Le futur dans le passé
- Jacques
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Le futur dans le passé
Un effet narratif utilise parfois le présent pour parler d'un fait révolu. Par un enchaînement logique, ce qui vient après est exprimé au futur de l'indicatif. Exemple : « Émile Littré entreprend de brillantes études de médecine, et obtient tous ses diplômes. Mais il n'exercera jamais cette profession, car le décès de son père l'empêchera de présenter sa thèse. »
Il y a là un enchaînement logique des temps de conjugaison.
Mais je suis perplexe au sujet d'une lettre reçue de mon fournisseur en champagne, qui débute carrément par un futur non précédé d'un présent :
Chères Clientes, Chers Clients,
Un printemps pluvieux et de faibles températures engendreront une baisse quantitative de la vendange. Cependant, nos efforts et la minutie de la réalisation des travaux estivaux nous permettront de maintenir la qualité de notre récolte.
Le printemps est déjà loin derrière, les travaux estivaux appartiennent à une période révolue. Pour moi, il y a faute, sans la référence à un présent préalable. Le futur ne saurait être que prévisionnel pour 2013.
Je note en outre trois majuscules abusives, et une sorte de redondance devenue habituelle par souci d'une féminisation outrancière : chers clients, c'est un terme générique ; les clients ne sont pas seulement des hommes, le mot a une valeur neutre et englobe aussi bien les femmes. Le « chères clientes » est donc une superfluité démagogique.
Il y a là un enchaînement logique des temps de conjugaison.
Mais je suis perplexe au sujet d'une lettre reçue de mon fournisseur en champagne, qui débute carrément par un futur non précédé d'un présent :
Chères Clientes, Chers Clients,
Un printemps pluvieux et de faibles températures engendreront une baisse quantitative de la vendange. Cependant, nos efforts et la minutie de la réalisation des travaux estivaux nous permettront de maintenir la qualité de notre récolte.
Le printemps est déjà loin derrière, les travaux estivaux appartiennent à une période révolue. Pour moi, il y a faute, sans la référence à un présent préalable. Le futur ne saurait être que prévisionnel pour 2013.
Je note en outre trois majuscules abusives, et une sorte de redondance devenue habituelle par souci d'une féminisation outrancière : chers clients, c'est un terme générique ; les clients ne sont pas seulement des hommes, le mot a une valeur neutre et englobe aussi bien les femmes. Le « chères clientes » est donc une superfluité démagogique.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Manni-Gédéon
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Je suis d'accord avec vous.
Ce texte me laisse perplexe.
C'est vrai que les conditions météorologiques du printemps ayant eu des effets sur la croissance du raisin, ils en auront aussi sur la quantité et peut-être aussi la qualité de la récolte. Je ne sais pas s'il faut dire que c'est faux, mais en tout cas c'est mal formulé.
Ce texte me laisse perplexe.
C'est vrai que les conditions météorologiques du printemps ayant eu des effets sur la croissance du raisin, ils en auront aussi sur la quantité et peut-être aussi la qualité de la récolte. Je ne sais pas s'il faut dire que c'est faux, mais en tout cas c'est mal formulé.
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
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- TSOS
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On peut comprendre la première partie du message comme un fait, une vérité générale que l'on énonce.
"Tout accusé convaincu de trahison sera exécuté."
"Toute cause aura un effet."
"Un printemps pluvieux et de faibles températures engendreront une baisse quantitative de la vendange."[sous-entendu: et c'est ce qu'il s'est passé cette année, bla bla, mais il a été possible de maintenir...]
"Tout accusé convaincu de trahison sera exécuté."
"Toute cause aura un effet."
"Un printemps pluvieux et de faibles températures engendreront une baisse quantitative de la vendange."[sous-entendu: et c'est ce qu'il s'est passé cette année, bla bla, mais il a été possible de maintenir...]
- Manni-Gédéon
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- Manni-Gédéon
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- Jacques-André-Albert
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Tout à fait, et vous pourrez lire avec profit cette page de Wikipedia.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
Pour moi, ce raisonnement est un syllogisme. Le plus célèbre des syllogismes est: Tous les hommes sont mortels; or tous les Grecs sont des hommes, donc tous les Grecs sont mortels.
Le syllogisme peut être un sophisme s'il cache un vice de raisonnement qui aboutit à une conclusion fausse (mais qui semble vraie selon les règles de la logique).
Dans l'exemple de Claude, c'est la deuxième proposition (Tout ce qui est rare est cher) qui n'est pas toujours exacte mais que l'on présente comme une vérité absolue, ce qui entraîne l'erreur de raisonnement. Au contraire, dans le syllogisme que j'ai donné en exemple, les deux propositions de départ ne souffrent aucune exception et la conclusion est donc juste.
Le syllogisme peut être un sophisme s'il cache un vice de raisonnement qui aboutit à une conclusion fausse (mais qui semble vraie selon les règles de la logique).
Dans l'exemple de Claude, c'est la deuxième proposition (Tout ce qui est rare est cher) qui n'est pas toujours exacte mais que l'on présente comme une vérité absolue, ce qui entraîne l'erreur de raisonnement. Au contraire, dans le syllogisme que j'ai donné en exemple, les deux propositions de départ ne souffrent aucune exception et la conclusion est donc juste.
Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet (Courteline)
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Oui, dans le monde de la grande truanderie vous avez oublié la finance, qui fut ma nourrice pendant toute ma vie professionnelle. :DJR a écrit :Bienvenue dans le monde réel, juridique, commercial, et politique (j'en oublie peut être).Jacques a écrit :Mais oui, sophisme : raisonnement trompeur, qui est faux malgré une apparence de logique.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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- Messages : 7437
- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
Je découvre ce sujet par hasard. C’était quelques mois avant que je fréquente Français notre belle langue. Un peu plus tard j’ai regretté moi-même ici l’emploi fantaisiste du futur.
Dans la première phrase que vous citiez, Jacques, celle sur Littré, on parle d’abord du lexicographe au présent (historique). On aurait pu continuer à le faire, me semble-t-il, en l’absence de l’adverbe jamais : je crois que sa présence impose le futur, qui ne me gêne pas.
Je suis d’accord avec vos observations sur le futur fautif de la phrase concernant les vendanges : ces dernières étaient faites au moment où la phrase était écrite, a fortiori lue par les destinataires de la lettre.
Mais on trouve des emplois plus fautifs encore du futur. Dans aucune des deux phrases citées on n’a de verbe au passé, or le futur est utilisé de plus en plus souvent en pareil contexte à la place du verbe devoir à l’imparfait suivi de l'infinitif. On rencontre facilement
Ce sportif, qui fut chétif pendant toute son enfance, battra le record de France en 2003
au lieu de
Ce sportif, qui fut chétif pendant toute son enfance, devait battre le record de France en 2003.
On parle aussi de futur dans le passé pour signifier que, dans un récit au passé, le futur de l’indicatif a été utilisé (correctement) et se demander comment le rapporter au style indirect : en pareil cas c’est bien sûr le conditionnel présent qui convient.
Style direct : « Viendras-tu demain ? » me demanda mon grand-père.
Style indirect : Mon grand-père me demanda si je viendrais le lendemain.
Dans la première phrase que vous citiez, Jacques, celle sur Littré, on parle d’abord du lexicographe au présent (historique). On aurait pu continuer à le faire, me semble-t-il, en l’absence de l’adverbe jamais : je crois que sa présence impose le futur, qui ne me gêne pas.
Je suis d’accord avec vos observations sur le futur fautif de la phrase concernant les vendanges : ces dernières étaient faites au moment où la phrase était écrite, a fortiori lue par les destinataires de la lettre.
Mais on trouve des emplois plus fautifs encore du futur. Dans aucune des deux phrases citées on n’a de verbe au passé, or le futur est utilisé de plus en plus souvent en pareil contexte à la place du verbe devoir à l’imparfait suivi de l'infinitif. On rencontre facilement
Ce sportif, qui fut chétif pendant toute son enfance, battra le record de France en 2003
au lieu de
Ce sportif, qui fut chétif pendant toute son enfance, devait battre le record de France en 2003.
On parle aussi de futur dans le passé pour signifier que, dans un récit au passé, le futur de l’indicatif a été utilisé (correctement) et se demander comment le rapporter au style indirect : en pareil cas c’est bien sûr le conditionnel présent qui convient.
Style direct : « Viendras-tu demain ? » me demanda mon grand-père.
Style indirect : Mon grand-père me demanda si je viendrais le lendemain.