Repentance
- Jacques
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Repentance
On a beaucoup parlé depuis quelques années de repentance. Je trouve ce mot assez mal ficelé avec sa terminaison en -ance.
Mais surtout, je n'en vois pas la nécessité puisqu'il existe déjà le repentir.
Peut-on envisager une nuance de sens ? Dans les deux cas les dictionnaires parlent de vif regret d'une faute qu'on a commise. Ils ne mettent pas en évidence une nette différence de signification.
Mais surtout, je n'en vois pas la nécessité puisqu'il existe déjà le repentir.
Peut-on envisager une nuance de sens ? Dans les deux cas les dictionnaires parlent de vif regret d'une faute qu'on a commise. Ils ne mettent pas en évidence une nette différence de signification.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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- Jacques-André-Albert
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Un aperçu de son utilisation au fil des siècles.
Je note que la désinence -ance est plutôt à la mode, avec l'emploi fréquent de mouvance (souvent à contresens), gouvernance, itinérance, bien-pensance, etc.
Je note que la désinence -ance est plutôt à la mode, avec l'emploi fréquent de mouvance (souvent à contresens), gouvernance, itinérance, bien-pensance, etc.
Quand bien nous pourrions estre sçavans du sçavoir d'autruy, au moins sages ne pouvons nous estre que de nostre propre sagesse.
(Montaigne - Essais, I, 24)
(Montaigne - Essais, I, 24)
- Jacques
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Je croyais que c'était un néologisme. Je viens de vérifier. Il était déjà donné comme vieillissant dans la première édition du dictionnaire de l'Académie (1694) :
REPENTANCE. s. f. v. Regret, douleur qu'on a de ses pechez. Il est mort avec beaucoup de repentance, avec une grande repentance de ses pechez. Il vieillit.
Dans une édition plus récente (8e), elle précise qu'il est d'usage exclusivement religieux :
REPENTANCE. n. f. Regret, douleur qu'on a de ses péchés. Il est mort avec beaucoup de repentance, avec une grande repentance de ses péchés. Il ne s'emploie guère que dans le langage de la piété.
Les emplois modernes qui visent une « repentance » des actes du passé sont donc, d'une part archaïques, d'autre part impropres puisqu'ils ont un sens laïque, et enfin fautifs puisqu'on ne peut se repentir que d'actes qu'on a commis soi-même. Regrets, réprobation, condamnation seraient plus appropriés.
D'après votre lien, JAA, on constate qu'il atteint son apogée dans la première moitié du XVIIIe siècle.
REPENTANCE. s. f. v. Regret, douleur qu'on a de ses pechez. Il est mort avec beaucoup de repentance, avec une grande repentance de ses pechez. Il vieillit.
Dans une édition plus récente (8e), elle précise qu'il est d'usage exclusivement religieux :
REPENTANCE. n. f. Regret, douleur qu'on a de ses péchés. Il est mort avec beaucoup de repentance, avec une grande repentance de ses péchés. Il ne s'emploie guère que dans le langage de la piété.
Les emplois modernes qui visent une « repentance » des actes du passé sont donc, d'une part archaïques, d'autre part impropres puisqu'ils ont un sens laïque, et enfin fautifs puisqu'on ne peut se repentir que d'actes qu'on a commis soi-même. Regrets, réprobation, condamnation seraient plus appropriés.
D'après votre lien, JAA, on constate qu'il atteint son apogée dans la première moitié du XVIIIe siècle.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Jacques
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Le mot est vraiment ancien, voici ce qu'en disait Littré :
HISTORIQUE :
XIIe s. Petit e petit est venuz à repentance, Th. le mart. 101. Nel di [Je ne le dis] pour ce que soie en repentance [regret d'aimer], Couci, XVII.
XIIIe s. S'ele n'a repentance d'oevre si maleoite [maudite], Berte, CXXXVI. Il est en vraie repentance Près de faire tel penitance Cum cele enjoindre li saura, Puis que pardonné li aura, la Rose, 9879.
XIVe s. Mes la chose faite pour ygnorance, de laquelle.... l'en a tristece, desplaisance, et pesance ou repentance, ORESME, Eth. 60.
XVe s. Tost lui en vint le dommage et grant repentance, COMM. I, 10. Et selon sa grand repentance [de Louis XI] il est à esperer que son ame est glorieuse en paradis, ID. VII, 11.
XVIe s. Quitta toutes ses bombances et pompes, pour espouser une repentance tranquille, saincte et religieuse, BRANT. Charles-Quint.
Nous trouvons là confirmation du sens principalement religieux.
C'est donc par une sorte de grandiloquence que d'aucuns l'emploient de nos jours à la place de repentir.
HISTORIQUE :
XIIe s. Petit e petit est venuz à repentance, Th. le mart. 101. Nel di [Je ne le dis] pour ce que soie en repentance [regret d'aimer], Couci, XVII.
XIIIe s. S'ele n'a repentance d'oevre si maleoite [maudite], Berte, CXXXVI. Il est en vraie repentance Près de faire tel penitance Cum cele enjoindre li saura, Puis que pardonné li aura, la Rose, 9879.
XIVe s. Mes la chose faite pour ygnorance, de laquelle.... l'en a tristece, desplaisance, et pesance ou repentance, ORESME, Eth. 60.
XVe s. Tost lui en vint le dommage et grant repentance, COMM. I, 10. Et selon sa grand repentance [de Louis XI] il est à esperer que son ame est glorieuse en paradis, ID. VII, 11.
XVIe s. Quitta toutes ses bombances et pompes, pour espouser une repentance tranquille, saincte et religieuse, BRANT. Charles-Quint.
Nous trouvons là confirmation du sens principalement religieux.
C'est donc par une sorte de grandiloquence que d'aucuns l'emploient de nos jours à la place de repentir.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Perkele
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- Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
- Localisation : Deuxième à droite après le feu
Je ressens le mot repentir comme un moment où l'on montre du remord et la détermination de ne plus recommencer.
Repentance m'évoque un sentiment qu'on éprouve lorsqu'on réfléchit à ses fautes passées.
Le premier est plus actif que le second.
Repentance m'évoque un sentiment qu'on éprouve lorsqu'on réfléchit à ses fautes passées.
Le premier est plus actif que le second.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
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- Inscription : mar. 11 sept. 2012, 9:16
Par grandiloquence et par refus du repentir, qui précisément fait religieux ! Tous ceux qui ont fréquenté quelque catéchisme connaissent le repentir. La repentance en revanche est si vieille et si bien oubliée qu'on a pu la ressortir à usage "républicain" (*) et collectif (personne en particulier n'a à s'accuser) sans heurter le sentiment laïc.
(*) encore un mot mis tous les jours par grandiloquence à toutes les sauces par les officiels, pour dire "civique", au risque de faire sourire dans les royautés francophones qui peuvent par-là supposer qu'on les pense à demi-barbares.
(*) encore un mot mis tous les jours par grandiloquence à toutes les sauces par les officiels, pour dire "civique", au risque de faire sourire dans les royautés francophones qui peuvent par-là supposer qu'on les pense à demi-barbares.
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Républicain employé pour civique, ce n'est encore que demi-mal, car il y a pire : c'est l'adjectif « citoyen » qui n'est qu'un barbarisme, un mot inventé pour remplacer civique qui est le véritable adjectif correspondant au substantif citoyen.
Citoyen est à civique ce que solutionner est à résoudre.
Citoyen est à civique ce que solutionner est à résoudre.
Dernière modification par Jacques le lun. 11 nov. 2013, 12:39, modifié 1 fois.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Je trouve vos analyses, à tous, très pertinentes. On peut peut-être (pléonasme ?) ajouter que Larousse dit le mot repentance littéraire et, après tout, c'est aussi une bonne raison de ce choix fait, je pense, par les politiciens. Quant à l'origine religieuse, elle ne me semble pas douteuse tant on peut trouver de nuances dans le regret en la matière : repentir, repentance, attrition, contrition, componction,....Y en a-t-il d'autres ?
- Jacques
- Messages : 14475
- Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
- Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum
Il y a effectivement une insistance qui redouble le sens : on peut (ou mieux on pourrait) évoque une éventualité, ce que traduit aussi l'adverbe peut-être. Une redondance plutôt qu'un pléonasme ? Mais cela se discute.Koutan a écrit :On peut peut-être (pléonasme ?)
Vous avez probablement raison : le choix de repentance est fait pour frapper les esprits.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
- Klausinski
- Messages : 1295
- Inscription : mar. 12 déc. 2006, 23:54
- Localisation : Aude
Il me semble aussi que la repentance est plus propre à désigner l'action de se repentir, la « manifestation de cette attitude », comme dit le TLF, alors que le repentir est censé être un regret, un chagrin sincère. La repentance, contrairement au repentir, pourrait donc être une chose feinte, une simple démonstration hypocrite.
Je me demande si la résurgence du terme n'est pas due à Philippe Muray, qui écrivait en 2000 : « Après bien d’autres mea culpa, le temps de la repentance collective est proche, concernant ces milliers d’années de l’Histoire au cours desquelles, dans le seul but de flatter le narcissisme de notre espèce, on a donné à l’homme un statut supérieur et voulu croire qu’il possédait le monopole de la pensée. »
Le mot a été repris par un certain nombre de penseurs se sentant proche de la pensée « antimoderne » de Muray, surtout à partir de 2007.
Je me demande si la résurgence du terme n'est pas due à Philippe Muray, qui écrivait en 2000 : « Après bien d’autres mea culpa, le temps de la repentance collective est proche, concernant ces milliers d’années de l’Histoire au cours desquelles, dans le seul but de flatter le narcissisme de notre espèce, on a donné à l’homme un statut supérieur et voulu croire qu’il possédait le monopole de la pensée. »
Le mot a été repris par un certain nombre de penseurs se sentant proche de la pensée « antimoderne » de Muray, surtout à partir de 2007.
« J’écris autrement que je ne parle, je parle autrement que je ne pense, je pense autrement que je ne devrais penser, et ainsi jusqu’au plus profond de l’obscurité. »
(Kafka, cité par Mauriac)
(Kafka, cité par Mauriac)