Pendant

Répondre
Avatar de l’utilisateur
Anne
Messages : 714
Inscription : ven. 23 janv. 2009, 13:41
Localisation : France

Pendant

Message par Anne »

Le roman que je lis en ce moment m'a fait découvrir l'adjectif pendant dans le contexte juridique, son personnage principal s'étant trouvé chargé de traiter les « affaires pendantes ».

Ce qui m'a intéressée et éclairée, c'est que je n'ai pas du tout lu pendantes comme qui pendent, mais comme en cours (vous admettrez une différence frappante entre quelque chose qui pend et quelque chose qui court), ce qui rapproche cet adjectif du sens de la préposition pendant.
Je ne m'étais jamais interrogée sur l'origine de cette préposition ni sur sa ressemblance avec le participe présent du verbe pendre. Les dictionnaires étymologiques que j'ai consultés ne m'ont pas donné de réponse claire.

À la réflexion, j'aurais pu comprendre pendantes comme en suspens, le lien s'établit plus évidemment grâce à la parenté étymologique de ces deux mots.
Pourtant, la préposition pendant me semble bien pouvoir se remplacer par au cours de, alors que le suspens apporte une idée d'interruption que ne contient pas le cours, même si les deux expriment l'idée de quelque chose d'inachevé.

Ma réflexion sur le sujet est... pendante.
Avatar de l’utilisateur
Perkele
Messages : 12918
Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
Localisation : Deuxième à droite après le feu

Message par Perkele »

Ce qui est suspendu est pendant, n'est-ce pas ?

Et l'objet qui est suspendu risque de tomber ; il dépend du crochet qui le tient (jusqu'à ce qu'on le dépende). Un jugement qui ne peut être exécuté que pendente conditione est dépendant de la réalisation d'une condition.

Mais tant qu'il est pendu, rien ne se passe. Pendant (qu'il est suspendu) on pèse les éléments dont on dispose (ayez en tête l'image d'une balance romaine) pour savoir s'il va ou non tomber, avec parfois une certaine angoisse : c'est le suspens.

Pensez aussi que la tour de Pise est la torre pendente et qu'une ville proche de Viterbe possédant sur son territoire une magnifique chute d'eau s'appelle Acquapendente.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Un rapide tour étymologique, en supprimant quelques étapes intermédiaires. Pendant est formé sur le participe présent de pendre utilisé originellement en fonction d'adjectif dans le sens d'être en attente, en instance. L'emploi est d'abord exclusivement juridique : débat, procès pendant. L'antéposition de l'adjectif conduit vers l'usage moderne : pendant le plait (le procès), pendant le débat.
Cette syntaxe nous en rappelle une autre : Morte la bête ! Fini ou finis les ennuis !
Le terme passe dans le langage courant et prend un sens temporel qui se lie à des délais à tenir (année, terme, échéance...). L'acception moderne se précise au XIVe siècle avec des termes introduisant la notion d'une durée : pendant trois jours entiers...
Vous voyez bien que l'idée de quelque chose qui est en attente, puis en cours d'exécution (par évolution de sens) est présente depuis le début.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Avatar de l’utilisateur
Perkele
Messages : 12918
Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
Localisation : Deuxième à droite après le feu

Message par Perkele »

Jacques a écrit : pendant trois jours entiers...
C'est merveilleux ! l'expression fonctionne dans le sens " suspendu" et dans le sens "durant".
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Oui, ils sont interchangeables.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Avatar de l’utilisateur
Anne
Messages : 714
Inscription : ven. 23 janv. 2009, 13:41
Localisation : France

Message par Anne »

Jacques a écrit :Vous voyez bien que l'idée de quelque chose qui est en attente, puis en cours d'exécution (par évolution de sens) est présente depuis le début.
Oui, je le vois ; c'est cette évolution de sens que je ne me représente pas bien, car
Perkele a écrit :tant qu'il est pendu, rien ne se passe
alors qu'on utilise aujourd'hui pendant justement pour des choses qui se passent : « pendant le procès » signifie bien « alors que le procès est en train, se déroule, a lieu ».

Mais les glissements de sens ne s'expliquent pas toujours aisément dans l'histoire de la langue.

Je vous remercie pour vos éclairages.
Avatar de l’utilisateur
Perkele
Messages : 12918
Inscription : sam. 11 juin 2005, 18:26
Localisation : Deuxième à droite après le feu

Message par Perkele »

Anne a écrit :
Perkele a écrit :tant qu'il est pendu, rien ne se passe
alors qu'on utilise aujourd'hui pendant justement pour des choses qui se passent : « pendant le procès » signifie bien « alors que le procès est en train, se déroule, a lieu ».
Oui, le procès se déroule, on tergiverse, mais le verdict est pendant (à la balance romaine).

Pendant quelque chose, c'est la conclusion est pendante et qui ne sera connue qu'à la fin.
Il faut faire les choses sérieusement sans se prendre au sérieux.
Avatar de l’utilisateur
Jacques
Messages : 14475
Inscription : sam. 11 juin 2005, 8:07
Localisation : Décédé le 29 mai 2015, il était l'âme du forum

Message par Jacques »

Les évolutions de sens ne sont pas toujours rationnelles. C'est l'usage qui forge les mots, les change à la fois dans la forme et dans le sens. Et l'usage, c'est le peuple qui l'établit, sans raisonner de façon logique. Il y en a des foules qui sont illogiques. Prenez le verbe décimer : punition appliquée dans la légion romaine qui consistait à exécuter un légionnaire sur dix. Or, de nos jours, il signifie massacrer la majorité, la quasi-totalité d'une population ; ce n'est plus un sur dix, mais environ neuf sur dix. Nous pourrions trouver cent autres exemples et davantage. Étonner, c'est frapper d'un coup de tonnerre, foudroyer sur place ; le sens est puissant, et pourtant aujourd'hui c'est simplement causer une légère surprise : atténuation et changement de sens. Travailler, c'était à l'origine torturer, faire subir un supplice. Et maintenant, c'est accomplir une tâche ; évolution sémantique fabriquée par l'usage, et passage du statut de verbe transitif direct à celui d'intransitif. On ne subit plus l'action, on l'accomplit.
Pendant, « en attente », passe à au cours de, durant l'exécution de par voisinage.
Si haut qu'on soit placé, on n'est jamais assis que sur son cul (MONTAIGNE).
Répondre