« Enlève tes chaussons, mets tes chaussures ! »
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« Enlève tes chaussons, mets tes chaussures ! »
On voit sans doute où je veux en venir : une évolution de la langue vers l’idée que les pantoufles, chaussons, charentaises et autres savates ne seraient pas des chaussures et la réduction de sens de « chaussure » vers l’acception de « soulier », ce dernier mot tombant en désuétude. Ces phénomènes se déroulent sous nos yeux, je n’en comprends guère les raisons. Il me semble que le mot « soulier », que je m’entête à employer tout en guettant le sourire de mon interlocuteur, ne posait aucun problème jusque dans les années cinquante, soixante. Qui proposera des éléments explicatifs autres que ceux qui me viennent à l’esprit, mais me paraissent faibles ? Le son « ou » est peut-être ressenti comme « lourd », d’une part, et le mot évoquerait d’autre part les désagréments de la Deuxième Guerre mondiale et des années qui l’ont suivie.
- Jacques-André-Albert
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Enfant dans les années cinquante, à vingt kilomètres de Paris, je n'entendais parler que de chaussures, sauf dans la bouche de mon père, qui venait du Nord, et qui ne connaissait que soulier, mot qu'il a continué d'utiliser jusqu'à ses derniers jours.
Il faudrait faire une enquête sur l'emploi des différents mots qui désignent la chaussure, mais je suis presque sûr qu'on trouverait le mot chaussure à Paris, et plutôt soulier en province. C'est un phénomène bien connu de ceux qui fréquentent les atlas linguistiques : un centre innovant refoule à la périphérie, plus conservatrice, les mots plus anciens.
Une semblable enquête pourrait porter sur les verbes enlever, retirer, ôter, etc. et bien d'autres mots.
Il faudrait faire une enquête sur l'emploi des différents mots qui désignent la chaussure, mais je suis presque sûr qu'on trouverait le mot chaussure à Paris, et plutôt soulier en province. C'est un phénomène bien connu de ceux qui fréquentent les atlas linguistiques : un centre innovant refoule à la périphérie, plus conservatrice, les mots plus anciens.
Une semblable enquête pourrait porter sur les verbes enlever, retirer, ôter, etc. et bien d'autres mots.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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Est-ce que dans les années cinquante, en région parisienne, un marchand de chaussures pouvait vendre autre chose que des souliers ? Je suis presque certain de la réponse affirmative. D’où une autre question que je me pose : est-ce que ceux qui employaient le mot « chaussure » dans son sens restreint se rendaient compte de la possibilité de son emploi dans une acception plus large ?
- Islwyn
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À mes débuts dans l'apprentissage de la langue française (1958), le mot « soulier » était le seul à signifier ce qu'on chaussait dans la vie quotidienne. « Chaussure », par contre, était un terme générique, dont le sens recouvrait bottes, bottines, et oui souliers. « Le chausseur sachant chausser » est pour quelque chose dans l'adoption du terme pour signifier « soulier ». Quant à « godasse »...
J'ajoute tardivement que « chausson » ne signifiait pour moi qu'une espèce de pâtisserie, je fus donc tout ébaubi de m'entendre dire par la concierge que dans le studio que je louais le port du chausson était obligatoire...
J'ajoute tardivement que « chausson » ne signifiait pour moi qu'une espèce de pâtisserie, je fus donc tout ébaubi de m'entendre dire par la concierge que dans le studio que je louais le port du chausson était obligatoire...
Dernière modification par Islwyn le sam. 23 mars 2013, 11:57, modifié 1 fois.
Quantum mutatus ab illo
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- Jacques-André-Albert
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Je peux répondre par la négative : on allait chez le marchand de chaussures acheter des chaussures, c'est à dire des objets en cuir destinés à couvrir le pied, et munis d'une semelle et de lacets. On distinguait chaussures basses et chaussures montantes. Chaussure avait donc déjà un sens précis, et en entendant le mot on ne pensait pas à chaussettes, ni à chaussons, ni même à bottes.André (Georges, Raymond) a écrit :Est-ce que dans les années cinquante, en région parisienne, un marchand de chaussures pouvait vendre autre chose que des souliers ? Je suis presque certain de la réponse affirmative. D’où une autre question que je me pose : est-ce que ceux qui employaient le mot « chaussure » dans son sens restreint se rendaient compte de la possibilité de son emploi dans une acception plus large ?
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(Montaigne - Essais, I, 24)
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- Jacques
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je ne m'en souviens plus. Mais il me semble que souliers désignait plutôt, dans la langue populaire, ce que l'on mettait spécialement le dimanche ou dans les grandes occasions. C'était une chaussure noble.André (Georges, Raymond) a écrit :Est-ce que dans les années cinquante, en région parisienne, un marchand de chaussures pouvait vendre autre chose que des souliers ?
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Jacques-André-Albert
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Pour moi, le soulier c'était la façon de désigner la chaussure par mon père et mes grands-parents paternels, et aussi dans les contes de fées. Si je le ressentais ainsi, c'est que ni ma mère, ni mes grands-parents maternels, parisiens, ni mes copains d'école n'employaient le mot soulier.
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Mon étonnement est immense de constater que les bottes ne seraient plus des chaussures depuis longtemps en région parisienne, à supposer même qu'elles en aient été à un moment quelconque.Jacques-André-Albert a écrit :Je peux répondre par la négative : on allait chez le marchand de chaussures acheter des chaussures, c'est à dire des objets en cuir destinés à couvrir le pied, et munis d'une semelle et de lacets. On distinguait chaussures basses et chaussures montantes. Chaussure avait donc déjà un sens précis, et en entendant le mot on ne pensait pas à chaussettes, ni à chaussons, ni même à bottes.
Pour ce qui est du chausson, le Robert DHLF explique que le mot « a désigné des espèces de chaussettes portées sous le soulier, avant de devenir le nom de chaussures souples que l’on porte généralement chez soi » et que la pâtisserie a été appelée ainsi par analogie de forme avec la chaussure.
- Perkele
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- Localisation : Deuxième à droite après le feu
Moi, j'ai été étonnée de voir désigner "chaussons" des objets que j'appelais "pantoufles" (les chaussons étant tricotés et destinés aux nourrissons).
J'ai été encore plus étonnée de les voir appeler "patins" dans la famille de mon mari, ce que j'appelais "patins" devenant "patinettes"...
Sinon "chaussures" (qui se chaussent) et "souliers" (qui servent à aller sur le sol) sont interchangeables pour moi.
J'ai été encore plus étonnée de les voir appeler "patins" dans la famille de mon mari, ce que j'appelais "patins" devenant "patinettes"...
![[confus] :?](./images/smilies/icon_confused.gif)
Sinon "chaussures" (qui se chaussent) et "souliers" (qui servent à aller sur le sol) sont interchangeables pour moi.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
En soulevant ce problème de l’emploi du mot « chaussures » j’étais persuadé de rencontrer un assentiment total sur ma manière de voir les choses ! D’où l’immense étonnement dont j’ai parlé et que je ne peux que confirmer. Les dictionnaires que je possède considèrent comme moi que les bottes, les chaussons, les pantoufles, les espadrilles, les brodequins, les sandales, les sandalettes… sont des chaussures, les souliers étant parmi elles un modèle « résistant(e) à tige basse » (Larousse) pour lequel je ne trouve aucun synonyme exact.
- Perkele
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
- Localisation : Deuxième à droite après le feu
J'ai remarqué à plusieurs occasion que le langage courant évoluait en fonction des doublages de films américains.
Je m'explique : "chaussures" s'adapte mieux au mouvement de lèvres que nécessite "shoes" ; ce mot tend donc à supplanter "souliers. De même "Je l'ignore" s'adapte mieux à "I don't know" que "Je ne sais pas"...
Je m'explique : "chaussures" s'adapte mieux au mouvement de lèvres que nécessite "shoes" ; ce mot tend donc à supplanter "souliers. De même "Je l'ignore" s'adapte mieux à "I don't know" que "Je ne sais pas"...
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En formulant ces phrases je pensais aux magasins de la Sarthe où mes parents faisaient leurs achats de chaussures, à la même époque, pour eux et leurs enfants : on n’y trouvait pas que des souliers, mais aussi des sandales, des espadrilles et (j’en suis moins sûr) des bottes, des bottines et des pantoufles.André (Georges, Raymond) a écrit :Est-ce que dans les années cinquante, en région parisienne, un marchand de chaussures pouvait vendre autre chose que des souliers ? Je suis presque certain de la réponse affirmative.