Défection

[Jacques]

Une personne qui fréquentait le forum a décidé de s’en retirer. Claude a reçu un courriel avec des explications détaillées. J’en extrais des passages qui m’ont frappé :
J’avais l'impression de tourner en rond dans des échanges sur des usages contemporains et « limites », dont on sait que j'ai plutôt tendance à les tolérer alors que la tendance générale du forum consiste à les condamner.
J'avais parfois l'impression de me faire taper sur les doigts comme un élève turbulent…
Je vais être franc : soit on tolère une grande diversité d'opinions (je sais que, théoriquement, chaque opinion peut être librement défendue sur le forum, mais en pratique il y a bel et bien une ligne dont il est imprudent de s'écarter) et on a un forum vivant ; soit on joue aux gardiens du temple et de l'orthodoxie linguistique, on décourage les trublions et on reste donc entre soi, avec un forum bien correct mais qui a du mal à se renouveler et qui finit par devenir ennuyeux.

Il y a des termes qui reviennent souvent sur mon clavier : liberté d’opinion, liberté d’expression, tolérance, respect de la pensée d’autrui. Il faut que chacun ici puisse dire sans hésiter « Je n’aime pas ceci ou cela » sans que quelqu’un porte un jugement de valeur en le taxant d’intransigeance, d’un excès de sévérité, de jugement péremptoire, toutes choses qui ont été exprimées au fil des ans par divers participants. Je me rappelle notamment un certain O.... dont c’était un peu le sport favori, et d’autres dont j’ai oublié les noms.
Il faut de même pouvoir se prononcer en faveur d’une pratique qui ne plaît pas à tout le monde, ou de tel néologisme contesté, de telle tournure critiquée, sans se faire lapider.
Aucun de nous ne détient la vérité incontestable. Nous sommes des amateurs, avec leurs faiblesses et leurs lacunes.
Je ne prétends pas avoir été toujours impeccable de ce côté, il m’est arrivé de m’indigner parce qu’Untel défendait une formule ou un mot qui m’agace. Il est nécessaire d’être attentif à autrui, et d’accueillir avec bienveillance les prises de position des autres, fussent-elles opposées à nos propres convictions, sans nous lancer dans l’arène ou faire un procès à celui avec qui nous sommes en désaccord.
Je ne cautionne pas spécialement les arguments de la personne en question, je lui en laisse la pleine responsabilité ; je dis juste qu’ils ont retenu notre attention et qu’il y a peut-être un enseignement à en tirer.
Ce membre du forum n’a pas dit non plus qu’il nous quitte définitivement, mais il serait peut être sympathique de lui donner bonne impression en vue d’encourager son éventuel retour.

[André (G., R.)]

Je souhaite vivement que la personne qui a l’impression de se « faire taper sur les doigts comme un élève turbulent » ne s’en aille pas définitivement. Un nouveau venu sur le forum est frappé par le ton passionné de certaines interventions, mais cela ne va pas, en ce qui me concerne, jusqu’à cette impression.

[Hippocampe]

Dommage.

[Klausinski]

Je pense, comme Jacques, que toute opinion concernant un fait de langue doit être admise, du moment qu'elle est exprimée avec la modération qui convient. Quand je dis qu'elle doit être admise, j'entends qu'elle peut être exprimée librement et qu'elle ne sera pas supprimée du forum. Toutefois, il est évident que les arguments qui vont à l'encontre de cette opinion sont également admis s'ils sont eux aussi exprimés avec modération. C'est le principe d'une discussion et c'est ce qui en fait la richesse.

Il y a certes sur ce forum une tendance à la méfiance vis-à-vis des nouveaux usages. La plupart des contributeurs estiment qu'un fait de langue ne doit pas être avalisé dès son apparition, mais que l'on doit d'abord l'évaluer selon un certain nombre de critères. Cette méfiance me paraît naturelle. Si l'on accepte tout, on peut aussi bien retirer l'adjectif « belle » du nom de ce forum, car la beauté suppose la sélection. Si la tendance est à la méfiance et au refus, c'est justement par désir de préserver cette beauté de la langue française. C'est ainsi que certaines réactions, qui pourraient être jugées puristes, doivent être comprises. C'est à la personne qui défend un fait de langue nouveau et « limite » de soigner son argumentation. Qu'elle ait la majorité contre elle ne doit pas la décourager, elle doit voir cela comme un défi qui rend l'exercice argumentatif plus intéressant.

Pour ma part, je me considère comme tolérant et quand j'exprime mon indulgence vis-à-vis d'une formule contemporaine critiquée, je n'ai pas le sentiment de me heurter à un mur de briques. J'ai l'impression, au contraire, que l'on écoute mes arguments et qu'on les discute.

[shokin]

Nous sommes des amateurs, avec leurs faiblesses et leurs lacunes.

Est-ce que la tournure Nous sommes des amateurs, avec nos faiblesses et nos lacunes. est préférable ? Ou encore :

Avec nos faiblesses et nos lacunes, nous sommes des amateurs.

Mais sûrement pas :

Avec leurs faiblesses et leurs lacunes, nous sommes des amateurs.

Nous ne sommes pas impeccables. Vivent les peccadilles !

Nous ne sommes pas manichéens, ni Manès, ni Manet, ni Monet, mais monnaie courante.

[Jacques]

Nous sommes des amateurs, avec leurs faiblesses et leurs lacunes.

Est-ce que la tournure Nous sommes des amateurs, avec nos faiblesses et nos lacunes. est préférable ?

Les deux sont corrects, c'est l'accord d'intention : il se fait soit sur nous 1e personne, soit sur amateurs 3e personne.

[shokin]

Merci. Nous avons donc le choix.

Après, nous pouvons imaginer des distorsions stylistiques :

Nous, êtres éphémères, avec nos vices et nos vertus, devenons des morts éternels, avec leur sagesse et leur sérénité.

[Jacques]

Bel exemple de phrase littéraire (et philosophique).

[Manni-Gédéon]

Je n'ai pas l'impression que ce forum réprime les opinions minoritaires, mais je pense que les personnes qui considèrent comme l'évolution de la langue ce qu'une majorité d'entre nous considèrent comme sa dégénérescence doivent rapidement se sentir incompris et même désapprouvés.