Depuis des lustres j’entends utiliser le verbe réaliser dans le sens de « prendre conscience de », et je l’utilise parfois moi-même.
Il y a quelques années, j’ai lu qu’il s’agissait d’un anglicisme à éviter. Cela m’ennuyait car je le trouve commode, et l’habitude est difficile à corriger.
Mais, nuance ! je viens de faire des recherches et j’apprends qu’il y a lieu d’interpréter le fait avec mesure et bon sens.
Le Dictionnaire de l’Académie explique : Admettre comme réel en esprit. Il ne réalise pas encore pleinement sa perte. Si cet emploi, attesté chez d'excellents auteurs, de Charles Baudelaire à André Gide et François Mauriac, ne saurait être considéré comme fautif, l'utilisation abusive du verbe réaliser au sens affaibli de « se rendre compte » est en revanche un anglicisme à éviter. Ainsi, on ne dira pas : Il a réalisé qu'il devait partir, mais, par exemple : Il s'est aperçu, il a compris qu'il devait partir.
Je suis soulagé.
En conclusion, l’emploi n’est pas fautif quand il s’applique à des situations importantes, par exemple : Il réalisa à quel point sa passion du jeu détruisait son existence et celle de ses proches – Nous avons réalisé l’ampleur du désastre – Elle réalisa combien sa chance était grande, et ce qu’elle allait changer dans sa vie. Il s’agit là de se rendre pleinement compte de la réalité d’un évènement sérieux.
En revanche, dans les petits faits de la vie quotidienne, c’est un abus, un excès : on ne réalise pas qu’il est déjà l’heure de préparer le repas, que la terrasse a besoin d’être nettoyée, qu’on a oublié de passer chez le boulanger ou qu’on approche de Noël.
Réaliser
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J'ai encore découvert il y a deux jours l'incorrection d'une formulation banale dont j'usais souvent. C'est le prix à payer pour avoir une langue qui ne soit pas uniforme comme une langue construite. J'en dis autant des fautes d'orthographe que je commets avec quelques mots rebelles pour moi, en particulier dans les consonnes redoublées ou non.
L'incorrection de "réaliser" m'est apparue le jour où je l'ai trouvé entre parenthèses dans un texte d'entre les deux guerres. De même pour d'autres mots tels que "formidable" ou "forme" (physique d'un athlète).
Je réserve désormais l'emploi de "réaliser" à la liquidation en argent de biens tangibles. Et bien entendu, on ne me comprend pas...
L'incorrection de "réaliser" m'est apparue le jour où je l'ai trouvé entre parenthèses dans un texte d'entre les deux guerres. De même pour d'autres mots tels que "formidable" ou "forme" (physique d'un athlète).
Je réserve désormais l'emploi de "réaliser" à la liquidation en argent de biens tangibles. Et bien entendu, on ne me comprend pas...
- Jacques
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Formidable est l'un de ces mots qui s'emploient dans une quantité de situations. Je l'ai banni de mon vocabulaire tant il est galvaudé et accommodé à toutes les sauces, d'autant que je ne peux m'empêcher de penser à son sens véritable : qui cause une grande frayeur.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
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Je m'interdis depuis une quinzaine d'années d'employer "réaliser" dans le sens "se rendre compte", "comprendre". Je constate que j'ai peut-être tort.
Mais je trouve intéressant le Robert DHLF sur ce point :
Dans son sens courant, "rendre réel, effectif" (1611), réaliser est un verbe didactique de philosophie et s'oppose à idéaliser. D'abord chez les traducteurs d'anglais (1858, chez Baudelaire traduisant Poe), le verbe a pris la valeur de l'anglais to realize "se rendre compte avec précision, exactitude". Cette acception, répandue à la fin du XIXe s. (1895, P. Bourget) malgré de sévères condamnations (Souday, Léautaud), s'est répandue largement, y compris dans la langue littéraire (Proust l'écrit en italiques, Montherlant entre guillemets).
Mais je trouve intéressant le Robert DHLF sur ce point :
Dans son sens courant, "rendre réel, effectif" (1611), réaliser est un verbe didactique de philosophie et s'oppose à idéaliser. D'abord chez les traducteurs d'anglais (1858, chez Baudelaire traduisant Poe), le verbe a pris la valeur de l'anglais to realize "se rendre compte avec précision, exactitude". Cette acception, répandue à la fin du XIXe s. (1895, P. Bourget) malgré de sévères condamnations (Souday, Léautaud), s'est répandue largement, y compris dans la langue littéraire (Proust l'écrit en italiques, Montherlant entre guillemets).
- Islwyn
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Je viens de le voir utilisé entre guillemets par Roger Vailland, Drôle de jeu (1945).André (Georges, Raymond) a écrit : Cette acception, répandue à la fin du XIXe s. (1895, P. Bourget) malgré de sévères condamnations (Souday, Léautaud), s'est répandue largement, y compris dans la langue littéraire (Proust l'écrit en italiques, Montherlant entre guillemets).
Quantum mutatus ab illo
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- Inscription : mar. 11 sept. 2012, 9:16