Coupe sombre/claire

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André79
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Coupe sombre/claire

Message par André79 »

Je reviens sur cette histoire de coupe sombre voire de coupe claire car j’entendais le premier ministre dire qu'il ne voulait pas "faire de coupe sombre dans ..." (restons en au français)
Chacun aura compris le fond de sa pensée sauf qu'en réalité il voulait plutôt parler de "coupe claire" .
Certes, l'usage a permis ce contresens je pense... Mais en réalité où en est-on dans ces expressions? L'usage a-t-il fait loi ou alors considère-t-on que c'est bien impropre..

En savez-vous davantage? Merci.
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Perkele
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Message par Perkele »

L'usage dans le milieu professionnel concerné n'ayant pas évolué, il me semble que nous devons considérer qu'il est impropre de céder à l'habitude.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Bernard_M
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Re: Coupe sombre/claire

Message par Bernard_M »

Coupe blanche ou coupe à blanc, coupe réglée, coupe claire et coupe sombre sont autant d'expressions propres aux sylviculteurs et ont donc un sens bien précis.
Au figuré, c'est par contresens que l'usage courant a retenu l'expression coupe sombre, pour parler de coupes importantes d'éléments au milieu d'un ensemble plus grand.
André79 a écrit :[...]Mais en réalité où en est-on dans ces expressions? L'usage a-t-il fait loi ou alors considère-t-on que c'est bien impropre..
En savez-vous davantage?
Mentionné par l'Académie et par le CNRTL, l'usage de ce contresens en est donc bien établi. Il en est sûrement de même pour d'autres expressions particulières extraites de domaines professionnels bien spécifiques.
Quant à savoir si l'usage fait loi ou alors s'il est bien impropre, les deux, à mon avis, ne sont pas incompatibles. Bien malin qui saura trancher !
On peut toujours essayer de corriger la barre. Mais, faute d'en connaître la signification exacte, je ne suis pas sûr que l'on parvienne à utiliser, dans l'ensemble des expressions disponibles et citées ci-dessus, celle qui sera la plus juste et la mieux adaptée...
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Perkele
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Message par Perkele »

En général, je recommande d'employer d'autres termes qui conviennent mieux à la situation :
- licenciements massifs (et déchirants) ;
- plan de licenciement préparé secrètement ;
- réduction draconienne de budget ;
- restriction rigoureuse des frais divers...
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Perkele
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Message par Perkele »

Savez-vous qu'il existe aussi des coupes sombres (black cuts) en boucherie ?
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Il est regrettable que l'Académie, une fois de plus, capitule devant l'erreur. Aussitôt après avoir donné les bonnes définitions issues de la sylviculture, elle admet sans broncher dans le langage courant la contradiction issue de l'erreur populaire. Elle n'assure plus son rôle de gardien du bon usage, et s'aligne sur le laxisme des dictionnaires populaires en constatant une pratique sans en dénoncer le caractère impropre.
Si elle admet que des retraits importants dans un ouvrage littéraire sont des coupes sombres, comment nommera-t-elle des suppressions légères ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Herdé76
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Message par Herdé76 »

Personnellement j'ai longtemps fait le contre-sens, abusé par les illustres auteurs qui ont fait de même (voir ci-dessous fiche réalisée à l'occasion)
Vous remarquerez notamment l'oxymore de Nerval avec sa "coupe sombre qui éclaircit" :
Coupe sombre ou coupe claire ?
Le point de vue du dico du CNRS (Trésor de la langue française informatisé)
Sur http://atilf.atilf.fr/tlfi/

COUPE, subst. fém.
I. [Avec l'intervention d'un instrument tranchant]
2. Spéc., SYLVICULTURE
a) Opération consistant à abattre des arbres dans un bois, dans une forêt. Coupe d'abri, d'éclaircie. Du côté des bois dont j'avais décidé la coupe (LEROUX, Myst. Ch. jaune, 1907, p. 41).
Coupe claire. Coupe forte, consistant en un abattage d'un grand nombre d'arbres et permettant une large arrivée de lumière.
Coupe sombre (ou coupe d'ensemencement). Coupe faible (qui laisse la forêt sombre) ne portant que sur quelques arbres et destinée à favoriser l'ensemencement naturel. Une coupe d'ensemencement sombre limite sérieusement le développement des plantes herbacées et des morts-bois (COCHET, Bois, 1963, p. 63).
Au fig., dans la lang. cour. et par contresens sur le mot « sombre ». Faire des coupes sombres. Effectuer des suppressions importantes dans un écrit; éliminer une partie considérable d'un personnel, d'un groupe, d'une société. On a fait des coupes sombres dans les tirades (GONCOURT, Journal, 1896, p. 951). Les coupes sombres pratiquées dans le personnel par l'ennemi et ses complices (DE GAULLE, Mém. guerre, 1959, p. 449).
Coupe réglée. Coupe effectuée régulièrement sur une portion de bois déterminée. Ils s'étaient plaints que Conan, (...) eût mis en coupe réglée des taillis leur appartenant (VERCEL, Cap. Conan, 1934, p. 90).
Au fig. Mettre qqn ou qqc. en coupes réglées. En tirer parti de façon répétée et abusive. J'ai mis, comme vous, les sots en coupes réglées (BALZAC, Splend. et mis., 1844, p. 14).
b) P. méton. Lieu où des arbres ont été abattus ou sont à abattre :
1. Une éclaircie se manifesta tout à coup à notre droite, quelqu'une de ces coupes sombres qui éclaircissent singulièrement les forêts...
NERVAL, Les Filles du feu, Angélique, 1854, p. 578.
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Jacques
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Message par Jacques »

Je crois que vous vous méprenez sur le sens de la question. Ces définitions données par le TLFi, qui ressemblent sérieusement à celles de l'Académie, sont connues de tous.
Ce que André demandait, c'est si le mauvais usage est considéré dans la pratique comme étant devenu orthodoxe.
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Herdé76
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Message par Herdé76 »

Je suis en partie à côté de la plaque.
J'ai rédigé cette fiche en partie avec le TLFI.
personnellement je pense qu'il faut garder le sens initial, à savoir coupe claire pour la taille la plus sévère.
mais je constate que l'usage est répandu, y compris chez de bons auteurs (Goncourt, De Gaulle, Nerval...)
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Jacques
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Message par Jacques »

Herdé76 a écrit :Je constate que l'usage est répandu, y compris chez de bons auteurs (Goncourt, De Gaulle, Nerval...)
Vous confirmez ce principe que je répète de temps à autre : ce n'est pas parce qu'un emploi se retrouve chez des auteurs connus que cela lui donne une existence licite. Les auteurs connus sont comme tout le monde, faillibles, et ils se trompent. Quand Grevisse vous dit que telle forme contestée se retrouve pourtant chez de bons auteurs, cela ne signifie pas qu'on peut l'entériner, cela prouve que les bons auteurs commettent aussi des erreurs.
C'est pour ce motif que, dans un autre sujet où Hanse est évoqué comme ayant cité Julien Green qui écrit Il est Belge, je dis que la citation n'a pas force de loi et que Green a pu simplement faire fausse route (lui et d'autres) en confondant adjectif et nom propre.
Et c'est valable pour des quantités d'autres cas grammaticaux.
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jarnicoton
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Message par jarnicoton »

Cependant, nos amis les journalistes découvrent parfois une faute habituelle et se mettent alors à la corriger tous les uns après les autres : ils ne panurgent pas toujours dans l'erreur.

Or coupe claire à la place de coupe sombre est l'une des (rares) choses que beaucoup ont précisément corrigées ces dernières années.
Une autre : la suppression du subjonctif après après que.
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Claude
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Message par Claude »

Je ne peux m'empêcher de chanter : Longtemps, longtemps, longtemps, après que les poètes ont disparu... :wink:
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Jacques
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Message par Jacques »

C'est juste, jarnicoton remet les choses en place ; j'ai aussi constaté que les journalistes ont quand même rectifié quelques-unes de leurs erreurs.
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Claude
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Message par Claude »

Jarnicoton, j'aime bien votre verbe panurger ; il n'existe pas mais vous devriez le soumettre à l'Académie, il en vaut la peine. :wink:
jarnicoton
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Message par jarnicoton »

Panurgir ou panurgeoir seraient aussi à considérer. Il faut avouer qu'une manière d'appauvrir la langue consiste à placer dans le premier groupe tous les néologismes en matière de verbes.

Je me rappelle deux autres néologismes que j'ai imaginés et écrits ailleurs :
une dirimance (un empêchement absolu) et la blouscaille (un beau ciel bien bleu).

Certes, on trouve "dirimance" comme titre d'un roman de 2002, mais je l'avais imaginé avant ! Là !
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