Évolution des noms de famille

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Perkele
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Évolution des noms de famille

Message par Perkele »

Au gré de mon petit passe temps généalogique, j'ai pu constater dans l'est du pays de langue d'oc :

1. Une féminisation des noms de famille (d'origine latine seulement), effet persistant sans doute des registres tenus en latin (chose qui n'aurait dû* plus être faite depuis l'édit de Villers-Cotterêts) et leur transmission sous cette forme lorsque le père d'un enfant était inconnu.
Nous avons donc dans une même famille des Ferrier et des Ferrière, des Chabrier et des Chabrière, des Aubanel et des Abanelle, des Martinet et des Martinette, des Magnan et des Magnanelle, des Chanoux et des Chanousse, etc.
Je n'ai pas constaté ce phénomène lors de mes recherches dans le Sud-Ouest, en Bretagne et en Lorraine.

2. Dans la consultation de registres tenus en latin, une étymologie insoupçonnée du nom de famille. Ainsi des Alègre que j'imaginais très gais se sont révélés des ailiers, leur nom latin étant Alarius (ou Alaria pour les filles) :shock:
J'imagine donc à l'origine de cette famille, un soldat romain sédentarisé.

3. Cela dit, un phénomène mieux connu est la fantaisie des scribes qui orthographiaient les noms en fonction de ce qu'ils croyaient avoir lu ou entendu (les illettrés étant nombreux parmi nos ancêtres jusqu'au XIXe siècle). Des Lefebvre ont pu devenir soit des Lefèvre soit des Lefébure ; des Leclerc peuvent avoir la même origine que des Leclère voire des Leclaire et cela pour les noms les plus simples.

Pour ceux que l'étymologie pourrait intéresser...

__________
* Aurais-je dû placer ce "dû" après le "plus" ?
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Oui cela m'intéresse, mais je n'ai pas pu remonter bien loin, juste aux grands-parents, alors j'ai laissé tomber. Pour Lefèvre il y a aussi une variante Lefeuvre ; nous en avons connu un.
Quand nous avons réglé la succession de ma mère, le clerc qui a traité le dossier était une demoiselle Minard. Comme elle ignorait l'origine de son patronyme, je lui ai proposé de chercher : à l'origine nous avons le prénom Jacques (beaucoup de noms de famille furent des prénoms). Celui-ci a donné le diminutif Jacquemin qui, par aphérèse et ajout d'une terminaison, a produit Minard, soit un hypocoristique, soit une variante dépréciative car la désinence -ard est très souvent péjorative. Le même prénom Jacques a donné Jacquard, dont le sens péjoratif ne laisse pas place au doute : Jacquard c'est littéralement braillard, et on trouve là un rapport direct avec les jacques, surnom donné aux paysans qui furent à l'origine de la révolte appelée jacquerie.
Mon patron (le méchant, pas l'autre) s'appelait Massonaud. À l'origine nous avons le prénom Thomas qui engendre le diminutif Thomasson, lequel par aphérèse devient Masson qui donne l'hypocoristique Massonaud.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Perkele
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Message par Perkele »

Savez-vous que de nombreuses régions ont enfin mis leurs archives numérisées en ligne ?
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Jacques
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Message par Jacques »

Perkele a écrit :Savez-vous que de nombreuses régions ont enfin mis leurs archives numérisées en ligne ?
C'est intéressant, il faudra que je voie cela. Mais mes origines se répartissent entre la Bourgogne, les Ardennes, l'Alsace et la Belgique, chacune de ces parties à 25%.
Dernière modification par Jacques le mer. 02 janv. 2013, 11:56, modifié 2 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Perkele
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Message par Perkele »

Il suffit d'aller de département en département : La carte de numérisation des archives départementales
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Jacques
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Message par Jacques »

Merci, je garde précieusement ce lien.
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Claude
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Re: Évolution des noms de famille

Message par Claude »

Perkele a écrit :[...] (chose qui n'aurait dû* plus être faite depuis l'édit de Villers-Cotterêts)[...]
* Aurais-je dû placer ce "dû" après le "plus" ?
Allons-y pour une chacalerie : je déplace la négation, ce qui nous donne « chose qui aurait dû ne plus être faite... »
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Perkele
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Message par Perkele »

Signé Claude le chacal :twisted:
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Jacques-André-Albert
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Re: Évolution des noms de famille

Message par Jacques-André-Albert »

Perkele a écrit :Cela dit, un phénomène mieux connu est la fantaisie des scribes qui orthographiaient les noms en fonction de ce qu'ils croyaient avoir lu ou entendu (les illettrés étant nombreux parmi nos ancêtres jusqu'au XIXe siècle). Des Lefebvre ont pu devenir soit des Lefèvre soit des Lefébure ; des Leclerc peuvent avoir la même origine que des Leclère voire des Leclaire et cela pour les noms les plus simples.
Le cas des variantes Lefèvre, lefebvre, lefébure n'est pas dû à la fantaisie des scribes :
- dès la fin du moyen âge, et encore plus à la renaissance, des lettres correspondant à l'étymologie latine sont réintroduites, d'où Lefebvre, du latin faber. Ces ajouts seront partiellement supprimés à partir du dix-septième siècle. Les rédacteurs des actes paroissiaux se contentaient d'écrire comme ils l'avaient appris au collège ou à l'université, et pouvaient transcrire Lefebvre ce qu'ils entendaient Lefèvre.
- jusqu'à la fin du dix-septième siècle, on écrivait de la même façon u et v, i et j, selon la graphie héritée des latins, qui ignoraient j et v. Ça ne veut pas dire qu'on prononçait Lefébure. Encore une fois, l'officiant entendait Lefèvre et écrivait Lefébure.
C'est plus tard, après l'introduction du v (et du j) dans l'écriture, que des mauvaises lectures, du fait de personnes qui ne savaient plus bien lire les anciennes écritures, ont conduit à la prononciation Lefébure.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Ces questions d'étymologie sont passionnantes.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Perkele
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Message par Perkele »

J'ai trouvé dans une même lignée des Braïc, des Brahic, des Braïque, des Braÿc (pour les plus courant).

En Bretagne c'est l'article qui est présent ou omis voire reste breton (ar). C'est également les finales avec ou sans apostrophe Créach ou Créac'h. Et aussi des Quéméner devenant des Quémeneur.

Une autre particularité en Bretagne, c'est par exemple des Gral devenus Abgral (fils de Gral) la génération suivante et pour les générations à venir.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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Klausinski
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Message par Klausinski »

Perkele a écrit :Une autre particularité en Bretagne, c'est par exemple des Gral devenus Abgral (fils de Gral) la génération suivante et pour les générations à venir.
Heureusement que l'on s'arrêtait à la génération suivante. Autrement, nous aurions peut-être aujourd'hui des Ababababgral.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
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Jacques-André-Albert
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Message par Jacques-André-Albert »

L'absence d'orthographe dans les noms de famille jusqu'à la fin du dix-neuvième siècle nous en apprend beaucoup sur la prononciation d'il y a deux ou trois siècles. Dans les Hauts-de-Seine, je trouve des Moriot également écrits Moriotte, un dénommé Robert Richard qui s'obstine à signer Robart, le nom Gromet qui devient Gromé. Dans le Nord, j'ai vu un François qui signait son prénom en patois : Frincho.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
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Hippocampe
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Message par Hippocampe »

Le connais une Lefaivre.

Je signale l'étonnant nom breton Salaün qui se prononce Salin. En Bretagne toujours, on trouve des Cleac'h et des Guivarc'h (prononcer comme le ach allemand) dont certains ont perdu le ' au gré des fonctionnaires aux écritures.

J'aurais beaucoup aimé avoir un ÿ dans mon nom.
Car le feu s'est éteint, les oiseaux se sont tus et Ceinwen est partie.
GB-91
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Message par GB-91 »

Félix Nadar, descendant de parents lyonnais, s’appelait en réalité Tournachon. Son père était libraire et imprimeur à Lyon puis à Paris. Photographe, touche-à-tout, on lui doit la première photo aérienne prise au-dessus du quartier de Javel à Paris depuis la nacelle d’un ballon à gaz. Un personnage pittoresque comme il y en avait un grand nombre au Second Empire jusqu’à la Belle Époque.
Ses amis artistes, le surnommaient Tournadar à cause de son habitude de rajouter à la fin de chaque mot de ses phrases la terminaison dar, d'une manière tout à fait fantaisiste, puis une abréviation transforma ce tic en pseudonyme Nadar.
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