IL A ÉTÉ PARIER
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IL A ÉTÉ PARIER
Un sujet qu’il me semble bien avoir vu traité quelque part sur ce site. Mais je n’en suis pas strictement certain et n’ai aucune idée de ses éventuelles conclusions.
Dans une émission de télévision récente sur les courses de chevaux, une femme disait au journaliste : « Mon mari, il a été parier. »
Le verbe « être » au passé composé et au plus-que-parfait peut facilement prendre le sens d’ « aller » en langage populaire. On m’a parfois dit que « a été » est toujours fautif, même non suivi d’un verbe à l’infinitif ! Il serait tout de même triste que le verbe n'ait plus de passé composé ! À l’inverse certains considèrent la tournure comme correcte. Qu’en pensez-vous ?
Dans une émission de télévision récente sur les courses de chevaux, une femme disait au journaliste : « Mon mari, il a été parier. »
Le verbe « être » au passé composé et au plus-que-parfait peut facilement prendre le sens d’ « aller » en langage populaire. On m’a parfois dit que « a été » est toujours fautif, même non suivi d’un verbe à l’infinitif ! Il serait tout de même triste que le verbe n'ait plus de passé composé ! À l’inverse certains considèrent la tournure comme correcte. Qu’en pensez-vous ?
- Jacques
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L'Académie donne cet avis :
Être s’emploie parfois dans le sens du verbe aller :
- dans l’usage littéraire au passé simple et au subjonctif imparfait ;
- dans l’usage familier aux temps composés.
Cet emploi est attesté chez des contemporains tels que F. Mauriac, J. Green, M. Tournier. Il remonte aux origines de la langue ; on le rencontrait déjà en latin. Molière, Bossuet, Montesquieu en offrent des exemples, ainsi que Voltaire, qui pourtant le condamnait chez Corneille.
Dans l'usage littéraire, je suppose qu'il s'agit de constructions comme Il s'en fut à l'étranger pour il s'en alla. Ou encore : il eût été préférable que vous fussiez à ce rendez-vous (que vous y alliez ou allassiez). Tournure considérée comme correcte donc. Quand l'Académie écrit « cet usage » on ne sait trop à quoi elle se réfère : l'usage au passé composé ? Il est pourtant considéré comme appartenant à la langue familière relâchée. À l'école, les phrases du style Ma mère a été au marché nous étaient interdites.
Dire que le verbe être ne doit jamais s'utiliser au passé composé, c'est une hérésie ; il exprime une situation passée : j'ai été jardinier, il a été embauché, ils ont été contents...
Être s’emploie parfois dans le sens du verbe aller :
- dans l’usage littéraire au passé simple et au subjonctif imparfait ;
- dans l’usage familier aux temps composés.
Cet emploi est attesté chez des contemporains tels que F. Mauriac, J. Green, M. Tournier. Il remonte aux origines de la langue ; on le rencontrait déjà en latin. Molière, Bossuet, Montesquieu en offrent des exemples, ainsi que Voltaire, qui pourtant le condamnait chez Corneille.
Dans l'usage littéraire, je suppose qu'il s'agit de constructions comme Il s'en fut à l'étranger pour il s'en alla. Ou encore : il eût été préférable que vous fussiez à ce rendez-vous (que vous y alliez ou allassiez). Tournure considérée comme correcte donc. Quand l'Académie écrit « cet usage » on ne sait trop à quoi elle se réfère : l'usage au passé composé ? Il est pourtant considéré comme appartenant à la langue familière relâchée. À l'école, les phrases du style Ma mère a été au marché nous étaient interdites.
Dire que le verbe être ne doit jamais s'utiliser au passé composé, c'est une hérésie ; il exprime une situation passée : j'ai été jardinier, il a été embauché, ils ont été contents...
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Les maîtres savaient bien que le sens était "Ma mère est allée au marché" ! Ils n'auraient cependant pas dû interdire la phrase, mais expliquer qu'elle signifiait "Ma mère a passé quelque temps au marché" !Jacques a écrit :L'Académie donne cet avis :
Être s’emploie parfois dans le sens du verbe aller :
- dans l’usage littéraire au passé simple et au subjonctif imparfait ;
- dans l’usage familier aux temps composés.
je suppose qu'il s'agit de constructions comme Il s'en fut à l'étranger pour il s'en alla. Ou encore : il eût été préférable que vous fussiez à ce rendez-vous (que vous y alliez ou allassiez). Tournure considérée comme correcte donc. Quand l'Académie écrit « cet usage » on ne sait trop à quoi elle se réfère : l'usage au passé composé ? Il est pourtant considéré comme appartenant à la langue familière relâchée. À l'école, les phrases du style Ma mère a été au marché nous étaient interdites.
"Il s'en fut à l'étranger" marque clairement le déplacement et non la position. Mais le verbe "être" n'y est pas suivi d'un infinitif et il est précédé de "en" : la tournure, non seulement ne me paraît pas relâchée, mais relève pour moi du "grand style" !
- Jacques
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Attention, c'était implicite : les instituteurs interdisaient ce type de phrase (ma mère a été au marché) quand elle était employée à la place de « est allée ». Ils faisaient leur travail et corrigeaient en donnant la bonne formulation.André (Georges, Raymond) a écrit :Les maîtres savaient bien que le sens était "Ma mère est allée au marché" ! Ils n'auraient cependant pas dû interdire la phrase, mais expliquer qu'elle signifiait "Ma mère a passé quelque temps au marché" !
"Il s'en fut à l'étranger" marque clairement le déplacement et non la position. Mais le verbe "être" n'y est pas suivi d'un infinitif et il est précédé de "en" : la tournure, non seulement ne me paraît pas relâchée, mais relève pour moi du "grand style" !
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- Jacques-André-Albert
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Je pense que les instituteurs avaient tort de condamner cette tournure : elle est correcte grammaticalement et sémantiquement. Je peux dire « je suis au marché », donc rien n'interdit de le dire au passé composé « j'ai été au marché » quand la situation n'est plus de circonstance.
Les deux expressions concurrentes ont en réalité des sens légèrement différents :
– « je suis allé au marché » met l'accent sur le déplacement.
– « j'ai été au marché » insiste sur ma présence au marché.
L'interdiction proférée par nos maîtres d'école me semble un parti pris injustifié qui rejoint la condamnation de l'usage de l'auxiliaire avoir avec les verbes d'action.
Les deux expressions concurrentes ont en réalité des sens légèrement différents :
– « je suis allé au marché » met l'accent sur le déplacement.
– « j'ai été au marché » insiste sur ma présence au marché.
L'interdiction proférée par nos maîtres d'école me semble un parti pris injustifié qui rejoint la condamnation de l'usage de l'auxiliaire avoir avec les verbes d'action.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
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- Jacques
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Je suis d'accord, mais ce qu'ils nous interdisaient, c'était de dire « ma mère a été acheter des cerises au marché » ou « J'ai été cueillir des pommes au jardin ». Bien sûr qu'on peut dire Ma mère a été au marché pendant toute la durée de l'incident.
J'ai simplifié ma phrase, et je m'aperçois qu'elle donne lieu à polémique. Il n'y a pas lieu.
J'ai simplifié ma phrase, et je m'aperçois qu'elle donne lieu à polémique. Il n'y a pas lieu.
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- Jacques-André-Albert
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Oui, parce qu'on ne peut pas faire suivre le verbe être d'un infinitif ; mais à l'époque on ne nous l'expliquait pas, ce qui fait que nous nous interdisions aussi des expressions du genre « j'ai été au marché ». Il se disait que la formule correcte était « je suis allé au marché ».Jacques a écrit :Je suis d'accord, mais ce qu'ils nous interdisaient, c'était de dire « ma mère a été acheter des cerises au marché » ou « J'ai été cueillir des pommes au jardin ».
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(Montaigne - Essais, I, 24)
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- Jacques
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- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
On ne nous expliquait pas grand-chose. On nous imposait ceci, on nous interdisait cela, on n'avais pas à se justifier vis-à-vis d'un enfant. Un enfant ça se dressait, c'était comme un chien. Il devait obéir et n'avait pas le droit de discuter ou de demander pourquoi. Quand il le demandait on lui répondait « Parce que c'est comme ça », et s'il insistait : « Tais-toi ou tu vas recevoir une baffe ».
C'est ainsi que j'ai été élevé. Tout ce qui n'était pas obligatoire était interdit et vice-versa.
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- Jacques-André-Albert
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J'ai aussi subi ce genre d'éducation, qui nous obligeait à ingurgiter sans comprendre ; les baffes venaient souvent des instituteurs.Jacques a écrit :On ne nous expliquait pas grand-chose. On nous imposait ceci, on nous interdisait cela, on n'avais pas à se justifier vis-à-vis d'un enfant. Un enfant ça se dressait, c'était comme un chien. Il devait obéir et n'avait pas le droit de discuter ou de demander pourquoi. Quand il le demandait on lui répondait « Parce que c'est comme ça », et s'il insistait : « Tais-toi ou tu vas recevoir une baffe ».
C'est ainsi que j'ai été élevé. Tout ce qui n'était pas obligatoire était interdit et vice-versa.
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- Jacques
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Ah, je constate que je ne suis pas paranoïaque ou mythomane. C'était l'esprit d'une époque. Les instituteurs ne faisaient pas que donner des baffes. Ils ne lésinaient pas sur les châtiments corporels, qui se terminaient parfois par du sang.
Dernière modification par Jacques le sam. 10 août 2013, 10:08, modifié 1 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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- Inscription : mar. 11 sept. 2012, 9:16
J'ai eu droit tout au plus à des coups de règle sur les doigts et à l'agenouillement sur ladite.
C'était les conceptions du temps.
Comme celles du temps présent sont la repentance et la réparation, je me demande si je ne vais pas réclamer pour les séquelles traumatiques morales de quoi arrondir ma retraite.
C'était les conceptions du temps.
Comme celles du temps présent sont la repentance et la réparation, je me demande si je ne vais pas réclamer pour les séquelles traumatiques morales de quoi arrondir ma retraite.
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- Inscription : dim. 17 févr. 2013, 14:22
En école primaire communale dans les années cinquante, j’ai connu aussi les coups de règle sur les doigts. Je garde le souvenir d’un instituteur compétent, mais critiquable sur un point précis : ses petits sévices étaient parfois accompagnés, en ce qui me concernait, de remarques ironiques sur le fait que ma petite sœur était élève de l’« école libre ». Cela ne m’a pas empêché de faire une carrière d’enseignant dans le public !
Encore aujourd’hui beaucoup de gens demandent qu’on leur indique des règles à appliquer en pensant qu’elles seraient décrétées par des spécialistes indépendamment de la participation de l’ensemble des locuteurs à l’évolution de la langue. J’étonne parfois mon interlocuteur en lui expliquant que lesdits spécialistes commencent par observer les faits quotidiens de langue pour en déduire des constantes et des lois, mais aussi rendre compte de nouveautés.
Encore aujourd’hui beaucoup de gens demandent qu’on leur indique des règles à appliquer en pensant qu’elles seraient décrétées par des spécialistes indépendamment de la participation de l’ensemble des locuteurs à l’évolution de la langue. J’étonne parfois mon interlocuteur en lui expliquant que lesdits spécialistes commencent par observer les faits quotidiens de langue pour en déduire des constantes et des lois, mais aussi rendre compte de nouveautés.