus. Inepte...
S'il vous plaît, quand on parle du marché financier, on doit écrire Bourse avec un B majuscule. Idem pour la Bourse du travail et la Bourse du commerce. Ces mots ont valeur de noms propres. La bourse avec une minuscule, c'est le porte-monnaie.
À part cela, je suis d'accord avec votre raisonnement. Le mot clôture désigne la fermeture du marché pour la journée, c'est pourquoi on ne doit pas dire qu'une valeur a clôturé mais qu'elle a fini à telle tendance ou qu'elle était à tant à la clôture.
Dans notre jargon, on disait parfois « à la cloche » parce que ladite cloche, qui se trouvait dans le hall d'entrée du palais Brongniart, était agitée pour signaler l'ouverture et la fermeture des cotations.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Desiderius

Message par Desiderius »

codrila a écrit :Toujours est-il que cet emploi au sens figuré de "clôturer " n'est pas nouveau, contrairement à ce qu'on pourrait croire et ne nous vient , en fait, pas d'un usage inconscient de gens ignares mais de la langue spécialisée .
Jean -Jacques Féraud le signalait déjà en 1785, dans son Dictionnaire raisonné et critique de la langue française.
Oui. L'Académie prétend aujourd'hui qu'il ne faut pas dire "clôturer" dans ce sens sous le prétexte que ce verbe n'a pas d'emploi figuré. Elle oublie donc que "clôturer" a d'abord été employé de manière figurée, dans clôturer un compte ou analogue, comme ici en 1723.
Le sens propre de entourer d'une clôture n'est venu en fait que plus tard et ne figure d'ailleurs que dans l'édition en cours du dictionnaire de l'Académie.
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Jacques
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Message par Jacques »

Il est commode de dénigrer l'Académie. Cela permet de camper sur ses positions en se donnant bonne conscience. Depuis que le forum existe, nous avons toujours trouvé des détracteurs de l'Académie, et Perkele s'est maintes fois élevée contre ces attaques. Aujourd'hui c'est moi.
Je fais déjà remarquer qu'elle ne défend rien, mais qu'elle conseille et recommande.
Le Robert des difficultés dit : « Clôturer s'emploie abusivement à la place de clore dans les expressions comme clôturer un débat, une séance, un congrès. »
Bordas, clôturer entourer d'une clôture, seul sens correct. On évitera d'employer clôturer au lieu de clore dans les sens figurés : clore un compte, un débat, une séance, plutôt que clôturer un compte, etc. Quand clore est inusité à un temps, tourner autrement : on arrêta le compte, le président prononça la clôture de la séance...
La vérité est qu'une fois de plus, il y a deux camps : celui qui condamne, et celui qui tolère l'emploi de clôturer au sens figuré. Cela prouve un flou, une incertitude. Si on choisit l'un des deux, il n'est pas convenable pour autant de jeter la pierre à l'autre. C'est du manichéisme. Qui sommes-nous pour juger et trancher ?
J'ai été comptable. Nous ne parlions jamais de clôturer un compte, mais de le solder, de le fermer ou de le clore.
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Dame Vérone
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Message par Dame Vérone »

Une clôture n'est pas synonyme de maison close : si la première désigne l'espace réservé aux seuls membres d'un monastère, je m'interroge sur la dénomination de la seconde puisque ce genre de maison est assez... ouvert !
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