Poser problème
- TSOS
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Poser problème
Je poste ceci dans stylistique en supposant qu'il s'agisse d'une question de style:
Il me fut reproché en ces lieux, jadis, de parler "petit nègre" lorsque j'utilisai l'expression "poser problème".
"Certes", pensai-je alors, "si l'absence du vocable "un" est si choquante pour certains (ce que j'ignorais jusqu'alors), alors je vais m'abstenir de parler "petit nègre" et de dire "poser problème" à l'avenir".
Seulement voilà, les jours ayant passé, l'eau ayant coulé sous les ponts, j'ai remarqué d'autres expressions du même style, et je me demandais, tout simplement, si elles vous choquaient tout autant, ou moins que "poser problème".
Il s'agit par exemple de:
"mériter vengeance"
"demander réparation"
Qu'en pensez-vous, donc? Je suis curieux de le savoir...
Il me fut reproché en ces lieux, jadis, de parler "petit nègre" lorsque j'utilisai l'expression "poser problème".
"Certes", pensai-je alors, "si l'absence du vocable "un" est si choquante pour certains (ce que j'ignorais jusqu'alors), alors je vais m'abstenir de parler "petit nègre" et de dire "poser problème" à l'avenir".
Seulement voilà, les jours ayant passé, l'eau ayant coulé sous les ponts, j'ai remarqué d'autres expressions du même style, et je me demandais, tout simplement, si elles vous choquaient tout autant, ou moins que "poser problème".
Il s'agit par exemple de:
"mériter vengeance"
"demander réparation"
Qu'en pensez-vous, donc? Je suis curieux de le savoir...
- Jacques-André-Albert
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- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
- Localisation : Niort
Dès l'ancien français, on omet l'article dans certaines locutions verbales : avoir faim, faire peur, prendre congé, etc. Les créations modernes semblent échapper à cette particularité :
Comparez « avoir peur » et « avoir la trouille »
« prendre congé » et « prendre des vacances »
« raison garder » et « garder la tête froide », etc.
Comme on peut le voir ici, « poser problème » est apparu à une époque récente, et reprend un schéma ancien qui n'est plus productif parce qu'archaïque. C'est sans doute cette reprise injustifiée d'une formulation ancienne qui peut choquer. Inversement, on perçoit comme du mauvais langage l'expression « avoir la honte », qui impose une construction moderne à l'expression ancienne « avoir honte » ; « avoir trouille » paraîtrait aussi incongru.
[mon message est parti en même temps que celui de Jacques ]
Comparez « avoir peur » et « avoir la trouille »
« prendre congé » et « prendre des vacances »
« raison garder » et « garder la tête froide », etc.
Comme on peut le voir ici, « poser problème » est apparu à une époque récente, et reprend un schéma ancien qui n'est plus productif parce qu'archaïque. C'est sans doute cette reprise injustifiée d'une formulation ancienne qui peut choquer. Inversement, on perçoit comme du mauvais langage l'expression « avoir la honte », qui impose une construction moderne à l'expression ancienne « avoir honte » ; « avoir trouille » paraîtrait aussi incongru.
[mon message est parti en même temps que celui de Jacques ]
Dernière modification par Jacques-André-Albert le ven. 30 nov. 2012, 21:56, modifié 5 fois.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Cette expression, « poser problème », a le don de m'irriter fortement. D'abord, ce mot problème est accommodé à toutes les sauces et remplace une multitude d'autres mieux adaptés. Un problème c'est essentiellement mathématique : l'énoncé d'un résultat à atteindre et la demande d'un moyen pour y parvenir. On n'a pas des problèmes d'argent mais des difficultés financières ; on n'a pas des problèmes cardiaques mais des maladies ou des anomalies cardiaques ; il n'y a pas de problèmes de circulation mais des embarras (ou des bouchons, des embouteillages) ; on n'a pas des problèmes de peau mais des lésions cutanées ; il n'y a pas de problèmes de famille mais des ennuis familiaux, pas non plus de problèmes psychologiques, mais des troubles, etc.
Malheureusement, l'Académie elle-même tombe dans le piège et emploie parfois le mot problème pour parler de difficultés. Bref, poser problème, hormis l'impropriété, c'est pour moi aussi du style petit-nègre, parce que ce terme s'emploie toujours avec l'article défini ou indéfini, et qu'en mathématiques, dans son vrai sens, on dit bien « poser un problème ». On n'emploie jamais le mot seul sans l'article.
Dans le même esprit, on ne doit pas non plus remplacer « pose problème » par « pose question », ou, comme je l'ai entendu « fait question ».
Ce qui nous amènera à nous interroger sur l'expression à la mode : Telle chose fait débat.
On dit mériter une revanche, mais je n'ai jamais entendu « mériter vengeance ». Demander réparation oui, parce que cette réparation dont il est question est prise au sens figuré : compensation pour un dommage qui a été causé. A sens propre, matériel, (remise en état) on emploie l'article, une ou des.
D'autres avis s'exprimeront peut-être, différents du mien ou en contradiction. Je suis curieux de connaître les arguments qui offriraient une autre vision.
JAA nous nous sommes croisés.
Malheureusement, l'Académie elle-même tombe dans le piège et emploie parfois le mot problème pour parler de difficultés. Bref, poser problème, hormis l'impropriété, c'est pour moi aussi du style petit-nègre, parce que ce terme s'emploie toujours avec l'article défini ou indéfini, et qu'en mathématiques, dans son vrai sens, on dit bien « poser un problème ». On n'emploie jamais le mot seul sans l'article.
Dans le même esprit, on ne doit pas non plus remplacer « pose problème » par « pose question », ou, comme je l'ai entendu « fait question ».
Ce qui nous amènera à nous interroger sur l'expression à la mode : Telle chose fait débat.
On dit mériter une revanche, mais je n'ai jamais entendu « mériter vengeance ». Demander réparation oui, parce que cette réparation dont il est question est prise au sens figuré : compensation pour un dommage qui a été causé. A sens propre, matériel, (remise en état) on emploie l'article, une ou des.
D'autres avis s'exprimeront peut-être, différents du mien ou en contradiction. Je suis curieux de connaître les arguments qui offriraient une autre vision.
JAA nous nous sommes croisés.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Votre observation est intéressante. Cela ne m'avait jamais frappé, mais maintenant que vous le dites, je pense à d'autres exemples, comme "avoir faim (expression classique)/avoir la dalle (expression moderne et familière)".Jacques-André-Albert a écrit :Dès l'ancien français, on omet l'article dans certaines locutions verbales : avoir faim, faire peur, prendre congé, etc. Les créations modernes semblent échapper à cette particularité :
Comparez « avoir peur » et « avoir la trouille »
« prendre congé » et « prendre des vacances »
« raison garder » et « garder la tête froide », etc.
Comme on peut le voir ici, « poser problème » est apparu à une époque récente, et reprend un schéma ancien qui n'est plus productif parce qu'archaïque. C'est sans doute cette reprise injustifiée d'une formulation ancienne qui peut choquer. Inversement, on perçoit comme du mauvais langage l'expression « avoir la honte », qui impose une construction moderne à l'expression ancienne « avoir honte » ; « avoir trouille » paraîtrait aussi incongru.
En somme, si je vous suis, on pourrait donc défendre l'argument selon lequel "poser problème" (mais aussi "poser question", "faire débat"...) renoue avec un type de construction classique et tout à fait respectable?
J'ai tendance moi aussi à éviter ces expressions, qui semblent être du français relâché, mais c'est comique de se dire qu'en fait elles appartiennent peut-être à un niveau de langue plus soigné que leur équivalent avec l'article.
Passer pour un idiot aux yeux d'un imbécile est une volupté de fin gourmet (Courteline)
- Jacques-André-Albert
- Messages : 4482
- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
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Je dirais plutôt qu'elles appartiennent à un état plus ancien de la langue. Il en est de même pour les expression populaires (encore vivantes dans l'Ouest, tout du moins) « est-i v'nu ? », « ça vat-i », prononciations anciennes de « est-il venu ? » et « cela va-t-il ? », qui datent d'une époque où la consonne finale de nombreux mots ne se faisait pas entendre : ainsi dans fusil, persil, sourcil, nombril, etc. ; dans cinq, six, sept, huit, neuf, dix ; plus anciennement dans ours, arc, bief, et même, devant la voyelle initiale du mot suivant, avec, soif, fils, moult.cyrano a écrit :J'ai tendance moi aussi à éviter ces expressions, qui semblent être du français relâché, mais c'est comique de se dire qu'en fait elles appartiennent peut-être à un niveau de langue plus soigné que leur équivalent avec l'article.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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- Jacques-André-Albert
- Messages : 4482
- Inscription : dim. 01 févr. 2009, 8:57
- Localisation : Niort
Oui, et cette prononciation, répandue en pays d'oc, existait en pays d'oïl à la renaissance, si j'en crois mon Histoire de la langue française (J. Pichoche et CH. Marchello-Nizia, chez Nathan université).Claude a écrit :Avé le petit doigt par exemple ?Jacques-André-Albert a écrit :[...] et même, devant la voyelle initiale du mot suivant, avec, soif, fils, moult.
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(Montaigne - Essais, I, 24)
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- Hippocampe
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- Inscription : dim. 17 avr. 2011, 18:15
"D'abord, ce mot problème est accommodé à toutes les sauces et remplace une multitude d'autres mieux adaptés."
Que dire de problématique?
Ma problématique est que je suis en retard...
Que dire de problématique?
Ma problématique est que je suis en retard...
Car le feu s'est éteint, les oiseaux se sont tus et Ceinwein est partie.
La faim est l'avenir de l'homme, je préférais quand c'était la femme.
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- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Je crois que vous me citez. Il me semble que problématique appartient au vocabulaire de la psychiatrie, et peut-être aussi à celui de la philosophie. Il ne ferait donc pas partie du langage courant.Hippocampe a écrit :"D'abord, ce mot problème est accommodé à toutes les sauces et remplace une multitude d'autres mieux adaptés."
Que dire de problématique?
Ma problématique est que je suis en retard...
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Hippocampe
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