Aberrer

Répondre
André79
Messages : 486
Inscription : mar. 31 juil. 2007, 23:04
Localisation : Poitou

Aberrer

Message par André79 »

J’entendais à la radio il y a peu un auditeur qui faisait allusion aux propos d'un homme politique en disant :
" Quand j’entends des propos semblables je suis aberré"

Je pense qu'il voulait dire atterré, stupéfait, et je me suis demandé si par hasard le verbe aberrer existait... Il existe bien, à ma surprise je dois dire, mais pas dans ce sens et pas conjugué sauf au participe présent qui a donné l'adjectif (?).

Si par hasard il y avait parmi nous d’autres ignorants je me sentirais moins seul...
Avatar de l’utilisateur
Perkele
Messages : 12920
Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
Localisation : Deuxième à droite après le feu

Message par Perkele »

Peut-être voulait-il dire qu'il était perdu ? :?

Si je n'ennuyais pas les gens avec des exercices sur les paronymes (aberrer / obérer) je serais dans la même ignorance que vous.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Eh bien vous échappez à la solitude, je l'ignorais autant que vous.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Avatar de l’utilisateur
Jacques-André-Albert
Messages : 4646
Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
Localisation : Niort

Message par Jacques-André-Albert »

Je ne m'étais jamais penché sur le verbe qui a donné aberrant (toute une vie ne suffirait pas, je pense, pour explorer tous les recoins de la langue), et j'avoue que je ne l'ai jamais utilisé, ni même rencontré dans mes lectures.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Il faut quand même dire à notre décharge que ni Littré ni l'Académie ne le mentionnent (pour cette dernière il ne figure dans aucune des éditions du dictionnaire de la premièe à la neuvième).
D'après le Dictionnaire historique, il aurait fait une courte apparition au XVIe s. avant de tomber dans l'oubli, pour reparaître au XIXe avec un autre sens tout en demeurant d'un usage très rare.
C'est presque un verbe fantôme.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Avatar de l’utilisateur
Jacques-André-Albert
Messages : 4646
Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
Localisation : Niort

Message par Jacques-André-Albert »

Jacques a écrit :Il faut quand même dire à notre décharge que ni Littré ni l'Académie ne le mentionnent (pour cette dernière il ne figure dans aucune des éditions du dictionnaire de la première à la neuvième).
D'après le Dictionnaire historique, il aurait fait une courte apparition au XVIe s. avant de tomber dans l'oubli, pour reparaître au XIXe avec un autre sens tout en demeurant d'un usage très rare.
C'est presque un verbe fantôme.
Pour ma part, au contraire, je ne perçois pas de différence de sens entre son emploi ancien et l'usage qui en est fait au dix-neuvième siècle, sans tenir compte de sa rareté ; le verbe, qui signifie s'écarter de au sens propre (du latin ab errare = errer loin de), et qui est déjà employé par Cicéron au sens figuré de s'égarer dans son esprit ; c'est dans ce sens que Michel d'Amboise l'utilise dans une de ses ballades : « si du chemin d'equite aberrons ».
On le trouve dans un livre religieux de 1621, au sens figuré, dans le Grand dictionnaire franco-flamand de Jean-Louis d'Arsy (1651)
On peut noter une apparition, au sens propre, dans les Recherches sur quelques principes des connaissances humaines d'Élie Luzac (1756)
Savoit-on que les corps s attirent en raison inverse du quarré des distances ? que mus en ligne droite, à un certain éloignement d'un autre corps, ils devoient aberrer de leur cours pour s'approcher de ce corps ; & cela suivant des Loix constantes ?
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Son sens premier était de nature scientifique : s'écarter en parlant d'une image optique. La reprise ultérieure ne concernait qu'un sens figuré appliqué à un raisonnement. C'est là qu'est la différence.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Avatar de l’utilisateur
JR
Messages : 1301
Inscription : mer. 29 nov. 2006, 16:35
Localisation : Sénart (décédé le 15 mai 2013)
Contact :

Re: Aberrer

Message par JR »

André79 a écrit :J’entendais à la radio il y a peu un auditeur qui faisait allusion aux propos d'un homme politique en disant :
" Quand j’entends des propos semblables je suis aberré"

Je pense qu'il voulait dire atterré, stupéfait, et je me suis demandé si par hasard le verbe aberrer existait... Il existe bien, à ma surprise je dois dire, mais pas dans ce sens et pas conjugué sauf au participe présent qui a donné l'adjectif (?).

Si par hasard il y avait parmi nous d’autres ignorants je me sentirais moins seul...
En effet, les politiciens tentent souvent d'induire en erreur ceux qui les écoutent sans exercer leur sens critique. Il est bizarre de ne découvrir ce verbe que maintenant, les occasions de l'utiliser n'ayant pourtant pas manqué.
Si ça peut vous consoler, mon Larousse et moi l'ignorions totalement.
Je crois que je vais lui offrir une popularité qu'il n'a jamais connue en cinq siècles d'existence : reconnaissez que "vous aberrez fortement" a une autre classe que le classique (mais vulgaire) "tu déc. . . à plein tube" ! :lol:
L’ignorance est mère de tous les maux.
François Rabelais
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Tout dépend de l'intention de celui qui parle. La seconde version est plus pittoresque et plus parlante. Et si on est en colère, elle soulage mieux.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
André79
Messages : 486
Inscription : mar. 31 juil. 2007, 23:04
Localisation : Poitou

Message par André79 »

Merci beaucoup de toutes vos contributions... Je crois qu'on ne peut plus aller plus loin dans nos réflexions. Merci donc.
Avatar de l’utilisateur
Manni-Gédéon
Messages : 1217
Inscription : lun. 12 avr. 2010, 14:35
Localisation : Genève (CH)

Message par Manni-Gédéon »

Vous pouvez m'ajouter à la liste de ceux qui ignoraient ce verbe.
JR, je retiens votre variante distinguée de "tu déc. . . à plein tube". :wink:
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
Avatar de l’utilisateur
Herdé76
Messages : 180
Inscription : ven. 01 juin 2012, 17:11

Message par Herdé76 »

Je ne connaissais pas aberrer (s'égarer, se perdre si j'ai bien compris) mais il me fait penser à un autre verbe peu connu "adirer" qui signifie perdre ou égarer
Administrativement on parle de plis ou de valeurs adirés
C'est amusant car les 2 étymologies sont proches (ad ire et ab errare) or l'un a le sens d'un verbe à la forme pronominale, l'autre pas !
Avatar de l’utilisateur
Perkele
Messages : 12920
Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
Localisation : Deuxième à droite après le feu

Message par Perkele »

Herdé76 a écrit : C'est amusant car les 2 étymologies sont proches (ad ire et ab errare) or l'un a le sens d'un verbe à la forme pronominale, l'autre pas !
C'est merveilleux !
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Répondre