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Marc81
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Message par Marc81 »

Jacques a écrit :Il serait intéressant de savoir pourquoi les erreurs d'impression sont appelées des coquilles.
Voici ce que l'on trouve dans le Dictionnaire historique de la langue française à ce sujet :
"Le sens figuré inattendu de "faute d'imprimerie" (1723) s'expliquerait soit par l'ancienne locution (1350) vendre ses coquilles "tromper" (en vendant des choses sans valeur), soit par allusion aux fausses coquilles Saint-Jacques de prétendus pèlerins ou, encore, à la forme de certaines lettres retournées, aucune de ces explications n'est sûre."
Je précise, pour la bonne compréhension, que coquille est d'abord apparu avec l'ancien sens figuré de "chose sans valeur".
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Jacques
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Message par Jacques »

C'est surprenant, car il n'en fait pas mention dans les autres éditions. Voici celles de 1694 (1e édition) :
ENNOBLIR. v. a. Rendre plus considerable, plus noble, plus illustre. Les sciences, les beaux arts ennoblissent une Langue.
ANOBLIR. v. a. Faire un homme noble. Le Roy l'a anobli par Lettres. ceux qui ont esté anoblis. il y a des charges qui anoblissent. En ce pays-là le ventre anoblit. Façon de parler, pour dire, que La noblesse se prend en ce pays-là du costé des femmes, que l'on y est reputé noble, pourveu qu'on soit né d'une mere noble.

et celle de 1878 (7e éd.) :
ENNOBLIR. v. a. (La première syllabe est nasale.) Donner de la noblesse, de l'élévation, de la dignité, du lustre. Il s'applique Aux personnes et aux choses. Ces sentiments vous ennoblissent à mes yeux. Il se flattait que le motif ennoblirait cette action coupable. Les sciences, les beaux-arts ennoblissent une langue. Ennoblir son style. Cette idée est commune, mais l'expression l'ennoblit. Ennoblir un terme, une expression par la manière de s'en servir. Ces vols heureux que l'on ennoblit du nom de conquêtes. On l'emploie aussi avec le pronom personnel. Dans ces contemplations, l'âme s'épure et s'ennoblit.
Il ne faut pas confondre Ennoblir avec Anoblir, qui signifie, Donner, conférer la noblesse.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques
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Message par Jacques »

Merci Marc, je n'avais pas eu le temps de consulter le Dictionnaire historique. le Robert des locutions et expressions fait aussi mention de vendre des coquilles.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Anne
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Message par Anne »

Marc81 a écrit :
Jacques a écrit :Il serait intéressant de savoir pourquoi les erreurs d'impression sont appelées des coquilles.
Voici ce que l'on trouve dans le Dictionnaire historique de la langue française à ce sujet :
"Le sens figuré inattendu de "faute d'imprimerie" (1723) s'expliquerait soit par l'ancienne locution (1350) vendre ses coquilles "tromper" (en vendant des choses sans valeur), soit par allusion aux fausses coquilles Saint-Jacques de prétendus pèlerins ou, encore, à la forme de certaines lettres retournées, aucune de ces explications n'est sûre."
Je précise, pour la bonne compréhension, que coquille est d'abord apparu avec l'ancien sens figuré de "chose sans valeur".
J'avais entendu une autre explication, un peu vulgaire, pardonnez-moi : la coquille serait le résultat d'un dérapage des doigts sur le clavier, il faut considérer le mot sans le q.

Cette hypothèse est certainement fantaisiste, mais elle correspond mieux que la vôtre, Marc, au sens de faute typographique du mot coquille. Je ne vois pas par quel glissement la vente trompeuse d'objets sans valeur serait devenue une faute d'imprimerie.
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Jacques
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Message par Jacques »

Anne, vous reprenez une anecdote qui est probablement un canular, et qu'on attribue à George Sand. L'écrivain avait décidé de rédiger un recueil des fautes d'imprimerie qui avaient frappé ses livres. Le recueil s'intitulait Mes coquilles, et l'imprimeur en avait commis une dans ce titre.
J'ai des doutes.
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

C'est un comble de ne pas vouloir entendre parler de q et de faire disparaître cette lettre dans le mot coquille.
Ça me fait penser à ces écoles religieuses du passé où, en récitant l'alphabet, et arrivant à la fameuse lettre, on disait : m, n, o, p, lettre honteuse, r, s, etc.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Jacques
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Message par Jacques »

Je n'étais pas au courant. Mais je me souviens vaguement d'avoir suivi des cours de fiscalité qui ne m'ont laissé aucun souvenir, sinon que le professeur nous avait cité un article de droit fiscal relatif à une nomenclature par lettres, où l'on passait du P au R.
Je me rappelle aussi une voisine, pas spécialement religieuse qui, me parlant de ses propres voisins, m'avais dit qu'ils s'appelaient QUINET. Comme je n'avais pas compris la première lettre, que je prenais pour un P, elle m'avait précisé : « Non, QUINET avec un que ».
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Manni-Gédéon
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Message par Manni-Gédéon »

Il me semble que ce serait une bonne idée d'ajouter anoblir et ennoblir au lexique des faux amis du vocabulaire français.
Qu'en pensez-vous ?
L'erreur ne devient pas vérité parce qu'elle se propage et se multiplie ; la vérité ne devient pas erreur parce que nul ne la voit.
Gandhi, La Jeune Inde
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Jacques
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Message par Jacques »

Le maître en la matière, c'est l'archiviste en chef.
Une autre histoire de faux amis : n'avez-vous jamais entendu, comme moi, parler de champignons venimeux ? Ce qui implique qu'il pourrait aussi exister des serpents vénéneux.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Claude
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Message par Claude »

Jacques a écrit :Le maître en la matière, c'est l'archiviste en chef.[...]
Mission accomplie avec succès par le maître et merci à manni-gedeon pour cet enrichissement du sujet. :lol:
cyrano
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Message par cyrano »

Jacques a écrit :Anne, vous reprenez une anecdote qui est probablement un canular, et qu'on attribue à George Sand. L'écrivain avait décidé de rédiger un recueil des fautes d'imprimerie qui avaient frappé ses livres. Le recueil s'intitulait Mes coquilles, et l'imprimeur en avait commis une dans ce titre.
J'ai des doutes.
Moi aussi, mais il y a peut-être un fond de vérité là-dessous. Il est possible que les imprimeurs et les professionnels de la presse, jouant sur la proximité typographique entre coquille et son équivalent sans q, si j'ose dire, aient utilisé ce terme par dérision, justement pour faire allusion à l'autre mais sans le prononcer. Une coquille, c'est en fait une c... mais avec un Q en trop (et le fait que ce soit justement cette lettre à la sonorité grivoise a pu ajouter au comique). Il y a d'autres exemples - mais ils ne me reviennent pas à l'esprit pour l'instant - de termes apparemment innocents qui désignent en fait un mot obscène.

Le fait que coquille ait signifié aussi "chose sans valeur" en argot, comme le signale Marc, a pu renforcer cet usage. Quand une étymologie n'est pas clairement établie, il y a souvent une conjonction entre plusieurs origines, qui finissent par fusionner à un moment donné.

Mais l'anecdote du livre de George Sand est très probablement une légende.
Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet (Courteline)
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JR
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Message par JR »

Il aurait fallu dire quenouille, et non coquille ! :)

http://dialogueame.forumactif.org/t7952 ... en-dyspepsie
L’ignorance est mère de tous les maux.
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Claude
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Message par Claude »

Jacques-André-Albert a écrit :[...] Ça me fait penser à ces écoles religieuses du passé où, en récitant l'alphabet, et arrivant à la fameuse lettre, on disait : m, n, o, p, lettre honteuse, r, s, etc.
J'étais dans une école publique et l'année scolaire où l'on apprenait l'alphabet on disait petit KE pour C et grand KE pour Q.
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Jacques
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Message par Jacques »

Claude a écrit :
Jacques-André-Albert a écrit :[...] Ça me fait penser à ces écoles religieuses du passé où, en récitant l'alphabet, et arrivant à la fameuse lettre, on disait : m, n, o, p, lettre honteuse, r, s, etc.
J'étais dans une école publique et l'année scolaire où l'on apprenait l'alphabet on disait petit KE pour C et grand KE pour Q.
Ces euphémismes puritains sont d'un ridicule achevé.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Jacques
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Message par Jacques »

cyrano a écrit :Une coquille, c'est en fait une c... mais avec un Q en trop (et le fait que ce soit justement cette lettre à la sonorité grivoise a pu ajouter au comique). Il y a d'autres exemples - mais ils ne me reviennent pas à l'esprit pour l'instant - de termes apparemment innocents qui désignent en fait un mot obscène.
Il y en a un qui me vient à l'esprit, c'est la formule créée par Vaugelas : « J'appelle un chat un chat ».
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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